L’une des maladies pathologiques en phase de devenir un sérieux problème de santé publique en Afrique en général et au Mali en particulier, est liée au dysfonctionnement du système nerveux. Autrefois considérée comme une maladie occidentale, aujourd’hui cette pathologie s’installe de plus en plus dans nos murs. De plus en plus, les accidents vasculaires cérébrales communément appelés AVC font des victimes. Cependant le Mali ne compte que 17 neurologues pour 17millions d’habitants. Pour attirer l’attention des décideurs et des politiques sur les effets néfastes du phénomène, Bamako a abrité à travers l’hôtel Mandé du 30juin au 1er juillet 2017 les travaux du 1er congrès de la société de Neurologie du Mali, couplé à la tenue du 2ème congrès africain de neuromyelite optique et pathologique associées. Au sortir de ce forum qui a regroupé les neurologues de 22pays, nous avons interviewé le président du comité d’organisation, Professeur Youssoufa Maïga, non moins Chef de service de Neurologie du Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Touré. A cette occasion, le Pr Maïga a parlé des symptômes de l’AVC et prodigue des conseils à l’endroit de la population.
La Lettre du Peuple : Qu’entend-on par Neurologie ?
Pr Youssoufa Maïga
Il y a deux services de neurologie au Mali. Le premier service de neurologie au Mali se trouve à l’hôpital du Point G. C’est parce que la demande est forte, qu’on a un deuxième service à Gabriel Touré. La neurologie comme son nom l’indique, est la science qui étudie le système nerveux et qui soigne les pathologies liées aux dysfonctionnements du système nerveux. Par exemple les AVC, l’épilepsie.
La Lettre du Peuple : Pouvez-vous nous parler des symptômes d’un AVC ?
Pr Youssoufa Maïga
L’AVC c’est une maladie liée à un dysfonctionnement de la vascularisation du cerveau. Qu’est-ce va se passer ? Le cerveau ne tolère pas qu’on lui prive de sang. Et dès que cette situation se produit, le cerveau va souffrir et va donner des signes de symptômes qu’on va appelés AVC. Ces signes peuvent être par exemple un bras qui ne marche pas, ou un pied qui ne marche pas, un déficit sensitif, des troubles à vue. La particularité est que ces symptômes vont s’installer brutalement. C’est comme l’enseignant qui écrit au tableau ne parvient plus à parler. C’est le chauffeur conduisant son véhicule qui ne parvient plus à faire des mouvements. C’est le chef de famille qui se lève le matin et qui ne mobilise plus son corps. C’est la mère de famille devant la cuisine qui n’arrive plus à bouger. En bref, c’est une installation brutale du symtôme neurologique.
La Lettre du Peuple : Qu’est ce qui explique le fait que les maladies neurologiques sont de plus en plus fréquentes au Mali ?
Pr Youssoufa Maïga
D’abord il faut dire que c’est une maladie qui devient un fléau chez nous. Ce n’est plus une maladie de l’occident. C’est une maladie qui nous touche de plein fouet. Ce qui l’explique, c’est que nous avons les mêmes facteurs de risques, et même plus qu’en occident, parce que notre alimentation change de manière radicale. Nous mangeons beaucoup de sel. Nous mangeons trop gras. Nous consommons trop de sucre. Nous sommes de plus en plus sédentaires. Si nos grands parents marchaient des kilomètres pour aller au champ ou cueillir des fruits et revenir à pieds à la maison, aujourd’hui, nous autres passons la journée assis dans des mètres carrés à boire du soda, à manger des frites et à prendre du poids. Tous les ingrédients sont réunis en pour qu’il ait beaucoup d’AVC en Afrique. On constate aujourd’hui que la jeunesse est de plus en plus victime de ces pathologies. L’hypertension se retrouve de plus en plus chez les jeunes. Les gens ne font plus de sport. Les gens mangent trop. Les gens sont très obèses. La jeunesse est frappée de plein fouet par ces pathologies. Beaucoup de jeunes sont devenus des fumeurs. Le tabac reste un phénomène très dangereux chez. En ce sens que le Tabac est un risque d’AVC surtout chez les jeunes. Il y a beaucoup de diabétiques parmi les jeunes. C’est là où ça doit nous alerter. L’hypertension en Afrique touche beaucoup le sujet jeune.
La Lettre du Peuple : Qu’en est-il de l’épilepsie?
Pr Youssoufa Maïga
L’épilepsie est une maladie neurologique. Dans notre compréhension traditionnelle, cette pathologie est considérée comme une maladie surnaturelle, liée aux « djinns ». Il n’en est rien. L’épilepsie est liée à un dysfonctionnement neurologique. Cela a été prouvé.
La Lettre du Peuple : Pr, les maladies neurologiques sont-elles soignables?
Pr Youssoufa Maïga
Oui, effectivement, les maladies neurologiques sont soignables. La tendance a changé. Si avant la maladie pathologique était non curable, aujourd’hui, ça se soigne. Elles se traitent.
La Lettre du Peuple : Pouvez-vous nous parler des objectifs et recommandations travaux du 1er congrès de la société de Neurologie du Mali, couplé à la tenue du 2ème congrès africain de neuromyelite optique et pathologique associées ?
Pr Youssoufa Maïga
Le thème principal de ce forum était la « neuromyelite optique » qui est une maladie grave. Relativement rare, mais c’est parce qu’on ne la cherche pas. Cette maladie semble plus fréquente chez l’africain. Au côté, du thème principal, bien entendu, il y’avait l’AVC, l’épilepsie. Au sortir de cette rencontre, qui a regroupé les neurologues de touts l’Afrique, nous avons décidé de mettre nos forces ensemble pour lutter contre cette maladie. Nous avons également décidé de créer un registre africain de neuromyelite optique qui sera basé au Mali sur le site de la société malienne de Neurologie ; de créer une base de données qui va nous permettre de mutualiser nos forces pour véritablement lutter contre cette maladie et de faire le plaidoyer auprès de nos décideurs et politiques et les grands groupes pharmaceutiques, pour attirer leur attention sur cette maladie qui est curable, mais avec des médicaments qui restent encore chers.
La Lettre du Peuple : Un message à l’endroit de la population ?
Pr Youssoufa Maïga
Les citoyens maliens doivent comprendre que la pathologie neurologique est en émergence. Aujourd’hui, quand on sort dans nos grandes villes, il n’y a pas de famille où un membre ou proche n’a pas été victime d’AVC ou d’épilepsie. Les céphalées, la migraine, tous ceux-ci sont des pathologies neurologiques. Je dirai à la population de consulter très rapidement dès qu’un dysfonctionnement neurologique intervient. Plus on consulte tôt, plus on peut soigner les malades.
Interview réalisée par Jean Goïta