Pr Younous Hameye Dicko, président du RDS : « Le forum de Kidal sans le gouvernement est une erreur politique de la part de la CMA »

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Younouss Hamèye Dicko
Younouss Hamèye Dicko

Le professeur Younous Hamèye Dicko, président du Rassemblement pour le développement et la solidarité, vice-président de la Convention des partis politiques de la majorité présidentielle, ancien directeur générale de l’ORTM et ancien ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, n’est plus à présenter. Dans cet entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder, le doyen fustige le forum de Kidal, fait sa lecture par rapport à la mise en place des autorités intérimaires et précise que seule la voie du dialogue est la plus certaine pour résoudre la crise du nord. 

 

Le POUCE : Quelle lecture faites- vous de la loi portant mise en place des autorités intérimaires ?

PR YOUNOUS HAMEYE DICKO : « Merci bien pour cette question. Apparemment, c’est un problème qui fait un peu de bruit au niveau national. Nous avons effectivement participé à l’élaboration et aux discussions concernant ce projet de loi que le gouvernement devrait présenter. Je pense que l’essence de ce projet de loi se trouve dans l’accord d’Alger qui dit qu’il faut mettre en place, partout où la gouvernance locale a été détruite, des autorités de commun accord. C’est-à-dire le gouvernement et les groupes armés. Il était du devoir du Mali et de son honneur d’appliquer loyalement les termes de l’accord d’Alger. Cette loi est venue précisément combler un vide qui existe sur le terrain. Il y a des localités où il n’y a plus d’Etat depuis des années. Les municipalités qu’on a mises en place sont tantôt gouvernées par le MNLA, tantôt par le MUJIAO et tantôt par n’importe qui et n’importe comment. Les populations ne savaient pas à quel maître se donner. Cette loi permet de mettre en place des autorités locales qui seront chargées de préparer le terrain pour qu’on puisse faire les élections. C’est essentiellement ça l’objectif de cette loi. La polémique vient du fait que, il y a un partage des personnes à designer entre le gouvernement, la CMA et la Plateforme. Nous avons pris l’exemple d’une commune de onze conseillers. La CMA choisit trois conseillers, la Plateforme désigne trois, le gouvernement choisit également trois, et les légitimités locales en désignent deux. Beaucoup de Maliens pensent que le gouvernement doit avoir une part plus importante. Aussi, tantôt on dit que c’est le gouvernement qui est président de ce conseil et l’un des mouvements est vice-président ; tantôt, c’est un des mouvements qui est président et le gouvernement est vice-president. On a pensé que ce partage n’est pas assez léonin en faveur du gouvernement. Ça, c’est la deuxième polémique. La troisième polémique me parait plus objective. Est-ce que toutes les communes dans lesquelles, il y a eu des problèmes vont voir dans leur nouvelle gouvernance des éléments de mouvements armés qu’elles n’ont jamais connu. C’est-à-dire, mettre des éléments que les gens ne connaissent pas ou jamais vu. Il y a eu des desordres, mais ils n’ont jamais été commandés ou gouvernés par des éléments rebelles de cette manière. Je prends le cas d’une commune du Nord de la vallée du fleuve, où brusquement on va voir trois éléments de la CMA, trois éléments de la plateforme, trois du gouvernement et deux éléments des légitimités locales, ça peut choquer un village sédentaire qui n’a jamais connu des éléments de la CMA. C’est une question qu’il faut savoir gérer si non les populations peuvent être choquées et peuvent même se remuer. La présence d’éléments quasiment étrangers au milieu exige beaucoup d’intelligence pour le gouvernement, beaucoup de manière pour les mouvements armés pour gérer ces choix dans une gouvernance de proximité. Toutes les polémiques que je viens d’énoncer me paraissent mineures devant le caractère de renouveau de cette loi. En d’autre terme ça peut être considérée comme la première décision d’envergure qu’on prend dans l’application de l’accord d’Alger. Pour cela, il faut qu’elle soit bien gérée, il faut qu’elle soit une réussite. Je crois que les sacrifices qu’on ferait pour que cette loi s’applique sur le terrain sont mineurs par rapport à son apport entre les populations qui vont se rencontrer, qui se détestaient et qui vont rire ensemble pour se gérer. Je crois que c’est une avancée. La loi sur la mise en place des autorités intérimaires est une loi positive et qui doit être saluée comme effort effectué par le gouvernement. Tout compte fait, c’est qu’en même le gouvernement qui subit tout et qui doit rendre compte de tout ça.

Pensez-vous que le forum de Kidal soit une avancée dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger ?

Le forum de Kidal n’est pas une avancée. Je crois que le forum a été mal préparé. Pour moi, les légitimités locales qui ne sont pas toujours légales ne peuvent pas organiser un forum et de cette envergure et de cette importance psychologique dans une telle zone. Le gouvernement doit être fortement impliqué. Il n’est pas imaginable non plus que les membres de notre gouvernement aillent se faire sécuriser par des mouvements armés dans des zones dangereuses. Quel qu’en soit le respect qu’on a pour eux, on se respecte nous même plus qu’autre chose. Le respect du Mali et du gouvernement et même des mouvements armés exige qu’on se considère quand on organise ces genres de rencontre de haut niveau. Si la CMA veut que le gouvernement participe à ce forum, il faut qu’elle l’honore lorsqu’il se présentera. Le gouvernement ne peut pas se présenter nu au point de vue sécurité. Le gouvernement est obligé de se présenter dans ses attributs. Alors, si on lui enlève ça, on l’humilie, on humilie les Maliens et on s’humilie soit même, parce que ça ne marchera pas. Tout le monde doit reconnaître que le forum a été mal préparé. On ne peut pas tout faire et dire comme si rien n’a été. La préparation de ce forum me parait pêchée. Maintenant, en ce qui concerne la tenue du forum, je pense que si le gouvernement dit de reporter, les autres doivent reporter. C’est une règle ça.  La CMA seule ne peut pas tenir un forum. La notion même de forum veut qu’il y ait du monde qui n’est pas toujours d’accord, un monde qui discute, un monde qui peut même se disputer. On ne peut pas seul faire un forum, si vous êtes trois et que deux font défection. Il ne fallait le faire, surtout que c’est le gouvernement qui finance. Si on ne se respecte pas, on ne pet aller nulle part. Le fait de tenir ce forum n’est pas gentil de la part de mes frères de Kidal et de la CMA.  Quel qu’en soit les animosités qu’on peut avoir, quel qu’en soit la philosophie qu’on peut avoir, quel qu’en soit sa volonté d’indépendance, il faut respecte l’autre, si non rien ne marchera. Je pense que le fait de tenir ce forum sans le gouvernement est une erreur politique de la part de la CMA et de mes frères de Kidal. Et étant donné que les principaux acteurs ne sont pas venus, on peut qualifier le forum de non événement. Nous attendions tous ce forum avec plaisir, que nos frères venant des différentes parties du Mali se retrouvent à Kidal. Et si ce n’était pas Kidal, ils n’ont qu’à se retrouver à Bougouni pour faire leur forum. Ça ne change absolument rien du tout. Ça serait une avancée si les choses s’étaient passées de cette manière. Je crois que la plupart des critiques contre la loi sur la mise en place des autorités intérimaires sont venues parce que le forum a échoué. D’autres critiques ont fusé parce que le vrai forum n’a pas eu lieu. Si le forum avait eu lieu, les gens allaient taire certaines choses. Maintenant, il faut remouler sinon ce qui s’est t passé à Kidal est un non événement.

Avez-vous un message par rapport à l’évolution de la mise en œuvre de l’accord pour la paix ?

Je sui optimiste. Je n’ai jamais été bêtement optimiste. En réalité, je calcule. Il n’y a pas d’autre issue que la paix. Nous sommes obligés d’aller vers la paix. Tous les efforts du gouvernement vont dans ce sens. Je crois que nous allons sortir de cette situation peut être dans de délais plus courts qu’on ne pense. Jusqu’ici, tout ce qu’on a fait n’était pas visible. Aujourd’hui, la mise en place des autorités intérimaires est là. Celui qui ne veut pas la prendre, c’est lui le fautif. Et quand on la prend, on l’applique loyalement. Son application loyale n’est pas des enfantillages parce que c’est sur des personnes que la loi va être appliquée. Ce n’est plus une histoire de groupes armés, d’armées ou de gouvernement malien. C’est maintenant une affaire entre nous. Ce sont les personnes qui vont faire le jeu.  Celui, qui ne joue pas le jeu est vite visible. Il sera indexé de ne pas vouloir la paix. Aujourd’hui, le monde entier veut la paix. La communauté internationale veut la paix et nous la voulons aussi. J’ai la certitude que nous évoluons vers la solution. Contrairement à ce pensent des gens, j’estime que l’échec du forum de Kidal constitue une avancée dans la lutte que tout le monde mène. Personne ne veut un troisième échec. Tout le monde sait qu’un troisième échec était inacceptable. Ceux qui ont fait échouer le forum de Kidal savent bien la responsabilité qu’ils ont prise. Je pense que l’échec du forum de Kidal est une annonce qu’on est allé trop loin. Quand on a été trop loin, on réfléchit et devient plus sage. Ça, c’est important pour nous. Il n’y a pas d’appel pour des gens intelligents qui ont une certaine puissance. Notre force est de parler. Nous savons que celui qui ne nous écoute pas, il aura des problèmes.

Entretien réalisé par Jean GOÏTA

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