Doyen de la Faculté des sciences administratives et politiques de l’Université Kurukanfuga de Bamako (Uk) et président de l’Association malienne de droit constitutionnel (AMDC), Pr Cheick Amala Touré se prononce sur la relecture de la Charte des partis politiques, notamment en ce qui concerne le point relatif a la limitation du nombre des partis politiques
L’Essor : Après consultations des partis politiques et des organisations de la société civile, le gouvernement, lors du Conseil des ministres du 4 avril dernier, a fait une communication relative à la relecture de la Loi n°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques. Quelles appréciations faites-vous de cette démarche des autorités de la Transition ?
Pr Cheick Amala Touré : Toute société est appelée à évoluer et à s’adapter aux grandes orientations et aux besoins changeant exprimés par les citoyens. À cet effet, nous en faisons appel à témoin, à juste titre, à l’ancien Premier ministre britannique, Wilson Churchill qui dit : «La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes.» Évoqué il y a de cela plusieurs décennies, aujourd’hui, le Mali se trouve confronté aux dures réalités d’une transformation de son espace de gouvernance à travers une démocratie mieux adaptée aux aspirations telles que formulées pendant les différents foras que les autorités de la Transition ont organisés (ANR, DIM).
Il est loisible de faire la lecture des difficultés relevées à travers la pratique des deux dernières décennies, entre autres : la prolifération des partis politiques, le nomadisme politique, le faible encadrement du financement des partis politiques, la gestion patrimoniale des partis politiques. Au regard des défis et enjeux susmentionnés, nous voyons d’un très bon œil la nécessité de revisiter la charte qui encadre les formations politiques.
Cette réforme pourrait rapprocher davantage les citoyens et la classe politique en termes de confiance et vision. S’il est admis que les partis politiques constituent en soi une des institutions indispensables au jeu démocratique, alors, il serait nécessaire de préciser leur rôle et de créer les conditions idoines pour combler les aspirations du Peuple.
L’Essor : À l’issue de ces consultations, il est attendu une réduction du nombre des formations politiques comme l’ont recommandé les ANR et le DIM. Est-ce à dire que cela contribuera à la refondation de l’État tant souhaitée par les Maliens ?
Pr Cheick Amala Touré : Par rapport à la réduction du nombre des partis politiques pour certains et pour d’autres leur «suppression pure et simple», nous nous retrouvons devant deux volontés antagoniques exprimées par le peuple. De prime abord, nous écartons l’idée qui consiste à aller vers la suppression systématique des partis politiques en raison du choix du «multipartisme intégral» pour lequel le peuple a opté à travers la Constitution de 1992 et celle de 2023.
L’Essor : Cette réduction aura-t-elle des répercussions sur les conditions de création et de financement ?
Pr Cheick Amala Touré : En revanche, revoir le nombre des partis politiques est envisageable par le procédé d’une ingénierie qui obéirait à la Constitution dans sa lettre et dans son esprit. On peut l’obtenir par plusieurs schémas. Pour nous, elle passera par un large consensus qui implique la participation inclusive des partis politiques et de la société civile. Cette réforme gagnerait en efficacité à travers le plafonnement des fonds de campagne, le contrôle des sources de financement, un large maillage territorial, la gouvernance démocratique interne des partis politiques, la démonétisation de l’élection et l’idéologisation des partis politiques.
L’Essor : Pourquoi est-il important de prendre en compte les statuts de l’opposition et de son chef de file dans la future Charte ?
Pr Cheick Amala Touré : S’agissant de la prise en compte du statut de l’opposition politique, nous estimons que son maintien peut être bénéfique dans le système partisan africain. Un des corolaires de notre démocratie est la crise électorale, il est fréquent que le parti politique qui perd l’élection présidentielle perde tout. À ce titre, l’intérêt d’un tel statut permet d’avoir un interlocuteur institutionnalisé en cas de crise de tout ordre. Ce mécanisme est de nature à apaiser le climat politique entre le parti majoritaire au pouvoir et l’opposition politique. Par ailleurs, nous estimons que ce statut contribue à conférer à l’opposition politique une garantie de sa participation constructive à la gouvernance et l’animation de la vie politique.
L’Essor : En quoi c’est nécessaire de mettre fin au nomadisme politique en cours de mandat au Mali ?
Pr Cheick Amala Touré : Nous estimons qu’il faut poursuivre les réformes politiques et institutionnelles énoncées dans les recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR). Et une de ces réformes attendues est la relecture de la Charte des partis politiques. Ces réformes contribueront à renforcer notre système démocratique, mais à condition qu’elles soient inclusives.
Cette démarche implique la participation effective non seulement des partis politiques mais aussi de la société civile, dont le but est la recherche d’un large consensus sur les différentes réformes envisagées. Il faut rappeler que le consensus est admis comme un principe à valeur constitutionnelle. En guise de fin de mots, nous demeurons convaincus que : «Le bateau Mali peut fortement taguer mais ne chavira point».
Propos recueillis
Namory KOUYATE
Toureke: Une petite population de 20 millions d’habitants avec 400 partis politiques, c’est une honte, une indignation et ceci veut dire que les Maliens sont tres divises et ne peuvent pas aller ensemble pour construire un pays-un Nation!