Dans notre mission de vous fournir des informations de qualité sur tous les aspects de la vie de la nation, nous nous sommes entretenus avec un récent ex commis de l’Etat monsieur Mamadou Seydou Traoré.
Longtemps secrétaire général du stratégique ministère de l’administration territoriale et des collectivités territoriales ; c’est seulement en 2009 qu’il a fait valoir ses droits à la retraite et se pose désormais comme Consultant indépendant, un Expert des questions électorales. Notre entretien a porté sur les élections générales de 2012 que notre pays se prépare à organiser. Une somme d’informations sur le processus électoral, les enjeux et craintes du scrutin sont dévoilés.
Saniya- infos : Bonjour monsieur Mamadou Seydou Traoré. Dans quelques mois notre pays organisera des élections générales. Pensez-vous qu’à quelques mois de ces échéances électorales que le Mali est prêt pour organiser des consultations électorales crédibles et apaisées ?
Mamadou S Traoré : Merci de vous intéresser à cette question électorale. Vous savez qu’aujourd’hui dans tous nos pays démocratiques, l’élection est la clé de voute qui est également une référence pour s’assurer que les citoyens exercent leur droit et leur devoir . C’est également une clé pour assurer la stabilité. Au Mali, depuis les événements de 1991 on a su organiser déjà quatre grands scrutins. Des maliens qui ont tenu un consensus sur l’organisation de bonnes élections. Aujourd’hui au Mali on se pose des questions avec tout ce que nous avons entendu comme discussion autour du fichier électoral, du couplage des élections . Si tout se passe de manière sereine , je pense que les maliens ont des ressources pour faire en sorte que les choses se passent de manière sereine. A condition que le dialogue inclusif et participatif qui a toujours été mis en place depuis mars 1991 soit dynamisé. Ce dialogue doit être permanent et élargi autant que possible aux partis politiques, aux organisations de la société civile et même aux citoyens .Si ces conditions sont remplies je pense que nous pouvons assister à de bonnes élections. Mais il y a également la gestion du temps qui est un facteur extrêmement important. Nous sommes presqu’à la fin de l’année mais la loi électoral n’est pas encore sortie. Cette loi va déterminer les autres activités de la conduite du processus électoral. Je pense que l’assemblée nationale et le gouvernement devraient s’atteler pour se mettre rapidement d’accord sur cette situation pour permettre aux acteurs politiques d’avoir une lisibilité.
Saniya –infos : Justement ! Est-ce qu’on peut considérer que le débat RACE, RAVEC est clos ?
Mamadou S Traoré : Nous sommes en train de construire une gouvernance démocratique. Par rapport au débat RACE, RAVEC le dialogue politique a défini une ligne de conduite. Le Fichier Electoral Consensuel proposé par le dialogue politique nécessite une collaboration entre les acteurs politiques, la DGE, la CENI. Les partis politiques établissent les tableaux rectificatifs, la DGE traite les fichiers sur la base des tableaux rectificatifs et la CENI est là pour contrôler. Les partis devraient être associés cette fois ci plus largement au contrôle de l’établissement du fichier électoral pour éviter toute discussion politique ultérieure.
Saniya –infos : A quand le fichier électoral sera- t-il disponible ?
Mamadou S Traoré : Le fichier ne sera disponible qu’à partir de janvier parce que conformément aux dispositions légales la fin de la révision des listes est prévue le 31 décembre. Dans la première semaine du mois de janvier les communes et les ambassades feront certainement acheminer les documents au niveau de la DGE. Maintenant comme je l’ai dit le facteur temps est extrêmement important parce que la DGE devra intégrer les nouvelles inscriptions, procéder aux radiations et à l’établissement du nouveau fichier. Donc il faut considérer que le mois de janvier sera consacré à la mise à jour du fichier électoral. Je pense qu’ils seront dans le temps si on leur donne les moyens de travailler.
Saniya- infos : Selon vous quelle est la fiabilité du fichier électoral consensuel ?
Mamadou S Traoré : Le fichier il est fiable. Il peut être fiable si la DGE fait son travail sous le contrôle de la CENI et avec l’implication des acteurs politiques parce qu’il faut, qu’ils disent que ce qui est en train de se faire est faite de façon professionnelle. C’est eux qui disent qu’ils veulent aller à un fichier consensuel et ce consensus doit se poursuivre au niveau de la DGE parce que il y a un texte qui dit que la DGE doit être ouverte aux partis politiques. Une fois que cela sera fait je pense qu’on peut avoir un fichier consensuel. Maintenant les scories qui vont apparaître, je pense qu’elles sont liées au RAVEC parce que nous n’avons pas les données biométriques et nous n’avons pas les photos des gens. Si on s’était pris plus tôt on aurait pu avoir ces photos-là et les mettre sur la base de données de la DGE. Mais le problème n’est pas ça. Le problème est qu’au Mali, il faut que les gens changent, qu’on cesse de tricher, de frauder. Et les fraudeurs se connaissent. C’est ça qui est important. Si on cesse de frauder chacun va s’engager dans un processus transparent.
Saniya- infos : Quelles sont les difficultés que peuvent poser le couplage des élections présidentielles et référendaires ?
Mamadou S Traoré : Bon ! Le couplage ne pose pas à priori de problèmes. On a l’expérience des élections couplées mais à la dimension de Bougouni. Le problème qui va se poser c’est les enjeux. Est-ce que les acteurs qui cherchent à être président de la république vont être intéressés à faire une campagne serrée et engagée sur le référendum. Parce qu’on va avoir un taux de participation qui va être équitable. C’est assez opportun que les deux scrutins se déroulent ensemble mais l’analyse situationnelle après le processus va se poser. Il s’agit de voir ceux qui sont intéressés et ceux qui sont davantage intéressés qui vont s’engager à faire campagne sur les deux thèmes. Pour les électeurs il faut que les citoyens soient bien informés .Il sera bon que le gouvernement, les partis et les candidats s’entendent sur comment il faut conduire les opérations. Il est important que les candidats se prononcent sur le référendum car quand ils seront au pouvoir, c’est eux qui auront à mettre en application cette constitution.
Saniya –infos : Mais aujourd’hui est ce que la situation dans le nord de notre pays peut permettre la tenue d’élections crédibles ?
Mamadou S Traoré : Pourquoi pas ? En 1992, on a organisé des élections quand le nord du pays était en situation de crise. Je pense qu’il s’agit pour l’Etat malien d’assumer ses responsabilités .Qu’il prenne des dispositions pour que des citoyens qui ne sont pas des bandits ou des terroristes puissent accomplir leur devoir civique. Le nord ne doit pas être un prétexte pour ne pas aller au processus. Le nord doit être bien quadrillé avec la bonne information pour que ceux qui désirent participer au processus démocratique puissent être légitimement élus.
Saniya-infos : Aujourd’hui, êtes-vous satisfaits de la mobilisation de militants électeurs par les partis politiques ?
Mamadou S Traoré : Tout le problème du pays est un peu là. Je pense que les partis politiques gagneraient à mieux s’organiser, à aller au-devant des préoccupations des citoyens, à passer des pactes d’engagement avec les citoyens. Ce qui va changer certainement la donne du taux de participation. En 1992, les citoyens étaient très enthousiastes à aller voter. C’était le début de la démocratie. Au fur et à mesure qu’on avance, il y a plus de partis politiques et moins de mobilisation. Cela veut dire quelque part que le dialogue participatif avec les citoyens électeurs n’est pas là. Aujourd’hui combien de partis politiques peuvent sortir des registres de militants pour dire que nous avons tant de militants, d’adhérents dans notre parti. C’est ça qui fait la force de la démocratie. Notre pays a besoin de réfléchir sur la prolifération des partis politiques. Au Mali on peut pas avoir dix projets de société, on peut avoir au maximum Cinq ou six. Il faut que les gens mettent bout en bout des petits partis politiques pour créer des grandes formations.
Saniya –infos : Vous en tant que le désormais ex secrétaire général du ministère de l’administration territorial , principal acteur du processus électoral ; quel appel avez-vous à lancer à l’ensemble des acteurs du processus électoral ?
Mamadou S Traoré : Je n’ai qu’un seul appel. Dialogue permanent, dialogue participatif acteurs politiques société civile ; entre acteurs politiques sur la base des programmes qui répondent aux besoins des usagers. Il ne s’agit pas d’aller faire des déclarations de politiques générales. Il s’agit de dire concrètement ce qu’on peut offrir comme service client dans cinq ans, dans dix ans. Une fois qu’on fait cela les gens seront jugés sur leur pacte d’engagement quand ils seront élus. Quand on gère il faut rendre compte. Mais ici on gère et après on s’en va. Une fois qu’on va le faire la carte de prétention va se réduire.
Saniya- infos : Merci monsieur Traoré.
Propos recueillis par Bandiougou DANTE