Le Chef d’Etat-major de la Force de la MINUSMA était l’invité du point presse hebdomadaire de la MINUSMA le 9 juin 2016. Ci-dessous en intégralité son intervention, ainsi que les réponses aux journalistes.
« Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis le Général, Hervé Gomart, Chef d’Etat-major de la Force de la MINUSMA. Je vais vous présenter pendant quelques minutes l’état de la Force de la MINUSMA.
Ces dernières semaines nous avons eu, hélas, un certain nombre de morts et de blessés. Nous avons eu cinq morts togolais au sud de Mopti, nous avons six morts tchadiens au nord d’Aguelhoc, un tué chinois à Gao et tout cela en quinze jours.
La perception qu’on peut en avoir, c’est une perception qui est normale, naturelle, c’est de dire finalement : les Casques bleus qui sont là, ils se font tuer. A quoi servent-ils ? Que font-ils ? Faut-il maintenir cette mission ? Faut-il maintenir la Force ? Ont-ils les moyens pour remplir leur mission ? Donc, cela engendre un certain nombre de questions tout à fait légitimes. Je vais essayer d’y répondre même si c’est un sujet qui est délicat parce qu’il n’y a pas forcément des réponses parfaitement établies.
La première idée forte, c’est qu’on ne reste pas sans réagir dans les attaques. C’est un point qui est assez nouveau quand même et je tiens à le souligner. Oui, nous avons eu cinq morts togolais, les cinq morts sont dues à une mine ou un IED. En plus de ces mines et de ces IED, il y a eu des tirs à la kalachnikov, qui n’ont tué et blessé personne. Pourquoi ? Parce que les togolais ont réagi. Ils ont ouvert le feu, mettant en fuite les assaillants.
Le mort de Gao, c’est un véhicule suicide. J’étais présent à Gao dans le camp, j’ai vu les vidéos, je sais à peu près bien ce qui s’est passé. Si nous n’avions pas eu une bonne protection du camp, s’il n’y avait pas eu une bonne réaction du contingent chinois, s’il n’y avait pas eu la réaction rapide des sénégalais qui étaient au « Super Camp » pour venir, nous aurions pu avoir beaucoup plus de morts. Nous déplorons un mort, nous déplorons quatre blessés graves mais s’il n’y avait pas eu cette capacité de la Force à réagir, cela aurait été beaucoup plus grave.
Je vous donne ces deux exemples pour vous montrer qu’on ne reste pas sans réagir et qu’on n’est pas là « comme des agneaux qui vont à l’abattoir ». Cela est assez nouveau, c’est un long processus pour apprendre à nos contingents à réagir, à être plus actifs, plus proactifs et avoir une meilleure réactivité.
Ce sera encore plus vrai demain. On n’évitera jamais les mines et les IED, on évite de temps en temps parce qu’on forme les contingents à savoir détecter ces engins explosifs sur les axes sur lesquels on circule. Même avec les meilleurs moyens du monde, que nous n’avons pas, on ne pourra pas détecter tous les engins explosifs. Même Barkhane qui a plus de moyens que nous a eu, je vous le rappelle il y a moins de deux mois, trois morts dans la région de Tessalit malgré un véhicule blindé et malgré les équipements.
On continue à s’entraîner, on continue à se préparer à ce genre de mission et demain, si on est attaqués, on réagira. C’est vraiment l’idée forte qu’il faut retenir. Nous sommes des soldats qui réagissent quand on les agresse et qui réagiront encore plus fortement demain quand on les agressera.
N’ayez pas cette image d’ici à Bamako, de soldats Casques bleus qui sont dans leurs camps et qui se protègent eux-mêmes. Ayez bien l’image, et pour cela il faut se déplacer dans le nord comme l’a dit Olivier Salgado, il faut aller dans le nord. En permanence, la Force a des unités qui sont sur les axes, qui sont au contact des populations, pour sécuriser ces populations, pour prendre en compte leurs problématiques et les transmettre aux piliers droits de l’homme, humanitaire et politique ; en permanence. C’est pour cela aussi que nous avons des gens qui se font tuer sur les axes avec les mines et les IED. S’ils étaient dans leurs camps, ils subiraient des tirs indirects ou des véhicules comme cela a été le cas à Gao, il y a dix jours. Donc, si aujourd’hui les Casques bleus meurent sur les axes, et s’ils sont sur les axes, c’est pour remplir le mandat des Nations Unies qui nous oblige à sécuriser les populations et à permettre la mise en œuvre de l’Accord de paix.
Les défis de la Force, ils sont nombreux et je veux en souligner un et c’est à vous les médias que m’adresse. On dit toujours : que fait la MINUSMA ? Elle n’a pas un mandat contre le terrorisme, il faut un mandat contre le terrorisme, il faut que ce soit comme Barkhane, etc. Je vais vous dire ce qui manque essentiellement pour agir : c’est de l’information et c’est du renseignement.
Pour agir contre les groupes terroristes, il faut savoir où ils sont ; combien ils sont ; et comment ils agissent. La MINUSMA, même si elle a aujourd’hui presque 11 000 soldats, elle n’a pas ces informations. Cela demande des moyens techniques qu’aujourd’hui, nous n’avons pas. Mais cela demande surtout du renseignement qu’on appelle « humain ». Le renseignement humain, c’est quoi ? Ce sont des gens qui dans la population sont capables de nous donner ces renseignements.
Donc, j’appelle ici la population à davantage coopérer avec la MINUSMA. Et au-delà de la population, j’appelle les groupes armés signataires, les responsables de ces groupes à coopérer davantage avec la MINUSMA.
Je le dis d’autant plus facilement aujourd’hui que dans les différents comités techniques de sécurité que j’ai coprésidés, j’ai fait le même appel aux représentants CMA / Plateforme. J’attends toujours de l’information de leur part.
Dans toutes les guerres, dans tous les conflits, le meilleur renseignement c’est le renseignement humain. Il y a des millions de maliens sur le terrain, il y’en a qui savent des choses, il faut nous transmettre ces renseignements. Je comprends parfaitement que parmi la population, certains craignent des représailles. Je le comprends parfaitement ; mais, ces gens-là, ils peuvent le faire sans s’adresser directement à la Force : ils ont des représentants, il y a des autorités civiles, politiques, il y a des représentants des groupes armés signataires qui eux sont toutes les semaines à des tables ici à Bamako pour discuter.
Eux peuvent nous passer du renseignement ou de l’information, ce qu’on appelle de l’information ouverte ; mais elle est essentielle cette information. Elle est essentielle. Sans cela, je pense qu’on n’avancera pas. Même si demain on met plus de soldats, ça ne va pas révolutionner le processus de paix, ça ne va pas révolutionner la situation sécuritaire.
Il ne faut pas penser qu’avec le nouveau mandat, si on a plus de soldats, que d’un seul coup le Mali connaîtra une paix du sud au nord et d’est en ouest. Il ne faut pas se voiler la face, il ne faut pas être des autruches qui vont mettre leur tête dans le sable et attendre que ça se passe. Je veux être très clair là-dessus, il ne faut pas se mentir, cela est essentiel.
J’appelle donc à d’avantage de coopération des maliens vis-à-vis de la MINUSMA dans son ensemble. Et moi, en tant que Chef d’état-major de la force, vis-à-vis des bataillons qui sont sur le terrain. Qu’ils soient à Tessalit, Aguelhoc, Ménaka, Ansongo, Diabaly, Léré, Tombouctou, Ber ; c’est important, c’est essentiel.
Alors je ne veux pas finir sur une note négative, c’est vrai que ces dernières semaines, si on regarde le bilan des morts, on peut être très pessimistes. Mais, je fais confiance aux maliens et à leur résilience, je fais confiance aux personnels de la MINUSMA, bien évidement de Barkhane, pour que les choses avancent quand même et qu’un jour la paix soit rétablie ici, la sécurité soit rétablie partout au Mali.
Dans ces derniers jours, il y a un point très positif qui a été abordé par Olivier Salgado tout à l’heure, c’est une patrouille mixte. Je vais évoquer un petit peu ce qui s’est passé avec le MOC de Gao. Donc le MOC, je rappelle, c’est le Mécanisme Opérationnel de Coordination. Le MOC dépend de la CTS, ça fait partie de l’Accord de Paix. C’est un organisme qui est malien. Il y a des gens de la Plateforme, de la CMA, et des représentants FAMA.
Le MOC de Gao a décidé il y a dix jours de faire une mission pour rejoindre Tombouctou, pour aller donner à Tombouctou des véhicules et du matériel de bureau pour que le bureau régional de Tombouctou puisse fonctionner. Je rappelle que le gouvernement malien avait donné à Gao pour le MOC 42 Pick-up pour qu’il fonctionne.
Donc, il y a un détachement constitué de FAMa, de personnel de la Plateforme et de la CMA, qui est parti le 28 mai, qui a passé une nuit à Gourma-Rharous, qui a ensuite rejoint Tombouctou, qui est resté deux jours à Tombouctou, et qui est revenu le 2 juin à Gao, sans incident. Ça a permis d’une part de fournir des moyens au bureau régional de Tombouctou et aussi de faire un petit peu de pédagogie, de sensibilisation, sur le fonctionnement de ce processus MOC et des patrouilles mixtes à venir.
C’est un point très positif, et ça il faut vraiment en faire de la communication. Parce que d’abord, c’est bien les maliens entre eux qui ont décidé de cette mission, mission qui s’est parfaitement passée et où les groupes armés signataires étaient représentés.
Il faut maintenant que ce genre de missions se multiplie ; mais pour ça, il faut que le MOC, le bataillon mixte de Gao, soit totalement opérationnel, ce qui n’est pas encore le cas. On a la liste des combattants. Il y a le camp de regroupement de ces combattants qui a déjà été nivelé, maintenant on attend des tentes pour pouvoir héberger les combattants.
Mais une fois que ce sera fait, toutes les semaines quotidiennement, il y aura des patrouilles pour sécuriser Gao, la région de Gao, voire plus loin. Il faut qu’on fasse la même chose à Tombouctou et ensuite il y aura Kidal. Tout ça n’existait pas il y a quelques mois. Ce ne va pas assez vite, c’est vrai, parce que pendant ce temps, il y a beaucoup d’évènements liés aux domaines sécuritaires qui se déroulent ; mais il faut rester positif. Donc je tiens vraiment à souligner et à féliciter le Colonel Rissa, qui est le coordonnateur du MOC, d’avoir permis cette mission. Mais, il ne faut pas qu’elle reste unique. Voilà, faites-en la publicité, ça va encourager les groupes à s’associer aux prochaines missions mixtes. C’est très important.
Pour le nouveau mandat, normalement le vote se déroulera à la fin du mois, le 29 juin. Nous espérons, nous militaires, avoir un renfort en troupes et en moyens. On y reviendra une fois que ce sera vraiment voté mais on espère pour la Force de l’ordre de 2 000 soldats supplémentaires, des capacités en matière de renseignements, des forces spéciales supplémentaires de lutte contre les engins explosifs ; mais cela ne va pas se faire au claquement de doigt. C’est-à-dire que si cela est voté le 29 juin, ce n’est pas le 1er juillet que tous ces moyens-là seront arrivés au Mali. Il faudra qu’ensuite il y ait des pays contributeurs des Nations Unies qui disent : “oui, moi je suis prêt à fournir telle capacité” ; et qu’ensuite, il ait tout un processus de préparation, tout un processus administratif et ça prend du temps.
Cela veut dire que ces capacités-là, si on les obtient après le vote du Conseil de Sécurité, en étant normalement optimiste, les premières capacités arriveront en fin d’année, début 2017. Donc, encore une fois, dans ce type de processus, il faut se montrer patient.
Et, je tiens à redire ce que j’ai dit tout à l’heure : même ces capacités-là, ce n’est pas cela qui va faire des miracles en quelques jours au Mali. C’est un besoin nécessaire, c’est pour cela que la Force a exprimé ses besoins. On pourra faire plus de choses mais, je reviens sur ma seconde idée : nous avons besoin de davantage de coopération de la part des maliens et des groupes armés signataires !
A travers les médias, vous êtes essentiels. Il faut que ce que je dis, ce message, soit porté partout au Mali, que ça ne reste pas dans une sphère Bamako-bamakoise. J’ai été à Gao il y a quelques jours, j’ai été à Tessalit il y a quelques jours, j’ai été à Tombouctou ; aujourd’hui je suis ici… Mais, ces messages-là, il faut vraiment que ça circule partout. Je compte sur vous, vous avez ma confiance ! Repos ! (Rires).
Je suis prêt à répondre aux questions.
Question : Merci beaucoup, moi je voudrais savoir, vous demandez plus de collaboration des groupes signataires, est-ce que le manque de collaboration de certains groupes en matière de renseignement sur le terrain peut être compris comme étant une sorte de jeu double, comme l’a dit Jean-Yves le Drian ?
Général Gomart : Ma réponse va être assez simple : Je ne peux pas croire qu’au Mali aujourd’hui, avec tout ce qui se passe, que personne ne soit au courant de rien ! Il y a donc des gens parmi la population, parmi les groupes signataires, qui ont des informations et qui ne partagent pas ces informations. Je ne peux pas citer tel ou tel groupe. Je ne peux pas citer telle ou telle personne ; mais il est impossible, avec toutes les mines et les IED, avec les différentes attaques suicides qu’on a eu au cours des derniers mois, que personne n’ait la moindre information. Il y a des gens qui ont peut-être peur pour eux, qui ont peut-être des informations qui ne veulent rien dire, il y a peut-être des gens qui, le jour, sont avec la communauté internationale et la MINUSMA et, la nuit, sont du côté terroriste. Ce qui est sûr, c’est que nous si on n’a pas l’aide de l’ensemble des maliens, ça va être très difficile de soutenir le processus de paix et de permettre aux maliens de vivre en paix. On ne peut pas être partout dans un pays immense comme le Mali, avec plusieurs millions d’habitants. Ce n’est pas la MINUSMA avec ses 14 000 personnels, dont 11 000 soldats, qui va pouvoir tout faire. Alors on coopère avec les Forces armées maliennes, on coopère avec Barkhane ; mais finalement, même avec ces forces partenaires, ce n’est pas suffisant parce qu’encore une fois, ce qui est essentiel, c’est le renseignement d’origine humaine, c’est d’avoir des informations.
Il y a des gens qui savent qui pose les mines et les IED. Il y a des gens qui savent où est-ce qu’ils sont fabriqués ; et on n’a rien. On a des moyens techniques, mais pas suffisants. Je vais juste comparer -je ne compare pas du tout le Mali avec un autre pays mais- en Afghanistan, les Forces de l’OTAN avaient bien plus de moyens techniques que nous avons nous à la MINUSMA. Malgré cela, les Forces de l’OTAN subissaient régulièrement des pertes, à cause des mines et des IED. Parce que c’était le même problème en Afghanistan ! C’était un besoin d’avoir du renseignement par la population, et la population ne coopérait pas.
Donc sans coopération de la population, le défi, à mon avis, est trop grand pour être relevé, au moins à court terme.
Donc, si on veut accélérer le processus de paix, si on veut accélérer la sécurisation du Mali, nous avons besoin de cette coopération.
Question : Je voudrais rebondir sur cette question de la Coopération. Vous trouvez qu’elle n’est pas suffisante, je voudrais savoir ce que vous-même, MINUSMA, quelle stratégie vous avez déployé pour avoir justement cette coopération de la population ? Est-ce que vous faites quelque chose ou vous attendez qu’on vienne vous trouver dans le camp pour vous renseigner ? Est-ce que c’est la même approche que vous avez développée pour que justement, les gens aient envie ou confiance en vous pour venir vous renseigner ? Première question.
Entre temps, je me demandais quel est l’état d’avancement du DDR ?
Troisième question c’est : il y a quelques jours, le Burkina Faso, qui est l’un des plus gros contributeurs ici au Mali (Reprise du Général Gomart : « qui est LE plus gros contributeur »), avait suggéré que l’on puisse redistribuer ses troupes tout au long de la frontière parce que lui aussi est sensiblement menacé par le terrorisme. Comment vous avez accueilli cette suggestion ?
Général Gomart : Première question : nous sommes en permanence au contact de la population. Puisqu’en permanence, comme je vous le disais, des gens sont sur le terrain, à l’extérieur des camps, discutent avec les gens, traversent les villages. Donc à chaque fois, les soldats demandent : « est ce que vous avez vu des terroristes qui sont passés par ici ? Est qu’il y a des gens qui vous paraissent un petit peu douteux ou pas fréquentables ? Etc. » On n’a quasiment rien qui vient. Les gens, probablement et je peux comprendre, les gens ont peur pour leur propre vie, mais on n’a rien avec nous ; si on n’a rien, on ne peut pas faire toutes les stratégies qu’on veut. Ici, je m’adresse à vous, ça fait partie de la stratégie, c’est-à-dire je fais un appel, un appel à la coopération. Après on peut faire tous les plans de bataille qu’on veut, les plans d’opération qu’on veut, si on n’a pas cet élément essentiel, le partage de l’information on n’avancera pas.
La deuxième question sur le DDR ; donc aujourd’hui, vous avez les sites de cantonnement qui sont toujours en construction. Les trois premiers, celui de Likrakar, ceux d’Inegar et Fafa, seront terminés ce mois-ci, opérationnels. Il y en a cinq autres, les travaux commencent tout juste, ils seront finis au cours de l’été. Je ne peux pas vous donner de dates exactes parce qu’en fait, chaque cas, chaque site est différent ; ça dépend de la société qui a le contrat, des capacités de la société à construire la partie en dur. Tout ce qui est tentes pour le logement des combattants, ça nous l’avons ; c’est en attente, prêt à être mis en place une fois que les camps sont construits. La partie cantonnement, ça prend du temps, mais ça avance.
La partie patrouilles mixtes, j’en ai parlé. Après, ce qui nous manque dans le processus DDR, c’est que nous n’avons toujours pas les listes officielles des groupes signataires concernant leurs combattants. Tant que nous n’avons pas les chiffres, les listes exactes certifiées par les secrétaires généraux, nous ne savons pas exactement combien il y aura de combattants à cantonner. Donc, nous ne savons pas exactement combien il faudra construire de camps.
Aujourd’hui nous avons 24 sites prévus ; 21 ont été reconnus viables, 3 sont quasiment finis, 5 autres commencent. On a besoin de savoir où en sont ces listes et nous attendons également que la Commission nationale de DDR et la Commission d’Intégration se réunissent pour donner les critères qui sont ceux du DDR, les critères à travers lesquels le système fera passer les anciens combattants.
Concernant le Burkina Faso, aujourd’hui nous avons deux bataillons Burkinabès qui sont dans notre secteur ouest ; un est déployé à Tombouctou et autour de Tombouctou et le deuxième est déployé à Diabaly. Donc effectivement, ils ne sont pas le long de leur frontière. Aujourd’hui, on n’envisage pas de les faire basculer à l’est puisque d’abord, ça veut dire que ceux qui sont à l’est, comme les Nigériens, sont près de leur frontière. Donc si on fait changer les deux, il y a le Niger qui va dire : « nous on veut garder notre bataillon Nigérien près de la frontière ». Au-delà de ça, il y a une question politique sur laquelle je n’interviens pas parce qu’il y a des décisions qui me dépassent. Mais d’un point de vue militaire, faire bouger un bataillon d’un endroit A à un endroit B avec tous ses moyens etc., ça prend du temps. Et pendant que ce bataillon bouge, il ne remplit pas ses missions opérationnelles. Ça veut dire qu’on a une baisse capacitaire pendant quelques semaines et ça ce n’est pas bon du tout pour nous. On a besoin de garder notre capacité de réaction. J’ai suivi dans la presse cette demande du Gouvernement Burkinabè, maintenant ça se traitera de manière officielle à travers les instances onusiennes à New York. Et si jamais l’ordre est donné de basculer le bataillon Burkinabè à l’est, on verra comment on peut faire. Il faudra bien qu’on mette un autre bataillon à l’ouest.
Je voudrais que vous me rappeliez la définition du MOC ; ensuite combien de MOC prévoyez-vous à court ou moyen terme et enfin qu’en est-il des observateurs militaires tant annoncés ?
Le MOC, c’est le Mécanisme Opérationnel de Coordination. C’est une instance qui est prévue dans l’Accord de Paix et qui dépend du président de la CTS, la Commission Technique de Sécurité, le Commandant de la Force de la MINSUMA. Il y a une instance centrale qui est stationne à Gao avec des représentants CMA, Plateforme, FAMa. Il y a ensuite trois Bureaux régionaux : un à Gao, un à Tombouctou, un à Kidal. La partie qui est à Gao, donc le Bureau central et le Bureau régional, fonctionne. Les gens se réunissent tous les jours dans leurs bureaux, ils ont du matériel fourni par la MINUSMA et par Barkhane : ordinateurs, mobiliers de bureau. Ils ont planifié les patrouilles mixtes. C’est lui qui travaille sur le premier bataillon mixte, je rappelle que ce sera un bataillon de 600 soldats, 200 FAMa, 200 Plateforme, 200 CMA. On a les listes de ces combattants validés, certifiés. On attend de pouvoir réunir ces 600 combattants dans un même lieu. Le lieu, je l’ai dit, les travaux sont en cours, on attend les tentes pour pouvoir les installer pour qu’à partir de Gao, ce premier bataillon mixte puisse agir.
Aujourd’hui, je rappelle, il y a encore un point bloquant entre les groupes et le Gouvernement, les groupes signataires demandant à ce que son personnel soit payé comme des soldats maliens avec un statut de soldat ; et le Gouvernement ayant validé le fait de payer une prime opérationnelle, une prime d’alimentation quotidienne, mais ne voulant pas payer un salaire fixe, estimant que ces combattants ne sont pas encore des soldats maliens. Donc ça, c’est un point de blocage aujourd’hui. Je remarque que la mission mixte de la semaine dernière où d’il y a dix jours s’est quand même passée malgré ce point de blocage.
Après, est-ce qu’il y aura d’autres bureaux régionaux ? Lors de la dernière CTS, celle de mi-mai, les groupes ont demandé à ce qu’il puisse y avoir à l’avenir un bureau régional MOC à Ménaka, et un bureau régional MOC à Taoudéni, donc dans le cadre des nouvelles régions. Donc, la réponse qui a été faite ça a été de dire on va étudier cette faisabilité, pour l’instant nous on a trois bureaux régionaux qui ne sont pas encore tous optionnels, la priorité c’est 1) Tombouctou ; 2) Kidal ; et ensuite, on étudiera la faisabilité pour Ménaka. Taoudéni, je n’ai pas caché que c’était quand même très loin et que ce serait un peu compliqué pour le soutien logistique. Alors nous avons déjà depuis six mois 40 observateurs militaires tel que c’était prévu pour la Force. Ils sont aujourd’hui répartis de la manière suivante : il y en a sept ici à Bamako, c’est l’équipe de commandement ; et ensuite 11 dans chacun des secteurs (11 à Kidal, 11 à Gao, 11 à Tombouctou) qui agissent quotidiennement. Leur mission première, elle est bien d’observer les violations de cessez-le-feu, de pouvoir faire des compte-rendu, mais c’est également de soutenir la mise en œuvre du processus de paix et de transmettre un certain nombre de messages sur les actions de la Force. Aujourd’hui, ces équipes d’observateurs militaires sont en permanence sur le terrain ; compte-tenu de l’insécurité, elles ne peuvent pas agir de manière indépendante, ce qui veut dire qu’on est obligé de mettre toujours une escorte armée avec ces équipes-là, ce qui est donc assez contraignant. Il n’empêche que ce sont aujourd’hui ces équipes qui font par exemple des compte-rendu lorsqu’un groupe armé a ouvert un poste du côté disons de Tombouctou ; on envoie les observateurs militaires avec l’équipe ÉMOV (Équipe Mobile d’Observation et de Vérification) pour aller vérifier la véracité des faits. Donc aujourd’hui, j’estime que cette capacité-là au sein de la Force est opérationnelle.
: On sait que toutes les Forces subissent des pertes sur le terrain, on observe quand même que Barkhane en subit beaucoup moins que les autres. Comment expliquez-vous cela ? C’est une question purement militaire ?
Général Gomart : La plupart des morts que nous avons eu, on les a eu par mines et IED. On a eu certains de ces morts par mines et IED parce que les soldats étaient dans des véhicules moins blindés que les véhicules de Barkhane. Et en fonction de la charge explosive qu’il y a ou du type de mine ou d’engin explosif improvisé, les dégâts sont plus ou moins forts. Barkhane a plus de capacités que la MINUSMA pour fournir une protection aérienne lorsque Barkhane fait des convois. Mais ça n’empêche pas Barkahne d’avoir eu il y a trois semaines des morts par mine dans la région de Tessalit et d’avoir eu encore des blessés récemment par mines. Parce que c’est impossible de détecter mines et IED partout. Maintenant la capacité de protection et d’avion de Barkhane est supérieure aux contingents de la MINSUMA.
L’un des points saillants concernant la mise en œuvre de l’Accord par les groupes armés passe par le cantonnement ainsi que les autorités intérimaires. Mais dans votre exposé, j’ai constaté que pour le cantonnement, ce n’est pas un sujet qui peut se relever à court terme. Est-ce à dire que la mise en œuvre de l’Accord de Paix est aussi un sujet qui se traitera à long terme ?
C’est une bonne question ; effectivement, aujourd’hui on a un point de blocage. Les groupes armés demandent la mise en place des autorités intérimaires avant de poursuivre la mise en œuvre du processus DDR. Donc, on est dans un point de blocage. Il y a aujourd’hui une solution, mais qui ne va pas tout résoudre, c’est le principe du DDR accéléré. J’ai parlé tout à l’heure dans le cadre du MOC du bataillon mixte de Gao ; il y aura le bataillon mixte de Tombouctou, celui de Kidal. Ces bataillons mixtes, celui de Gao il est presque existant parce qu’on a déjà les listes de combattants qui vivent et qui sont dans la région de Gao, ces gens-là, il faudrait qu’ils passent au filtre DDR c’est-à-dire qu’ils soient d’abord désarmés, identifiés, reconnus comme futurs soldats, réarmés, et qu’une fois qu’ils réintègrent ces bataillons mixtes, qu’ils soient reconnus soldats de l’armée malienne. C’est à dire que ces gens-là ne passeraient pas par la case site de cantonnement. Ça je pense que l’ensemble des groupes armés signataires et les représentants du gouvernement, on en a discuté lors de la dernière CTS, sont tous d’accord. Y’a que la CMA qui a émis des réserves, ils ont dit : « il faut qu’on en parle à nos leaders » ; je n’ai pas eu de retour depuis. Mais si on peut faire ça pour le bataillon mixte de Gao, si on peut faire ça pour Tombouctou, Kidal, ça veut dire qu’on aurait trois bataillons qu’on pourrait avoir rapidement ; ce serait l’Armée malienne reconstituée, la première phase de l’Armée malienne reconstituée, sans que ces gens-là attendent que tout le processus de cantonnement soit fait, sans qu’on attende que tout le processus de DDR se mette en place. Donc, on peut appeler ça un DDR accéléré.
Je vous remercie pour votre attention et ces nombreuses questions.