Plus jamais ça

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David Nabarro,  l’Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Ebola Photo: UN Photo/Eskinder Debebe
David Nabarro, l’Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Ebola
Photo: UN Photo/Eskinder Debebe

— David Nabarro

 

Afrique Renouveau : Où en sont les Nations Unies avec la riposte à l’épidémie d’Ebola ?

David Nabarro : Cette situation est sans précédent. Nous avons eu des épidémies d’Ebola au cours des 40 dernières années, mais jamais de cette ampleur. C’est pourquoi la communauté internationale a décidé d’y répondre de manière extraordinaire. L’ONU appuie les efforts des gouvernements, des partenaires non-gouvernementaux et des autres bailleurs de fonds internationaux. Nous allons regrouper les efforts de toutes les agences des Nations Unies sous l’autorité de la MINUAUCE. Nous nous attendons à ce que 70 % des personnes infectées par le virus Ebola soient sous traitement à la fin de novembre et qu’au moins 70 % des enterrements se déroulent sans risque et dans la dignité. Nous nous attendons également à ce que la propagation de la maladie commence à diminuer d’ampleur et que la courbe épidé- mique commence à fléchir vers le bas d’ici à janvier 2015. Il y a encore un long chemin à parcourir pour mettre toutes les personnes infectées sous traitement, mais les enterrements se déroulent de manière plus sûre et plus digne et, dans certaines zones de la région, la courbe épidémique commence à fléchir. Mais je tiens à souligner que l’épidémie est encore loin d’être complètement maîtrisée.

 

Plus de 5 000 personnes sont mortes dans les trois pays les plus touchés, à savoir le Libéria, la Sierra Leone et la Guinée. La situation se stabilise-t-elle ?

Eh bien, la situation varie d’un pays touché à l’autre. Dans certains comtés du Libéria, l’on signale une baisse du taux d’infections. Dans d’autres régions, en particulier certaines des communautés urbaines et par endroits en Sierra Leone, le virus se propage toujours à un rythme rapide. Nous ne disposons pas de données complètes. La situation est contrastée mais elle correspond à ce à quoi nous nous attendions : nous commençons à voir des améliorations dans certaines régions à mesure que la riposte s’intensifie.

 

A quand la fin de cette pandémie, selon vous?

Je peux voir la lumière au bout du tunnel, mais nous en sommes encore bien loin. Je ne sais pas ce qui nous attend d’ici là. La difficulté avec une épidémie de ce genre c’est qu’elle est imprévisible et peut s’aggraver à tout moment. Il peut y avoir de nouvelles chaînes de transmission et nous pourrions constater que le nombre de cas mortels avait grimpé en flèche il y a plus de deux ou trois semaines. J’hésite à faire des prédictions, que ce soit sur le temps qu’il nous faudra pour maîtriser l’épidémie que sur un éventuel degré de gravité. Il y a de fortes chances que je me trompe dans mes prévisions, si je vous donne une date maintenant.

 

La souche du virus en Afrique de l’Ouest est-elle plus virulente que celle de l’Afrique centrale ?

Il n’y a pas de différence dans le mode de propagation. Ce qui importe vraiment c’est que tout le monde réalise que les gens ont de fortes chances de survie s’ils sont mis sous traitement assez tôt. Il faut environ 1 milliard de dollars pour maîtriser la propagation de la maladie. Où en sommes-nous par rapport à cet objectif ? En septembre 2014, l’ONU a lancé un appel de fonds de près d’un milliard de dollars. À ce jour, nous avons reçu près de 800 millions de dollars. La maladie s’étant d’avantage propagé entre-temps, ce montant a été revu à la hausse, soit à 1,5 milliard de dollars afin de prendre en charge 70 % des cas sous traitement et d’assurer l’enterrement sans risque de 70 % des victimes jusqu’à mars 2015. Il se peut qu e l’on ait besoin de plus de ressources après la fin mars.

 

Certains pays auraient contribué nettement moins que l’on pouvait en attendre. Comment qualifieriez-vous la réponse internationale à ce jour ?

Eh bien, en général, les gouvernements, le grand public et les entreprises ont été incroyablement généreux. Dans certains Plus jamais ça — David Nabarro Après l’apparition du virus Ebola, l’Organisation des Nations Unies a mis en place sa toute première mission de santé publique – la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola (MINUAUCE) afin de faire face à la pandémie. Dans cet entretien avec Newton Kanhema pour Afrique Renouveau, David Nabarro, l’Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Ebola, parle des efforts déployés par l’ONU pour contrôler l’expansion du virus. Interview David Nabarro, Special Envoy of the UN Secretary-General on Ebola.  UN Photo/Eskinder Debebe EBOLAAfriqueRenouveau   Décembre 2014 19 cas, il leur est arrivé de demander à leurs trésors publics de réviser les montants alloués et éventuellement faire de nouvelles contributions. Un pays a fourni quatre tranches d’aide. Plusieurs autres pays ont fourni de nombreuses aides d’appoints, je ne souhaite donc critiquer aucun pays. Nous avons également constaté une générosité incroyable de la part des fondations. Par exemple, la Paul G. Allen Family Foundation a offert 100 millions de dollars, la fondation Bill et Melinda Gates a donné 50 millions de dollars et la Children’s Investment Fund Foundation a offert 20 millions de dollars. Des particuliers ont répondu favorablement aux appels lancés par des œuvres caritatives. Des hommes et femmes d’affaires du monde entier ont également fait preuve de générosité.

 

Et les pays africains ?

J’ai eu de nombreuses échanges avec des dirigeants africains, avec l’Union africaine, la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), la Communauté d’Afrique de l’Est et aussi avec des membres des milieux d’affaires africains et de la société civile. Les Africains sont extrêmement préoccupés par cette épidémie et apportent leur contribution.

Il semble également que certaines promesses n’auraient pas été tenues. Est-ce exact ?

La plupart des pays qui ont fait des promesses les ont tenues ou ont engagé leurs fonds très rapidement. Je n’ai connaissance d’aucun pays qui ne l’ait fait. Des problèmes, s’il y en a, pourraient s’expliquer par les lenteurs administratives propres à ce type d’assistance.

 

Dans ce cas, les 800 millions de dollars promis ont-ils été mobilisés ?

La somme n’est pas entièrement disponible sur des comptes bancaires mais en raison de l’engagement des pays –qui a une valeur juridique et veut dire que l’argent sera disponible– nous pouvons engager des dépenses. Quant aux promesses, l’argent ne peut être dépensé tant qu’il n’a pas été reçu. Les 800 millions représentent donc des engagements. La réponse a été véritablement extraordinaire.

 

Que fait l’ONU pour éviter des retards, le cas échéant, et recouvrir les fonds

Ce que j’ai fait, par exemple avec le fonds d’affectation spéciale que le Secrétaire général a créé et dont je suis responsable, c’est d’établir un cycle de sept jours. A l’arrivée des fonds, nous examinons des propositions sur la manière de dépenser l’argent dans les sept jours.

 

Pensez-vous que cette épidémie aurait pu être évitée ?

Mon rôle est de m’occuper de l’immédiat. Viendra le moment, j’en suis sûr, quand il sera nécessaire de faire une analyse historique – ce que nous appelons en médecine un examen « post-mortem ». Il ne me revient pas de le faire. Cela ne relève pas de ma compétence.

 

Lorsque le SRAS a frappé l’Asie, vous jouiez le même rôle. Pouvez-vous nous dire ce qu’il y a de différent ?

Cette épidémie sévit dans une région du monde où les systèmes de santé ne sont pas les plus efficaces. C’est aussi un virus qui provoque des taux de mortalité élevés et qui exige un traçage rigoureux des contacts. Nous nous sommes rendus compte que les pays en mesure d’agir rapidement peuvent la maîtriser, surtout s’ils sont préparés : le Nigéria et le Sénégal sont des exemples, le Mali également réagit rapidement. Nous avons également constaté que dans certains comtés et districts des pays touchés où la riposte a été énergique et intense, la vitesse de propagation du virus s’est ralentie. Donc, il faut un degré élevé d’organisation et de discipline. En un mot il faut être prêt.

 

 

Quelles leçons faut-il en tirer pour l’avenir ?

En trois mots : la préparation, la vigilance et la solidarité. Être prêt, être vigilant et travailler ensemble, parce que les maladies ne connaissent pas les frontières. Nous devons nous souvenir des ravages de cette maladie et mettre en place des mécanismes de défense de sorte que de telles souffrances ne se reproduisent.

 

Afrique Renouveau

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