Pour la promotion d’un environnement de politique agricole propice à l’accès au marché des petits producteurs, un avant projet de loi sur le système de récépissé d’entreposage a été élaboré pour des plaidoyers auprès des décideurs politiques et des producteurs pour son adoption. Dans l’entretien qui suit, Pierre Traoré, coordinateur de l’Observatoire du marché agricole nous parle de ce projet, son importance de la différence entre le système de récépissé d’entreposage et le Warrantage.
Le Républicain : Qu’est ce que le système de récépissé d’entreposage ?
P.T : Le système de récépissé d’entreposage est un service d’accès au marché et au financement bancaire pour les petits producteurs. En effet par ce système, ces derniers pourront avoir accès à un crédit bancaire sur la base d’un récépissé fourni par un opérateur d’entreposage, qui reçoit en gage le produit fourni par les producteurs.
Les Républicain : Le système de récépissé d’entreposage existe-il au Mali ?
Non le système de récépissé d’entreposage n’existe pas au Mali pour le moment. Toutefois, le projet « Promotion d’un environnement de politique agricole propice à l’accès au marché des petits producteurs», qui vient de prendre fin le 31 octobre 2015, a beaucoup travaillé sur le système de récépissé d’entreposage. Il a même élaboré un avant projet de loi sur ce système et a fait beaucoup de plaidoyers pour son adoption. Actuellement cet avant projet de loi est au niveau de la direction nationale du commerce et de la concurrence, qui va le faire porter par le ministère du Commerce et de l’Industrie pour son adoption.
Le Républicain : Quelle est la différence entre le système de récépissé d’entreposage et le Warrantage ?
P.T : Dans le warrantage, les organisations paysannes cherchent le crédit à la banque et gèrent eux-mêmes ce crédit par des achats de leur production pour constituer des stocks. Ces stocks sont, au moment voulu, vendus aux commerçants pour rembourser la banque. Pour le warrantage, il n’existe ni cadre légal, ni système de régulation, ce qui augmente la méfiance des banques et limitent leur intervention en matière de financement de l’économie nationale. Alors que dans le système de récépissé d’entreposage interviennent les producteurs, les opérateurs d’entreposage, les banques, les assurances et les commerçants. Il existe non seulement un cadre légal qui protège chacun des acteurs, mais aussi un comité de régulation qui est un organe de contrôle et d’organisation du système. Le système de récépissé d’entreposage diminue les risques bancaires, améliore la qualité des produits, le taux de bancarisation du pays et le financement bancaire de l’économie nationale. Enfin il crée beaucoup d’emplois à travers le pays.
Le Républicain : Devons-nous donc comprendre ainsi que le système de récépissé d’entreposage va se substituer au warrantage?
P.T : Absolument pas, le système de récépissé d’entreposage, à l’instar du warrantage et des marchés à travers le pays, n’est qu’un moyen pour les petits producteurs d’avoir accès au marché autrement dit de vendre leur production. Le système de récépissé d’entreposage viendra s’ajouter et rivaliser librement avec les autres systèmes déjà existants.
Le Républicain: Pouvez-vous nous parler du projet évoqué plus haut c’est-à-dire le projet « Promotion d’un environnement de politique agricole propice à l’accès au marché des petits producteurs» ?
P.T : Le projet dont il est question est un projet élaboré par un consortium de services techniques maliens composé de : l’Observatoire du Marché Agricole (OMA), coordination du consortium ; l’ONG AMASSA Afrique Verte (AMASSA-AV) – secrétariat ; l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) ; l’Institut d’Economie Rurale (IER) ; la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence (DNCC); la Direction Nationale de l’Agriculture (DNA) et le Groupe « AMI Mali ». Le document de projet, élaboré par ce consortium, a été présenté au comité de subvention d’AGRA en novembre 2012 pour financement. Il a reçu l’accord de financement et a travaillé sur les aspects d’accès au marché des petits producteurs jusqu’au 31 octobre 2015.
Le Républicain: En ce moment où le projet a pris fin, l’avant projet de loi a-t-il été adopté ou que faites-vous maintenant pour que ça soit le cas ?
P.T : C’est vrai que malgré la fin du projet, l’avant projet de loi n’est pas encore passé en conseil de ministre, encore moins à l’Assemblée Nationale. Toutefois, les membres du consortium, qui sont les structures techniques maliennes, vont suivre l’état d’avancement du dossier. La preuve est que la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence, qui doit faire avancer le dossier est aussi membre du consortium qui a fait le travail.
Le Républicain: Dans tout ça quel a été le rôle de l’Observatoire du Marché Agricole en tant que structure coordinatrice?
P.T : L’Observatoire du marché agricole a participé à toutes les phases, qui ont précédé l’intervention d’Agra au Mali. En effet, il a participé aux événements suivants : l’atelier d’août 2010 relatif à la restitution de l’étude commanditée par Agra pour identifier ses domaines d’intervention au Mali ; l’atelier de mars 2011 sur la constitution des groupes d’actions politiques, qui sont en fait les consortiums de structures techniques selon les domaines d’intervention d’Agra. C’est durant cet atelier que le consortium ou groupe d’actions politiques « accès au marché » a choisi l’Observatoire du marché agricole comme structure coordinatrice du consortium ; l’atelier d’août 2011 sur les techniques de rédaction des projets à soumettre au comité de subvention d’Agra ; la participation à la rédaction du document du projet.
Le Républicain: Enfin qu’est ce que l’Observatoire du marché agricole?
P.T L’Observatoire du marché agricole est un système d’information du marché agricole. Il a été créé avec la libéralisation du commerce des produits agricoles dans le cadre des programmes d’ajustement structurel dans les années 1980. Son rôle principal est de collecter, traiter et diffuser les informations sur les marchés agricoles. Sa première structure d’ancrage était l’Office des Produits Agricoles du Mali (OPAM). Ses premiers responsables étaient des travailleurs de l’Opam affectés à cette tâche. Ces derniers ont été tous formés dans des universités américaines par l’USAID. Le premier responsable de l’Observatoire du marché agricole est l’actuel Président Directeur Général de l’Opam Salifou Bakary Diarra. Actuellement l’OMA est un service spécialisé de l’Apcam avec une autonomie de gestion.
Le Républicain: Comment de l’Opam, l’OMA s’est-il retrouvé à l’APCAM?
P.T : Cela s’explique par la nécessité d’élargir la gamme des produits couverts autres que les mil/sorgho/maïs et l’importance de la structure dans la fourniture d’informations commerciales et publiques à tous les acteurs en général et le monde rural en particulier. Dans le cadre du transfert de la structure, les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) dans le but de conserver les acquis ont accepté de payer à travers le Programme de Restructuration du Marché Céréalier (PRMC), les droits des travailleurs de l’OPAM déjà formés afin qu’ils accompagnent l’Observatoire à l’Apcam. Pour ce faire, l’OPAM et ces cadres ont rompu le contrat de travail qui les liait afin qu’ils puissent être recrutés à l’Observatoire du Marché Agricole rattaché à l’Apcam
Le Républicain : Il y quelques jours on parlait du départ en 1998 de l’actuel PDG de l’OPAM de la structure comme s’il avait été licencié pour faute grave?
P.T : Vous me donnez ainsi, l’occasion d’éclairer l’opinion publique sur cette question. Il faut que l’on sache que la gestion du Système d’information du marché (Sim) était d’abord une activité à l’intérieur de l’OPAM et qu’en 1998 cette activité n’a pas survécu à la restructuration et de l’OPAM et du SIM. Par nécessité de disposer d’un système neutre et d’aller vers une couverture plus large des produits agricoles au delà des céréales, le SIM restructuré, qui est devenu « Observatoire du Marché Agricole (OMA) », a été transféré de l’OPAM à l’Apcam. Les coûts de ce transfert ont été pris en charge par l’USAID dans le cadre du Programme de restructuration du marché céréalier (PRMC). Moi-même qui vous parle, j’étais sur la même décision qui a mis fin aux contrats des cadres concernés par ce transfert afin qu’ils soient redéployés à l’Observatoire des Marchés Agricoles.
Propos recueillis par Ousmane Baba Dramé