« De Dakar à Djibouti, radioscopie de la relation Afrique-France » (1). Le journaliste sénégalais prédit une amplification du rejet que suscite la France auprès d’une partie de la jeunesse africaine.
A 37 ans, Paap Seen est l’un des animateurs les plus affûtés du débat politique au Sénégal. Editorialiste et coauteur de Politisez-vous ! (United Press Editions, 2017), il porte un regard sans concession sur l’acrimonie grandissante entre une frange de la jeunesse sénégalaise et la France. Une histoire de « blessure profonde », d’« arrogance », mais aussi de destins inextricablement liés.
Avez-vous un souvenir précis de votre première rencontre avec la France ou sa culture ?
Paap Seen Oui, cela s’est produit dès l’enfance, à l’école, lorsque j’apprenais à déchiffrer le monde. Comme tout enfant sénégalais scolarisé, cette découverte cruciale s’est faite en français et dans une forme d’aliénation. J’ai appréhendé ce qui m’entoure dans une langue qui n’est pas celle de mes parents. Les premiers romans que j’ai lus étaient écrits dans cette langue. Tout comme ceux d’auteurs africains ou issus d’autres continents. Mon imaginaire n’a donc pas échappé à la vision du monde que sous-tend la civilisation française même si, contrairement à mes parents et à mes grands-parents, on ne m’a pas appris que mes « ancêtres étaient Gaulois ».
Par ailleurs, je viens d’une ville, Rufisque, dont les habitants, comme à Saint-Louis, Dakar et Gorée, avaient le statut de citoyens français de plein droit durant la colonisation. Cette présence française se fait, aujourd’hui encore, sentir dans les noms des rues.
La langue française s’est-elle également immiscée dans votre intimité ou était-elle cantonnée à l’école ?
Je suis issu de la petite bourgeoisie sénégalaise avec un père cadre dans l’administration et une mère qui travaillait pour des organisations internationales. Même si on parlait wolof à la maison, le français était très présent en tant que langue de la culture académique. Mon père, marxiste-léniniste très actif, lisait beaucoup de théories politiques et de littérature française. Très tôt, j’ai donc été en contact avec les romans de Balzac, Hugo, Malraux.
Vous décrivez une forme de décolonisation inaboutie des imaginaires. Qu’est-ce que cela engendre intimement chez un Sénégalais comme vous, né bien après les indépendances ?
C’est un combat difficile que d’extirper nos représentations de l’aliénation qu’on a subie. D’après des penseurs comme Ngugi Wa Thiong’o, Cheikh Anta Diop ou Boubacar Boris Diop, il nous faut repartir de nos langues. Car, contrairement à une idée répandue, la diversité linguistique des pays africains n’est pas un facteur de division mais une richesse. Elles disent le monde avec nos yeux. Et contrairement à l’écrivain algérien Kateb Yacine, je ne considère pas le français « comme un butin de guerre ».
Le rejet qu’exprime une partie des jeunes Africains contre la France repose aussi sur la prédominance de la langue. Il nous faut construire et inventer des récits centrés sur nos visions du monde, nos langues, tout en épousant une dimension humaniste et universaliste. Hélas, nous manquons d’une volonté politique forte pour réellement africaniser nos écoles.
Je tente pour ma part de me réapproprier cette partie perdue par la colonisation. Je travaille actuellement sur un roman en wolof. Mais c’est un effort intellectuel immense car j’ai appris à penser dans une langue qui n’est pas celle de ma mère. Il me faut apprendre à écrire, m’approprier la grammaire et le vocabulaire wolof. Réapprendre à apprendre.
Vous évoquez le rejet affiché d’une partie des jeunes dans les anciennes colonies françaises en Afrique, dont le Sénégal. Comment expliquez-vous cette hostilité ?
Je suis, comme ces jeunes, le produit de la défaite historique de l’Afrique face à la France. La colonisation est une blessure profonde dans la conscience africaine. D’autant qu’aujourd’hui encore, l’ancien colonisateur continue de faire preuve d’arrogance à l’égard des Africains. Ce rejet va s’amplifier. Tant que la France persistera à se mêler de nos affaires politiques et économiques et à soutenir nos calamiteux dirigeants, elle sera toujours désignée comme coresponsable des difficultés du continent. Par ailleurs, le traitement discriminatoire que l’Etat français inflige aux afrodescendants dans les banlieues françaises est perçu comme une autre forme d’humiliation.
Emmanuel Macron a pourtant promis de refonder ces relations, en s’appuyant notamment sur la société civile et les jeunesses africaines. Pensez-vous que cette politique est un échec ?
Absolument. Certaines images et paroles ont choqué. Convoquer des présidents africains pour un sommet à Pau est un geste de mépris. Pourquoi leur réserver une rencontre groupée ? Quand la France doit refonder les relations avec les Etats-Unis après la présidence Trump, M. Macron rencontre en personne Joe Biden. Pourquoi n’est-ce pas le cas avec les Africains ? Bafouer, ensuite, les règles diplomatiques en contournant ces mêmes chefs d’Etat pour dialoguer avec la société civile qui n’a pas été élue [lors du sommet de Montpellier où 3 000 jeunes africains étaient conviés], c’est aussi de l’arrogance.
Dans le même temps, les jeunes Sénégalais continuent de demander des visas en masse pour venir étudier en France. Il y a aussi ceux qui bravent la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Ils fuient la précarité et la misère sociale qu’ils subissent chez eux. Les Africains ne font que suivre les mouvements des capitaux. Ils vont là où ils peuvent vivre décemment.
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Seen doit savoir que pour éviter l’arrogance,des efforts doivent être faits plus du côté africain que dans celui français.
LES ETATS N’ONT PAS DE SENTIMENTS,MAIS DES INTÉRÊTS À DÉFENDRE.
Il s’agit des efforts d’unification de nos ÉTATS SCIEMMENT BALAKANISÉS.
Son pays,le Sénégal, sous l’autorité de senghor,a largement participé à la BALKANISATION DE L’AFRIQUE FRANCOPHONE FRANÇAIS.
Ce qui explique que des années après la France domine ses anciens colonisés subsahariens contrairement aux asiatiques ou aux maghrébins.
Nos “terres morcelées” appartiennent à la France.
L’arrogance est structurée dans la BALKANISATION.
Elle matérialise le NÉO-COLONIALISME FRANÇAIS.
Il faut se défaire de cette nouvelle forme de colonisation soutenue par senghor par l’unification de nos États.
Tâche ardue quand on constate l’impossibilité de se débarrasser du franc CFA pour faire une monnaie commune de la CEDEAO.
sangare tu es véritablement une honte! Tu diras un jour que nous avons été vendus sur les marches de Baton Rouge comme du bétail a cause de nous et que nous avons été colonises etc…….
En effet il est grand temps que la maudite France arrête d’être arrogante vis-a-vis des pays Africains car la colonisation est un Crime contre l’Humanité tout comme l’Esclavage. Que Macron aille s’occuper des tres vieilles fesses de Brigitte et nous laisse en paix! A deux fois nous avons aide a libérer cette maudite France des griffes de l’Allemagne et au bout de nos sacrifices ultimes! Je dirai que la France est tres ingrate aussi! Thiaroye nous n’oublierons jamais!!!!
« L’ancien colonisateur continue de faire preuve d’arrogance à l’égard des Africains ».
Mais pourquoi les africains continuent a risquer leur vie dans le desert et la mer pour aller dans le pays des arrogants.
Bonjour
C’est toute l’année qu’il faut être solidaire avec les plus faible et les plus démunis. Et pas que quand il fait très froid (ou chaud) ou pendant les fêtes de Noël…
“Tant que la France persistera à se mêler de nos affaires politiques et économiques et à soutenir nos calamiteux dirigeants, elle sera toujours désignée comme coresponsable des difficultés du continent.”
Et tant que l’Afrique persistera a TOUJOURS tendre la main et compter sur les autres (dont la france) pour régler ABSOLUMENT TOUS ses problèmes quels qu’ils soient, et tant que l’Afrique persistera à élire ELLE-MÊME (et sans l’aide de personne !) des chefs d’état corrompus jusqu’à la moelle et totalement irresponsables, elle continuera à être considérée par le reste du monde comme UN CONTINENT MENDIANT ET TOTALEMENT ASSISTÉ ET TOTALEMENT INCAPABLE DE SE GERER LUI-MÊME !!!!!!!
D’un côté, ce monsieur dénonce le fait que la France “se mêle ” soit disant de nos affaires, mais d’un autre côté, il accepte très bien les milliards que cette même France nous déverse dans tous les domaines (santé, éducation, infrastructures, développement, etc…
Seen, ou bien tu as la fierté de REFUSER toute aide et tout financement de la France, et là, j’applaudis ton courage, ou bien tu ACCEPTES ET PROFITES (comme nous tous) de son aide financière , et là, tu as au moins la dignité de ne pas cracher dessus verbalement !
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