Si dans un passé récent, l’activité touristique tournait autour de quelques professionnels et de l’administration, force est de reconnaître que d’énormes efforts ont été faits par les hautes autorités du Mali, le ministère de tutelle, l’OMATHO et les différents intervenants dans ce secteur, pour faire de notre pays une destination très prisée. Nous avons approché Oumar Balla Touré, administrateur de tourisme, directeur général de l’Office Malien de Tourisme et de l’Hôtellerie, afin de nous enquérir de l’état de santé de ce secteur aussi vital de notre économie.rn
Le Pouce : Comment se porte le tourisme malien ?
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Oumar Balla Touré : Parler de la santé de notre tourisme est une question très vaste. L’activité touristique est une activité de tous les jours. Dire aujourd’hui que le tourisme va très bien, c’est se tromper. Nous sommes des humains. Aucune entreprise humaine n’est jamais parfaite. Elle a ses forces et ses faiblesses. Nous travaillons à faire en sorte que chaque jour, ce secteur puisse aller de l’avant en posant des actes dans ce sens. Pour parler de la santé de notre tourisme, on est obligé d’aller sur des bases comparatives. De 1999 à nos jours, il est reconnu que le Mali a fait un g rand pas dans le domaine du tourisme en termes d’investissements, d’arrivées, de créations d’emplois, de recettes.
De 1999 à nos jours, le commun des Maliens sait désormais que le tourisme est une réalité.
De mon point de vue, l’activité touristique a fait un pas de géant. Sa santé se maintient même si notre vœu est que cela aille de l’avant.
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Le Pouce : Quelles sont, selon vous, les forces et les faiblesses de notre tourisme ?
Oumar Balla Touré : Une des premières forces, n’est autre que la richesse historique et culturelle du Mali. Notre pays est très vaste, avec beaucoup d’ethnies avec partout cette hospitalité légendaire. Ce sont des éléments incontournables en matière de conception du produit touristique.
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Nous avons des éléments de base qu’il faille travailler et transformer. Notre potentiel touristique est incommensurable. Une autre force, c’est ce secteur privé très dynamique, très entreprenant. Les agences de voyage, le secteur hôtelier, les restaurations travaillent à mieux faire connaître le Mali. Nous avons un code d’investissement incitatif. La force principale se retrouve dans le fait que le Mali est un havre de paix. La stabilité et la quiétude auxquelles les plus hautes autorités attachent une importante particulière, plaident pour une attirance des touristes. Ce sont là des éléments déterminants en matière de tourisme. Ces aspects ont été pris en compte par nos responsables pour faire du Mali une destination prisée.
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Tout n’est pas rose. Notre tourisme a ses faiblesses et nous ne sommes pas satisfaits à hauteur de souhait. Nous travaillons, administration et privés pour faire que notre pays reçoive un nombre plus important de touristes. Aujourd’hui nous pensons qu’il faut des actions de promotion agressive sur tous les marchés européens, africains. Au plan intérieur il faut une solidarité entre les différentes administrations qui ont en charge le tourisme. Il s’agit d’une activité très spécifique qui est à la fois transversale et multidimensionnelle. Il faut savoir que tous les départements ministériels ont un rôle à jouer, dans ce secteur. La création d’une synergie réelle entre l’administration et toutes les composantes de la vie économique est nécessaire.
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Pour ce qui est de la desserte aérienne, nous avons beaucoup de compagnies qui desservent le Mali à travers l’aéroport international de Bamako Sénou. Nous avons Air France qui dessert le Mali les sept jours de la semaine, Royal Air Maroc et plusieurs autres compagnies qui vendent la destination Mali.
Cependant, j’avoue que le tarif des billets est un peu cher. Il n’est pas destiné à toutes les bourses. Il existe une desserte intérieure. Dès qu’un touriste foule le sol malien, s’il veut aller sur le triangle Mopti-Djenné, pays dogon, il faut qu’il ait son vol au moment choisi et que celui-ci ne soit pas reporté. Le mode de transport existe mais n’est pas adapté. Il nous faut des moyens de transports adaptés à l’activité touristique. Certes, depuis cinq ans le gouvernement malien a fait de gros efforts en termes de désenclavement.
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Grâce à ces actions concrètes, nous pouvons aller dans toutes les grandes villes du Mali à partir des routes de niveau international. Après ces villes régionales, les sites touristiques sont loin du chef-lieu régional ou des grandes villes. Leur accès pose problèmes. C’est dire que la politique de désenclavement doit se poursuivre vers le pays profond. Les administrations locales, les municipalités, les communautés doivent s’approprier cette activité touristique. Au moment de l’élaboration de leur programme de développement, ils doivent prendre en compte la question. L’administration générale doit s’atteler à créer un élan de développement susceptible de faire en sorte que les bénéfices reviennent aux communautés locales. C’est à ce prix que nous trouverons la satisfaction. Le tourisme doit bénéficier aux détenteurs de la culture. Quand nous franchirons ces étapes, nous dirons qu’on aura atténué les faiblesses.
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Le Pouce : Que comprendre par le terme de promotion agressive ?
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Oumar Balla Touré : Nous avons besoin de faire connaître à ceux là qui veulent visiter le Mali, nos produits touristiques. Cela demande une présence lors des grandes rencontres touristiques. Le Mali, depuis quelques années, participe au salon mondial du tourisme et à d’autres, organisés en Europe, en Amérique et sur les marchés émetteurs. Annuellement, il y a un certain nombre de salons et de foires qui sont aussi importants qu’un pèlerinage à la Mecque. Notre mission consiste, par notre présence sur ces marchés émetteurs à vendre l’image du Mali. Nous allons partout où nous sommes susceptibles de faire venir au Mali, une clientèle additionnelle. Nous nous déplaçons avec toute une documentation complète à cet effet. Pour que la situation soit pérenne sur ces marchés, nous avons commis des agences de communication internationale en France, en Allemagne, au Canada. Nous organisons des éducateurs afin que ces professionnels viennent mieux connaître et mieux apprécier notre produit touristique.
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Au plan interne nous contribuons à l’éclosion des festivals qui sont aussi considérés comme des produits touristiques semblables au triangle Mopti-Djénné. Pays dogon ; Tombouctou et le fleuve. Les festivals drainent un grand nombre de touristes, c”est-à-dire une clientèle additionnelle qui viendra s’ajouter à celle nationale.
Nous travaillons à faire en sorte que nous puissions préserver nos sites, en procédant à des aménagements. Nous travaillons en parfaite harmonie avec la banque mondiale à travers son projet source de croissance. Il s’agit d’un projet qui s’étend sur trois à quatre ans avec un financement de près de 4 milliards de nos francs. Ce projet contribue à développer, à aménager et recycler des cycles qui sont dans un état de dégradation très avancé. On se bat depuis un certain temps pour que le tourisme ne se limite pas seulement au triangle Mopti Djenné pays dogons, mais qu’il soit ouvert à d’autres destinations comme la région de Sikasso, le pays Mandé, la région de Kayes, Bamako, le grand désert et le grand fleuve. Nous vendons tout ce qui peut contribuer à faire en sorte que nous recevons davantage de touristes.
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Le Pouce : Peut-on connaître quelques retombées économiques du tourisme en matière de réduction de la pauvreté ?
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Oumar Balla Touré : L’activité touristique a sa spécificité par rapport à l a lutte contre la pauvreté. La pauvreté est beaucoup plus présente dans le pays profond. La lutte contre la pauvreté nécessite que l’on crée des pôles de développement économique. Le tourisme est l’activité la mieux indiquée pour créer ces pôles de développement économique. L’industrie touristique se déplace là où elle est consommée. Une industrie de véhicules verra mal sa place à Sangha. La culture qui ne se décrète pas dans nos pays sous développés contrairement à ailleurs est un facteur déterminant pour le développement du tourisme. Le tourisme est une activité qui a autant besoin de qualification professionnelle que de main d’œuvre non qualifiée. Le tourisme peut contribuer à embaucher les jeunes ruraux sans qualification. Le secteur emploie beaucoup de femmes. En les utilisant, la chaîne s’élargie. C’est donc une activité qui permet de contribuer efficacement à la réduction de la pauvreté.
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De façon concise, le Mali qui fait 210.000 arrivées touristiques, possède 346 hôtels repartis sur toute l’étendue du territoire. Le tourisme a créé 14 000 emplois directs, généré courant 2006 des recettes de 14 milliards de FCFA. En termes d’investissement du service privé, nous sommes à 9 milliards pour l’année en cours.
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Le Pouce : Qu’est ce qui a sous-tendu le choix du Mali pour abriter le forum sur le tourisme solidaire ?
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Oumar Balla Touré : C’est une nouvelle forme qui est à ses débuts et qui est axé sur le tourisme équitable. Il s’agit d’un tourisme responsable, respectueux de l’environnement et des gens qui vivent sur les sites. Le Mali a été retenu pour abriter cet important forum du donner et du recevoir. En 2008, notre pays abritera le plus grand forum international sur le tourisme solidaire. Nous étions en compétition avec le Maroc. C’est la destination Mali qui a été choisie. C’est dire que de plus en plus, beaucoup d’acteurs économiques manifestent un vif intérêt pour notre pays. Nous sommes en train d’expérimenter cette nouvelle forme de tourisme. Le tourisme n’aura de sens que lorsque les populations installées sur les sites connaîtront une amélioration notable de leurs conditions de vie à travers les retombées touristiques. Ce tourisme solidaire doit favoriser le développement des communautés locales, à protéger leur environnement.
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Le Pouce : Avez-vous pris des gardes fous pour ne pas devenir un secteur d’expérimentation par les visiteurs ?
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Oumar Balla Touré : La question mérite d’être posée. Depuis deux ans, nous voyons des ONG européennes qui viennent et demandent un agrément pour le développement de ce mode de tourisme. Après avoir invité les touristes à venir visiter le Mali, il reste à savoir si réellement les retombées suivront ? C’est pourquoi l’administration générale du tourisme doit faire preuve d’assez de vigilance, en allant vers la signature d’un cahier de charge et procéder également à une évaluation à mi parcours.
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Le Pouce : Face à une telle situation, faut-il rompre ?
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Oumar Balla Touré : Nous allons aller vers ce nouveau mode de gestion du tourisme au risque de subir la concurrence déloyale. Il va falloir protéger nos agences nationales de voyages contre ceux là qui viendront. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas d’intermédiaire au milieu, qui se tape la part du lion et donne des miettes aux populations locales. Nous allons veiller sur cet état de fait.
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Le Pouce : Le Mali sera-t-il présent aux grands rendez vous touristiques ?
Oumar Balla Touré : Nous sommes, en ce moment, en train de préparer nos prochaines sorties dont la plus proche est Deauville du 26 au 27 septembre. Top Reza est le plus grand salon international. Nous l’appelons dans notre jargon la Mecque du tourisme. C’est un lieu de rencontre de toutes les grandes agences émettrices. Le Mali sera présent et de façon visible. Nous irons avec de l’animation, les masques de Bouara, de Maou dans le cercle de Yorosso en 3ème région. Le virtuose du balafon Nèba Solo Traoré effectuera le déplacement. Nous serons sur le stand avec nos partenaires que sont la CAM pour mieux la vendre et peut être la MAE mais aussi les opérateurs qui travaillent à la confection du plus beau bateau sur le fleuve Niger. Notre présence sera pleine et entière.
Depuis un certain temps des pays voisins envient le tourisme malien pour sa présence à tous les grands rendez-vous. C’est ici que sont conclus les contrats. C’est le lieu aussi de se faire une idée du nombre de touristes.
Après Deauville nous serons sur un certain nombre de salons au Canada. Il s’agit de mieux faire vendre l’image du Mali touristique à l’extérieur, au reste du monde.
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Le Pouce : Vos perspectives
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Oumar Balla Touré : Nous sommes au stade d’élaboration d’un plan Directeur de Développement du Tourisme. Il s’agit d’un plan stratégique avec l’accompagnement de la banque mondiale et l’ensemble des acteurs du secteur. Il s’agit d’une vision à long terme qui va nous permettre d’être plus concret et concis. Des régions ont pris l’avance sur nous. C’est le cas pour Tombouctou et Ségou. C’est le plus grand projet que nous avons avec un nombre important de volets.
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Le Pouce : Peut-on connaître l’état de vos relations avec les partenaires ?
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Oumar Balla Touré : Il serait souhaitable que vous approchiez les partenaires pour connaître leur point de vue. Même si nous ne pouvons pas dire que tout est rose, il faut dire très franchement que le secteur est très dynamique avec des cadres qui ont leur propre vision. Nous faisons en sorte que nous pouvons approcher les privés. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de frictions. Ils ont été largement amoindris. Nous parlons très souvent le même langage. Je dis que nos rapports sont au beau fixe. L’éduc tour qui a pris fin est une initiative du secteur privé.
Entretien réalisé par
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Tiémoko TRAORE
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