Nouhoum Sidibé, DG de la CANAM à propos de l’AMO :«Les syndicats n’ont pas fait le compte rendu à la base»

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Depuis un certain temps, beaucoup d’encre et de salive coulent autour de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Le mardi dernier, une marche de protestation a été organisée pour dire non à son application. Mais, pour le Directeur Général de la CANAM, Nouhoum Sidibé, la polémique qui s’enfle autour de cette question n’est rien d’autre que la résultante d’une incompréhension. Dans l’interview qui suit, il nous donne d’amples explications. Lisez !

Le Prétoire : M. Nouhoum Sidibé, depuis mars 2010, vous êtes le Directeur Général de la CANAM. Qu’entend-on par ce vocable ?
Nouhoum Sidibé :
La CANAM, c’est la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CANAM). Elle a été créée par la loi N°16-2009. Elle a pour mission de gérer le régime de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Sa mission est d’encaisser les cotisations des assurés et les prestations. C’est un établissement à caractère public.

C’est votre structure qui est chargée de piloter l’AMO. En quoi cela consiste ?
Le régime d’Assurance Maladie obligatoire (AMO) est comme les autres régimes de la sécurité sociale. C’est le régime qui est chargé de protéger les travailleurs contre les risques maladies. Cela est inscrit dans la Convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) que notre pays n’arrive pas malheureusement à ratifier, parce qu’il y a beaucoup de paramètres que nous n’avons pas. Or, l’assurance maladie devait être le premier régime à être créé, mais malheureusement, c’est le dernier qui vient de voir le jour. Cela se comprend parce que notre pays avait, après son accession à l’indépendance en 1960, un régime socialiste où tous les citoyens étaient pris en charge du point de vue santé. L’assurance maladie est venue à l’ordre du jour en 1962 dans le Code de prévoyance sociale où il était qu’en attendant l’assurance maladie, qu’il y ait un régime de protection contre les maladies. Ce régime a existé à l’INPS jusqu’à l’arrivée de l’AMO en 2010. Les cotisations que les travailleurs payaient au titre de ce régime ont été transférées au Code de régime assurance maladie.

Certaines organisations syndicales rejettent l’AMO parce qu’elles affirment qu’elles n’ont pas été associées à son élaboration. Qu’en dites-vous ?

Ce n’est pas du tout vrai. Je ne voudrais pas faire de la polémique autour de cette affaire. Mais, je prends l’exemple du CSTM. Cette Confédération a toujours participé à toutes les étapes de la mise en œuvre de l’AMO, les études préliminaires ont été validées avec elle. A toutes les autres études, elle était là. Le problème qui se pose avec la CSTM et qui est au-dessus de la Caisse d’Assurance du Mali (CANAM), est tout simplement que la CSTM n’est pas membre du Conseil d’Administration. C’est pour cela qu’elle manifeste sa colère et ne cesse de démobiliser. Dans les textes de la République du Mali, la CANAM ne choisit pas les membres du Conseil d’Administration. Si j’ai bonne mémoire, il est dit que c’est le Syndicat le plus représentatif. Ce syndicat ne peut être connu qu’après des élections professionnelles. Il n’y a jamais eu des élections professionnelles au Mali. On pensait que cela devrait avoir lieu en 2008 et c’est à cause de ça que nous appliquons toujours l’ancienne loi. Et donc, c’est l’UNTM qui siégeait depuis 1991 au Conseil d’Administration de l’INPS et de l’ANPE, qui siège à la CANAM. Ce sont quatre institutions sont qui ont été retenues, c’est-à-dire le Patronat, les employeurs, les travailleurs et l’Etat. Le régime de l’Assurance Maladie Obligatoire est un régime de base. Prenons l’exemple de la France. Si vous ne disposez pas de sécurité sociale pour être protégé des maladies, l’employeur ne t’acceptera jamais. L’AMO est le premier régime qui doit être institué dans un pays. D’autres se plaignent du thème obligatoire. Ce n’est qu’un thème consacré par l’OIT. Cette Organisation a imposé aux Etats d’assurer la protection des travailleurs. L’Assurance Maladie Obligatoire est basée la solidarité entre nous. Chacun de nous paie 3,5%. Je crois que selon nos études, une ordonnance fait en moyenne 11.000 FCFA en République du Mali. Arrondissons à 10.000 F.Cfa. Si on vous donne une ordonnance de 10.000, on vous demande de payer 3000 F.Cfa et la Caisse prend le reste en charge. Les avantages sont donc nombreux. Sur un salaire de 100.000 F.Cfa vous payez 3060 F.Cfa par mois. Souvent, quand on parle de 3060 F.Cfa, les agents pensent que c’est énorme. Il y a des agents qui payent 1000 FCFA par mois. Donc, il faut voir les avantages, les moyens de se faire soigner. Il faudrait comprendre que cette initiative permet non seulement de se soigner, mais aussi d’aider les autres à se faire soigner. Je crois qu’il faut que les travailleurs voient le côté de la solidarité entre nous. En donnant un peu de ce que tu as, tu sers beaucoup de personne. Et mieux, dans notre système, le nombre d’enfants à prendre en charge est sans limite, tant qu’ils sont mineurs c’est-à-dire tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge de 21 ans. Dans les autres pays, le régime prend en charge 4 ou 5 enfants au maximum. Mieux encore, dans notre système les parents et les ascendants directs sont pris en charge.

Or dans d’autres pays, c’est imaginable qu’ont prennent en charge les ascendants de quelqu’un dans une assurance maladie. Mais chez nous, ce n’est pas le cas. On prend tout le monde en charge. C’est un système qui est basé sur la solidarité d’abord, ensuite sur la mutualisation. Vous êtes fonctionnaire, votre femme, vos enfants sont tous fonctionnaires. On prélève chez vous tous. Et vous pouvez prendre vos parents en charge.

Votre explication nous paraît claire. Mais ne pensez-pas que l’amalgame que font aujourd’hui, vient d’un déficit de communication ?
Je dirais qu’il n’y a pas eu de déficit de communication. On peut dire que cela a pris un peu du retard. Mais, le vrai problème dans notre pays, c’est que les gens ne regardent pas la télévision nationale, ils ne lisent pas les journaux et n’écoutent pas les radios. On est toujours branché sur l’extérieur. Nous avons fait des sensibilisations à travers la presse écrite, les radios et la télé. Les salariés disent qu’ils ne sont pas au courant pour le prélèvement. La loi a été a promulguée en 2009. Et avant que cette loi ne soit promulguée, nous avons fait le tour du Mali pour expliquer aux gens ce que c’est que l’Assurance Maladie Obligatoire et le régime d’Assistance Médicale. Ensuite, les Syndicats ont participé aux travaux. Ils ont même créé des Commissions. Cela fait donc dix ans que ce projet existe. Donc, les gens ont été suffisamment imprégnés. Je pense que les Syndicats n’ont pas régulièrement fait le compte rendu à la base. On s’en est rendu compte et avant que l’Etat n’adopte le taux des cotisations, il nous a été exigé de demander l’avis de ces syndicats. Nous avons alors écrit à l’UNTM, à la CSTM et aux Associations des personnes âgées pour qu’ils donnent leur avis. Certes, il y a eu peut être une petite erreur, parce qu’on est passé uniquement par les Centrales. On aurait aussi pu passer par les Syndicats autonomes auprès desquels nous nous excusons. On devait leur demander leur avis. Sinon, beaucoup on participé quand même à la mise en œuvre de l’assurance maladie.

Quel appel avez-vous à lancer au peuple malien ?

Je voudrais tout d’abord remercier le président de la République, Amadou Toumani Touré qui s’est particulièrement investi pour que l’Assurance maladie soit une réalité dans notre pays. Quant aux travailleurs, je les invite à la compréhension et à regarder les avantages que comporte l’AMO. C’est dans l’intérêt de tous les citoyens de ce pays. Travaillons donc ensemble pour que son application soit effective dans les meilleurs délais.

Propos recueillis par Bruno Loma et Destin GNIMADI

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