“Assimi n’a dit à personne qu’il va être candidat. – Ce n’est pas quelqu’un qui aime le pouvoir…”
La vie du parti Front africain pour le développement (FAD), ses ambitions, l’accord d’Alger, l’élection présidentielle, la question de la candidature des autorités de la Transition, l’affaire des soldats ivoiriens, le coup d’Etat au Burkina Faso…sont entre autres sujets sur lesquels nous nous sommes entretenus avec Nouhoum Sarr, président de ce parti, membre du Conseil national de Transition.
Aujourd’hui-Mali: Comment se porte le parti FAD ?
Nouhoum Sarr : Le parti se porte bien. Nous venons de finir avec notre congrès qui a noté la présence du parti dans 39 cercles sur 45. C’est quand même quelque chose de très important. Et aussi, on a beaucoup de jeunes qui ont participé à plusieurs écoles politiques et qui aujourd’hui sont en train d’émerger dans le milieu de la jeunesse. Le parti participe pleinement à la transition. Nous faisons nos propositions et nous apportons nos contributions. Nous jouons le rôle qui est le notre dans le Conseil National de Transition. Vous savez peut-être qu’on vous en rende compte, même si nos prises de positions suscitent souvent la tension, mais c’est notre contribution, c’est notre rôle et c’est comme ça nous voyons les choses.
Depuis quand ce parti a été porté sur les fonts baptismaux ?
Depuis que nous étions à l’université il y a 14 ans de cela. Depuis cette époque, nous nous sommes inscrits à l’école de la politique. Nous nous sommes dit qu’il faut mettre en place un parti politique. Ce, pour d’abord former et se former à la politique. Et en se formant à la politique, voilà que les uns et les autres ont pu à travers les émissions radiophoniques et les débats à se faire connaitre un peu du grand public.
Le parti FAD a-t-il des élus ?
Oui, notre parti a des élus qui nous ont rejoints notamment dans les régions de Kayes et de Sikasso.
Ces élus sont au nombre de combien ?
Ils sont un peu plus d’une dizaine d’élus qui ont porté leur choix sur notre formation politique notamment des conseillers communaux, mais pas de maire.
Peut-on savoir avec vous les grandes résolutions qui ont sanctionné votre congrès?
L’une des résolutions de ces assises, c’est de continuer à soutenir la transition ; de continuer de dénoncer, à s’opposer à l’application de l’accord anti national issu du processus d’Alger et surtout de poursuivre l’implantation du parti. Et une des grandes résolutions a été aussi d’aller vers d’autres partis pour envisager une fusion avec de grands partis pour donner naissance à une grande formation politique. Et nous sommes en train de discuter avec des partis politiques. Les discussions sont avancées avec certains et nous croyons que nous allons très prochainement avoir suffisamment d’entente, suffisamment de convergences pour pouvoir fusionner et donner naissance à un vaste mouvement nationaliste, mais pas souverainiste.
Un vaste mouvement qui va travailler à la préservation des très grands principes qui, aujourd’hui, guident la transition. C’est-à-dire la défense de la souveraineté, la défense de l’intégrité territoriale, la défense des choix et des intérêts du peuple malien.
Pourquoi votre parti s’oppose à l’application de l’Accord d’Alger ?
Ce n’est pas aujourd’hui que notre parti a commencé à s’opposer à cet accord, mais depuis 2015. Même bien avant sa signature, lorsque les ballets diplomatiques se faisaient entre Bamako et Alger, nous avons estimé que la signature de cet accord n’est pas dans l’intérêt du Mali. Et tous les experts sont unanimes là-dessus : si cet accord est appliqué comme il se doit, c’est la partition programmée du Mali et ça, nous ne pouvons pas l’accepter.
Vous faites référence à quelles parties de l’accord plus concrètement ?
Lorsque vous voyez la régionalisation telle que décrite dans l’accord ce n’est rien d’autre qu’un Etat dans un autre Etat. Parce qu’on dit : les présidents des régions sont élus au suffrage universel direct comme le président de la République du Mali. Les régions, le conseil régional sont sous la direction de son président, les décisions prises sont immédiatement exécutoires. On se demande, des décisions qui sont immédiatement exécutoires, qu’est-ce qu’un contrôle sert si c’est immédiatement exécutoire. Je pense qu’on doit contrôler avant de mettre en exécution. Donc, c’est une supercherie que les gens ont inventée pour pouvoir diviser le pays. Et lorsqu’on regarde profondément, on analyse et on examine profondément la régionalisation telle que proposée par l’accord d’Alger, les régions sont dotées de tous les attributs d’un Etat sauf la monnaie et la partie diplomatie des affaires étrangères, parce que la diplomatie, ce sont deux volets : c’est la coopération et les affaires étrangères. Donc, ce n’est qu’un Etat. Ce n’est ni moins, ni plus qu’un Etat dans l’Etat du Mali et nous ne l’accepterons pas.
L’armée reconstituée, la police territoriale, ce sont des éléments de souveraineté et il est dit que 60 à 80% des officiers et des hommes de rang de l’armée reconstituée doivent être des ressortissants de ces zones-là, de Kidal et environs. Notre armée est une armée nationale. Et tous les groupes ethniques se retrouvent là-dans. Mais, lorsqu’on dit que c’est 80% ou 60% des officiers et d’hommes de rang qui doivent être de cette zone, ça c’est une armée ethniciste, une armée régionaliste qui, encore une fois, nous conforte dans notre rejet parce que l’Accord d’Alger prépare la division et la partition du Mali.
Mais malgré tout, le gouvernement de transition est dans la dynamique d’appliquer cet accord ?
Bon, c’est un désaccord profond que nous avons avec le gouvernement et nous avons appelé à faire une différence entre le discours officiel et ce qui se fait dans la pratique. Si les accords d’Alger étaient appliqués, la CMA ne serait pas en train de dénoncer aujourd’hui. On a vu que les responsables de la CMA ont indiqué clairement que l’accord n’est pas appliqué comme cela a été convenu et qu’on a même entendu un responsable de la CMA Algabass dire que si on ne veut pas de l’accord de le dire. C’est un ton belliciste, c’est un ton belliqueux que nous condamnons et nous rejetons. En tout cas, nous estimons que c’est un gouvernement patriotique qui dirige le pays. Le président Assimi est un patriote, le colonel Malick DIAW est un patriote et dans le CNT, dans le gouvernement, il y a suffisamment de patriotes pour ne pas se laisser embourber dans cette histoire d’accord d’Alger.
Revenons à votre parti, quelles sont vos ambitions pour les mois, les années à venir ?
Vous savez, un homme tout comme les partis politiques sont faits pour avoir des ambitions. Au FAD, nous, nous sommes profondément croyants. Vous n’aurez rien que Dieu n’a pas prévu pour vous, vous ne serez rien que Dieu n’a pas prescrit dans votre destin. Donc, un parti, c’est pour aller à la conquête et à l’exercice du pouvoir. Nous sommes dans une dynamique de fusionner, voire de rassembler un vaste mouvement pour aller à la conquête et l’exercice du pouvoir. Donc, dans ce cadre-là, lors les prochaines échéances, nous prendrons part comme cela se doit conformément à nos aspirations et conformément aux moyens dont nous disposons.
Donc, le parti va présenter un candidat pour les élections prochaines ?
Pour le moment, c’est la période de la transition et nous ne pouvons pas dire de quoi demain sera fait. En tout cas, le parti participera d’une façon ou d’une autre à l’ensemble des échéances électorales.
Toutes les échéances électorales, y compris la présidentielle?
Est-ce que nous allons soutenir quelqu’un ou est-ce que nous aurons notre propre candidat à nous ? Ça, ce sont des questions que le bureau national et l’ensemble des instances du parti vont trancher le moment venu. Ce n’est pas à moi de décider à leur place.
Vous êtes un acteur majeur de la transition. Deux ans après le départ d’IBK, quel bilan dressez-vous de la conduite de cette transition ?
En tout cas nous sommes aujourd’hui dans la fierté retrouvée. Le Mali est respecté, le passeport malien est respecté au-delà de nos frontières. Aujourd’hui, il y a un cap par rapport à la renaissance du pays et de l’armée nationale.
La montée en puissance réelle de l’armée, l’acquisition d’équipements à la pointe de la technologie et surtout les opérations “Kélétigui”, “Maliko” qui sont en train de fleurer un maillage territorial sur le plan sécuritaire. Nous constatons aujourd’hui que la peur a changé de camp, l’ennemi est plus dans une posture défensive. Nous sommes loin des camps militaires détruits, des armes maliennes emportées, exhibées à la face du monde.
Nous sommes loin aujourd’hui d’attaques des militaires qui abandonnent leur poste, leur position, nous sommes loin de ça aujourd’hui. Mais il faudra quand même retenir que la lutte contre le terrorisme est une lutte de longue haleine. Ce n’est pas que par la guerre qu’on va mettre fin à ça. Il faut combiner avec l’économie et le dialogue inter communautaire et la dissuasion par l’armée. Donc, il faut combiner tous ces éléments pour faire en sorte que notre pays puisse regagner la paix. La paix, c’est une conquête de tous les jours. Donc, en termes de bilan, nous constatons une amélioration de la sécurité sur l’ensemble du territoire même s’il y a quelques attaques. Et la guerre asymétrique, c’est le terrorisme, c’est la peur, c’est semer la panique, c’est poser des bombes, des engins explosifs par-ci, par-là. Notre nation fera face à ça.
Et sur le plan économique, vous n’êtes pas sans savoir que notre pays a subi des sanctions illégales, illégitimes et inhumaines de la part de la CEDEAO. Mais malgré cela, notre pays a tenu. Les salaires ont été faits à temps. La dette intérieure est en train d’être épongée, les charges incompressibles de l’Etat ont été assumées. En période d’embargo, nous avons acheté des avions de combats et des hélicoptères de combats. Nous avons continué à supporter la logistique de l’armée. En plein embargo, notre pays a pu financer la guerre. Vraiment, c’est une prouesse extraordinaire qu’il convient de remercier les autorités de la transition.
Le Premier ministre par intérim, col. Abdoulaye Maïga, était récemment à la tribune des Nations Unies à New York. Quel enseignement avez-vous tiré de son intervention qui a été différemment appréciée par nos compatriotes ?
Vous savez, chacun est libre d’apprécier comme il veut. C’est ça le sens de la démocratie, mais le Premier ministre par intérim a tenu un discours nationaliste. Si je dois le résumer, il a dit : le Mali est prêt à coopérer avec tout le monde, mais dans le cadre du respect de notre souveraineté. Il a tenu un discours dans lequel il a dit que l’ex puissance coloniale, la France, soutient des groupes obscurantistes et ça ce n’est caché à personne. Ce sont les Français qui ont mis sur les fonts baptismaux le MNLA. C’est le MNLA qui est allé chercher AQMI et Ançardine pour faire la guerre au Mali. Donc, ceux qui sont séparatistes le jour, sont terroristes la nuit. Les faits l’ont révélé. Et ce sont ces mêmes terroristes qui, semblerait-il, ont entrainé la mort de Claude Verlon et Dupond, deux journalistes de RFI.
Donc, vraiment le soutien français, des dirigeants français (pas le peuple français, car le peuple français est un ami au Mali) ne fait l’ombre d’aucun doute. Les dirigeants français ont eu des postures déplacées vis-à-vis du Mali. Ça, c’est la vérité. Vous ne pouvez pas aller contre la vérité. Ils ont soutenu les terroristes. Ils ne sont plus là.
La force barkhane est partie, mais ils ont quand même violé cinquante fois notre espace aérien. Est-ce que nous, nous pouvons violer l’espace aérien français ? Ils sont venus clandestinement sur le territoire, ils ont fourni des renseignements aux groupes terroristes, des équipements aux groupes terroristes, c’est la vérité. Eux, ils le font et ils ne veulent que nous, on le dise. Cela n’est pas acceptable. Nous allons le dire parce que c’est la vérité. Quand tu es parti d’un territoire, tu n’es plus présent sur un territoire, tu n’as pas le droit de survoler ce territoire sans autorisation préalable.
Et te cacher et survoler ce territoire, veut dire que tu es en train de faire des choses qui ne sont pas claires. Donc, vraiment le Premier ministre par intérim l’a dit, les dirigeants français ont renoncé aux valeurs des philosophes des années-lumière, c’est la vérité. Parce qu’il faut reconnaitre que la France a beaucoup contribué à l’histoire de l’humanité. Les philosophes français ont beaucoup contribué à l’essor de l’humanité, mais les dirigeants français ont eu des comportements aux antipodes des valeurs incarnées par ces philosophes. Donc, très honnêtement aujourd’hui, il faut que les dirigeants français se ressaisissent.
La marche de l’histoire ne fait pas de cadeau à ceux qui veulent se mettre au travers de cette marche-là. Et le sentiment anti politique française dans le sahel, c’est la marche de l’histoire. S’ils ne font pas attention, ils risquent d’être du mauvais coté de l’histoire. Nous ne sommes contre personne. Nous sommes dans une logique qui est de défendre les intérêts de notre pays comme eux, ils défendent aussi les intérêts de leur pays. Nous allons défendre les intérêts de notre pays. Et nous voulons que quand nous passons, qu’on sache que quelqu’un est passé. C’est ça notre ambition, c’est ça notre mission. Maintenant, les gens peuvent faire des spéculations, mais ça ne nous détournera pas de notre vision qui est de restaurer la dignité de ce pays.
Mais malgré tout, certains ont jugé le discours du Premier ministre par intérim peu diplomatique à l’endroit de certains de nos voisins, certains chefs d’Etat, même le secrétaire général de l’ONU ?
Oui, mais ce qui est scandaleux, c’est que ceux qui ont dénoncé le discours du Premier ministre étaient là lorsque le président nigérien a dit que Ménaka allait tomber. Le chef d’Etat d’un autre pays, tu ne peux pas savoir que la ville d’un autre pays va tomber si tu n’es pas dans le plan. Donc le président Bazoum a démontré qu’il est dans le plan pour attaquer Ménaka, pour faire tomber Ménaka.
Mais, vous faites une accusation grave ?
Mais, il a dit que Ménaka va tomber non ? Tu peux dire ça si tu n’es pas dans le plan ? Tu ne peux pas dire que la ville d’un autre pays va tomber si toi, tu ne disposes pas d’informations fiables à ce sujet. Ça veut dire une chose, à savoir qu’il est dans le plan pour faire tomber Ménaka. Il n’y a pas d’alternative. Les règles en diplomatie sont des règles qui sont connues.
Tu ne peux pas dire que la ville d’un autre pays qui est frontalier à ton pays, qui est proche de ta capitale, va tomber. A travers ces affirmations, on doit se poser la question suivante : Bazoum n’est-il pas dans le plan pour que Ménaka tombe ? Voilà, donc très honnêtement ces pseudos défenseurs de valeurs diplomatiques doivent plus s’adresser à Bazoum et à Alassane Ouattara qui, dans une conversation privée, dans un audio, a traité nos autorités d’idiotes. Alassane l’a fait. C’est quand même une drôle de diplomatie de traiter, même en privé, les autorités légitimes d’un autre pays d’idiotes.
Bazoum a fait dire par son ministre des Affaires étrangères que nous étions dans une révolution frelatée. C’est quand même une drôle de diplomatie ça. Où étaient ces pseudos défenseurs des règles de la diplomatie quand Bazoum nous insultait pendant neuf mois ? Aucun d’entre eux n’a levé le moindre doigt pour défendre les autorités de la transition. Mais, il suffit que les autorités actuelles prennent des postures qui ne sont rien d’autres que le principe de réciprocité pour qu’ils sortent de leur silence. Tu nous insultes, on t’insulte, tu nous attaques, on t’attaque pour que ces pseudos défenseurs des règles de bon voisinage crient au tollé. Mais, comme ils sont démasqués, ils sont connus. C’est des gens qui n’ont jamais été nationalistes, c’est des gens qui ont d’autres agenda qui sont bien connus et identifiés, mais la volonté de Dieu et la volonté de notre peuple se fera. Et, c’est ça qui s’imposera.
En tant que président du parti politique et membre du CNT, quel regard portez-vous sur l’affaire des soldats ivoiriens détenus au Mali ?
C’est une affaire très claire. Elle n’a aucune ambiguïté. Des hommes armés ont débarqué sur notre territoire sans autorisation au préalable, sans informer nos autorités, avec armes et bagages.
Nous les avons appréhendés pour besoin d’enquête. Et lors de l’enquête, quand ils ont été interrogés, ils ont dit qu’ils étaient là dans le cadre d’une mission confidentielle et ils ont dissimilé leur identité en utilisant des passeports où ils étaient marqués maçon, vendeuse, menuisier….Donc, nous sommes dans une situation où des soldats étrangers ont débarqué en plein midi sur le territoire d’un autre pays sans informer préalablement ce pays, sans que ce pays ne soit au courant, sans qu’ils n’aient été autorisés à le faire tout en dissimilant leur identité. Et il se trouve que ce sont les forces spéciales. C’est quoi une force spéciale ? C’est une force suffisamment aguerrie qui agit avec violence et discrétion.
Et, il semblerait que certains de ces soldats ne parlent même pas français. Ils parlent anglais, ils ne parlent aucun dialecte de la Côte d’ivoire. Donc, ce ne sont rien d’autres que des mercenaires qui étaient venus dans le dessein de faire un sale boulot. Il n’y a pas de doute. Il n’y a pas le moindre doute sur ça. Donc, nous les avons mis à la disposition de la justice pour besoin d’enquête. Nous laissons la justice continuer son travail. C’est pourquoi, je marque mon désaccord avec la libération des trois femmes pour raison humanitaire. Ça c’est scandaleux. Si on libère trois femmes pour raison humanitaire alors que les dossiers sont au niveau de la justice, ça veut dire qu’aucune femme ne doit être inculpée, ne doit se retrouver en prison, pour raison humanitaire. Donc, je suis en désaccord par rapport à cette méthode. Ils sont au niveau de la justice, laissons la justice faire son travail. C’est à la justice de les juger et les condamner. Après condamnation, le président dispose du droit de grâce. Si le président Assimi juge qu’au nom des relations de bon voisinage, au nom des liens séculaires qui se trouvent entre le Mali et la Côte d’Ivoire qu’il faut gracier ces militaires, pas de problème. Je serai d’accord qu’il gracie ; mais, pour le moment, respectons notre justice. Le dossier est au niveau de la justice, c’est à la justice d’agir avec célérité et de juger ces mercenaires convenablement au code pénal en vigueur. S’ils sont condamnés, le président peut les gracier après.
Et pourtant le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a contredit cette thèse ?
Il n’a qu’à nous dire si lui il acceptera que des militaires débarquent au sein des Nations-Unies sans autorisation préalable en dissimilant leur identité. Comment lui, il va les appeler ? Des militaires qui débarquent au siège des Nations Unies sans autorisation préalable avec armes et bagages en dissimilant leur identité, comment il va les appeler ? Pour nous, au Mali ici, ce sont des mercenaires et partout, c’est l’appellation qui doit leur convenir.
Actualité oblige, selon vous, est-ce que ce qui est arrivé à l’ex chef de l’Etat du Burkina, Damiba, était prévisible ? Pourquoi ?
Bien sûr que c’était prévisible, parce qu’on ne peut pas aller contre l’histoire. C’est ce que j’ai dit, aujourd’hui, nos peuples en Afrique au Sud du Sahara préfèrent plus la liberté que la démocratie. S’il faut faire mille coups d’Etat pour être libre, on le fera.
Donc, le peuple Burkinabè n’était pas libre sous Damiba ?
Oui, le peuple burkinabè a compris que Damiba était un agent, un pion au service de l’ex puissance coloniale. Il était manipulé, ses ficelles étaient tirées. Des gens qui ont commis des crimes au Burkina, qui ont été condamnés par la justice burkinabè au nom d’un pseudo d’une réconciliation, on a pu les faire venir notamment le président Blaise Compaoré. Donc, c’est le résultat d’un malaise ; je me défends de commenter à ce niveau là d’aller loin mais ce que je veux dire aux dirigeants en Afrique au sud du Sahara, la roue de l’histoire tourne. Et elle continuera à tourner. Tous ceux qui vont se mettre au travers de la marche de l’histoire seront des victimes de leur peuple.
Et ça il n’y a pas d’alternative. Nos peuples aspirent à la liberté. On ne veut plus que ni l’ex puissance coloniale, ni personne d’autre en dehors de nos dirigeants et de nos peuples décident des choses pour nous. C’est simple comme bonjour. Ce n’est pas au président français de dire il faut que la CEDEAO fasse ça, il faut que le Burkina fasse ça. Au Mali ici, on ne peut pas téléphoner pour dire qu’en France, il faut faire ça. Donc, qu’on nous respecte. On ne demande qu’on nous respecte. On n’a rien contre personne notamment le peuple français, d’ailleurs il y a beaucoup de Maliens en France et il faut que les dirigeants français nous respectent.
Président, revenons au Mali, est ce que vous pensez que notre pays sera en mesure de respecter le calendrier électoral arrêté de commun accord avec la CEDEAO ? Parce que certains pensent que nous sommes en retard.
Non, c’est une volonté de nos autorités actuelles. Je ne pense pas que nous soyons en retard. Nous avons déjà une loi électorale qui est opérationnelle. Elle est valide, elle est promulguée. L’AIGE est en train de se mettre en place. Le processus est en cours. C’est une question de quelques jours, quelques mois pour mettre en place l’organe unique. Et nous allons organiser les élections là, en tout cas ce que je vais vous dire, nous ferons tout pour qu’une seule seconde ne soit pas ajoutée à la transition pour que les élections soient tenues aux dates indiquées. C’est la volonté ferme des autorités, c’est la volonté ferme du Conseil National de Transition et nous, en tant que politiques, acteurs à la transition, c’est notre volonté ferme. Nous allons nous battre pour cela.
Par rapport à ces élections, certains trouvent que la nouvelle loi électorale est floue par rapport à la candidature des autorités de la transition. Est-ce que vous, personnellement, en tant que membre du CNT, après avoir lu le texte, pensez que le président Assimi et le président du CNT Malick Diaw peuvent se présenter ?
Vous savez, il n’est dit dans la loi que personne ne peut être candidat. On n’a même pas parlé de candidature de telle ou telle personne. La loi est un élément impersonnel, c’est un acte impersonnel de portée générale. Ni Assimi, ni Diaw n’ont leur nom là-bas. Mais, la Charte dit que ni le président de la transition, ni les membres du gouvernement, ni le Premier ministre, ne peuvent être candidat. Cette disposition n’a pas fait objet de modification. Et Assimi, ce qui le préoccupe aujourd’hui, c’est comment ramener la sécurité et terminer en beauté la transition. C’est ça sa préoccupation majeure. Et moi, je vous dis, il n’a dit à personne qu’il va être candidat, personne ne peut nous dire ça. Parce que ce n’est pas quelqu’un qui aime le pouvoir…
Donc, pour être clair, aucune autorité de la transition ne peut être candidate, selon la loi ?
La loi est claire. La loi parle de président de la Transition, de Premier ministre, des membres du Gouvernement, mais, la loi n’interdit pas aux membres du CNT d’être candidat à la présidentielle.
Donc, Malick Diaw, président du CNT, peut se présenter ?
La candidature est un acte personnel. L’élection présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et de son peuple. C’est une décision ultra personnelle. Personne ne peut dire à personne, voilà telle personne va être candidate ou telle personne ne sera pas candidate.
La question est de savoir est-ce qu’au regard de la loi, Diaw peut être candidat ?
Je ne sais pas si au regard de la loi, j’ai dit les membres du CNT peuvent être candidats C’est écrit. La loi est claire, la loi n’a pas fait de restriction pour les membres du CNT. Mais, la loi électorale dit quand on est militaire, il faut démissionner de l’armée quatre mois au moins avant l’élection. Ça veut dire que tu peux démissionner six mois avant ou sept mois avant, mais au moins quatre mois.
Le président Assimi Goïta, dans une de ses déclarations, disait que, s’il échoue, c’est toute la jeunesse malienne qui aura échoué. Pour vous, qu’est-ce que le jeune président Assimi a fait pour cette jeunesse depuis qu’il est aux affaires ?
Il faut reconnaitre d’abord qu’aujourd’hui le pays est dirigé par des jeunes. Et ces jeunes assument de hautes fonctions. Le Premier ministre par intérim est un jeune, le président de la transition est jeune, le président du Conseil National de Transition est jeune, une bonne partie des membres du Conseil national de transition et du gouvernement sont des jeunes. Donc, vraiment personne ne souhaite l’échec de la transition, c’est la réussite de la jeunesse. Il n’y a pas de doute, parce que ce sont des jeunes qui sont aux commandes aujourd’hui. Donc, c’est à eux de se battre pour que cette transition réussisse. Pour moi, elle a déjà réussi, il reste seulement de couronner cette réussite par l’organisation de bonnes élections. Aujourd’hui, nous avons notre fierté retrouvée, nous sommes un pays qui fait des petites choses avec grandeur, nous sommes un pays qui dit à l’ex puissance coloniale : ” nous ne sommes pas d’accord, voici ce sont nos intérêts que nous allons défendre “. Nous sommes un pays où les passeports sont aujourd’hui respectés sur le plan international, nous sommes un pays qui est en train de moderniser son armée, nous sommes un pays qui a fixé les caps par rapport à la question de la souveraineté. Donc, la transition pour moi a déjà réussi. Maintenant, il faut couronner cette réussite par l’organisation d’élections crédibles, libres et transparentes. C’est tout.
Vous avez l’habitude de donner des notes à des autorités. Quelle est celle que vous donnez à la Transition actuelle ?
Je n’ai pas l’habitude de donner les notes. C’est un cliché que les gens ont développé. Je ne répèterai jamais assez que le Premier ministre Choguel K. Maïga a fait parvenir un document au CNT où on a réalisé 30% du plan d’action. 30%, c’est 300 sur 1000, c’est 3 sur 10. Donc, ce n’est pas une note que, moi, j’ai donné. C’est le Premier ministre lui-même dans un document qui a indiqué qu’ils ont réalisé 30%. J’ai dit donc, si on extrapole et l’on fractionne, c’est 3 sur 10. Et quand on a 3/10 à l’école, on est renvoyé. Depuis lors, les gens pensent que j’ai noté le Premier ministre. Non, je ne donne pas de note, je ne suis pas un professeur. J’ai juste extrapolé les faits sur la base d’informations claires. Est-ce que la transition a produit un document dans lequel ils ont dit qu’ils ont tel pourcentage d’activités réalisées ? Non, voilà.
Votre mot de la fin ?
C’est encore appeler notre peuple à la mobilisation. C’est l’histoire de l’Afrique, c’est l’avenir de notre pays, de l’Afrique qui se jouent au Mali. Nous sommes face à notre destin. Personne ne viendra remettre les choses à leur place pour nous. C’est à nous de nous dresser et de poursuivre cette lancée ; ce cap qui consiste à garantir notre souveraineté.
Aujourd’hui, on a pratiquement la souveraineté politique mais ça ne servira à rien si on n’a pas la souveraineté économique. C’est pourquoi, j’appelle notre jeunesse à investir massivement dans l’agriculture, à aller à la terre, à cultiver la terre, à cultiver surtout suffisamment de riz, suffisamment de maïs, de mil pour nourrir notre peuple, à cultiver suffisamment de tomates et de légumes pour nourrir notre peuple, à produire suffisamment de coton que nous allons transformer en fil au profit des tubes pour habiller notre peuple. Si nous arrivons à faire ça, nous aurons garanti notre souveraineté totale et nous pourrons même aller dans la production de la monnaie nationale, parce que le franc CFA, c’est une monnaie de servitude. Et nous ne pouvons pas continuer à rester dans la servitude.
Propos recueillis par
Kassoum THERA