Au Mali, le taux de chômage global a atteint le seuil de 10,6 % au 31 mars 2016.
Pour trouver une solution à cet épineux problème, l’Observatoire National de l’Emploi et de la Formation (ONEF) a été créé pour combler l’absence d’un système cohérent d’analyse des informations recueillies sur le marché du travail.
Mr Boubacar Diallo, directeur national de l’ONEF a accepté de nous parler de cette structure et de la chance qu’elle constitue pour les jeunes à la recherche d’emploi.
26 Mars : Mr le directeur de l’ONEF, quelles sont les principales missions de votre structure ?
Mr Boubacar Diallo :
L’Observatoire National de l’Emploi et de la formation est une structure qui est chargée de collecter, centraliser, analyser et traiter les informations sur le marché du travail. A ce titre, il est également chargé de réaliser toutes les études et recherches sur l’emploi et la formation.
26 Mars : Quel est le rôle de l’Observatoire National de l’Emploi et de la Formation dans la lutte contre le chômage au Mali ?
Mr Boubacar Diallo :
Pour lutter contre ce fléau, il faut avant tout identifier les dysfonctionnements du marché de travail qui posent les problèmes du chômage. C’est la raison pour laquelle l’ONEF essaye de faire beaucoup d’études dans le domaine de l’emploi et de la formation pour comprendre un peu les dysfonctionnements qui se présentent sur le marché du travail. Et, c’est à travers ces études que l’ONEF va orienter les décideurs afin de prendre les mesures allant dans le sens de la réduction du chômage dans le pays. Parce que, ces études nous permettent de savoir réellement dans quel secteur le problème se pose et quelles sont les couches les plus touchées par le chômage. Toute chose qui nous permet d’orienter les décideurs pour l’adoption des mesures qui peuvent non seulement, réduire le chômage, mais aussi le sous-emploi.
26 Mars : Comment promouvoir les secteurs à même de booster l’emploi au Mali?
Mr Boubacar Diallo :
Pour cela, il faut d’abord réaliser des études. Parce qu’aujourd’hui, on ne peut rien faire au hasard.
Il faut au préalable mener des études sur le marché du travail pour savoir quels sont les secteurs qui profitent la croissance dans notre pays. Et, c’est en fonction du résultat de ces études qu’on peut vraiment orienter les décideurs pour leur dire ceci : voici les secteurs pourvoyeurs d’emplois.
26 Mars : sont-elles fiables les sources auprès desquelles vous collectez des statistiques des emplois créés dans notre pays que vous publiez trimestriellement ?
Mr Boubacar Diallo :
Pour faire une analyse du marché du travail, il y a plusieurs méthodes de collecte de données. A notre niveau, nous réalisons chaque année avec l’Institut National de la Statistique des enquêtes pour déterminer le nombre des offres d’emploi.
En plus, nous collectons les données administratives qui nous permettent d’avoir le nombre d’emplois créés par secteur d’activités.
Aussi, nous collectons des données auprès des structures chargées de compiler ces statistiques, notamment la direction nationale du travail qui vise tous les contrats du travail. Elle a un registre dans lequel toutes les informations concernant les emplois et les bénéficiaires des contrats sont enregistrées. Donc, comme vous le savez, l’inspection de travail de par sa mission, est chargée de viser tous les contrats. Ce qui veut dire que les entreprises qui recrutent, doivent le faire à travers des contrats qui doivent passer par l’inspection pour le visa. Et, chaque fois, nous passons au près de ces structures pour collecter ces informations.
Aussi, pour avoir les informations sur les emplois générés par les projets et programmes qui existent au niveau des départements ministériels, nous avons placé dans chacune de ces structures des points focaux. D’ailleurs, ces statistiques sont ce qu’on appelle les emplois publics créés. En effet, ce sont les principales sources que nous utilisons pour pouvoir publier les statistiques sur les créations d’emploi. Elles sont non seulement sûres, mais aussi les informations sont vérifiables.
26 Mars : Il y a un deuxième couple inséparable : chômage et emploi. Quelle est votre définition du chômage et celle de l’emploi ?
Mr Boubacar Diallo :
En fait pour ce qui concerne le chômage, souvent c’est compliqué à définir et quand vous demandez à 10 personnes de donner une définition, les versions seront totalement différentes. En vue d’éviter ces différenciations, la conférence internationale des statistiques du travail se réunit chaque cinq an à Genève pour traiter toutes les questions relatives aux statistiques et aux concepts sur le marché du travail. Et, la définition arrêtée à ce niveau et appliquée dans tous les pays est la suivante : pour être considéré comme un chômeur, l’individu doit (i) être sans emploi, (ii) disponible pour travailler et (iii) être activement à la recherche active d’un emploi. Donc il faut réunir ces trois critères pour être considéré comme chômeur.
Mais, en plus de cette définition universelle, il faut savoir que nos pays ont aussi leurs réalités. Par exemple, chez nous au Mali, nous nous sommes référés sur 2 critères : (i) être sans emploi et (ii) être disponible pour occuper un emploi. Cette définition nous permet de capter pas mal de chômeurs dans la mesure où beaucoup de personnes au Mali est non seulement sans emploi et disponible, mais ne sont pas à la recherche active d’un emploi.
Pour ce qui est la définition de l’emploi, il faut savoir que c’est différent d’un travail. Parce que le travail de façon globale a 5 formes dont l’emploi. Donc, pour être considéré comme quelqu’un qui a un emploi, l’activité que vous exercez doit être faite moyennant une rémunération ou un profit.
26 Mars : Qu’est-ce qu’il faut changer dans la politique de l’emploi au Mali ?
Mr Boubacar Diallo : déjà, le Mali a adopté en 2014 une nouvelle politique de l’emploi, dont la mise en œuvre est actuellement en cours et continue jusqu’en 2017. Donc, pour changer quelque chose dans cette politique, il faut attendre la fin pour faire une évaluation qui nous permettra de savoir ce qui a marché ou pas. Et, c’est en ce moment qu’on peut prendre des mesures pour changer les actions qui n’ont pas eu un effet significatif sur l’emploi.
26 Mars : Aujourd’hui, que faut-il faire pour sortir de l’inadéquation de formation/emploi ?
Mr Boubacar Diallo :
A ce niveau, depuis l’année dernière l’ONEF mène des enquêtes sur l’insertion pour déterminer le problème d’inadéquation formation-emploi. Pour cerner le fléau, ces études ont porté sur l’insertion des diplômés. Ces études permettent d’identifier les spécialités (après la formation) qui ont du mal à trouver un emploi et le temps qu’elles durent pour en avoir. Il faut savoir que cette enquête doit être régulièrement réalisée pour savoir s’il faut changer le contenu ou supprimer tout simplement les filières qui débouchent difficilement sur un emploi.
Nous sommes également en train de mener une autre enquête auprès des employeurs afin de savoir si le contenu de la formation est adapté aux besoins des entreprises. A travers les résultats de ces différentes enquêtes, il sera possible de prendre des mesures pour faire en sorte que la formation puisse s’adapter aux besoins du marché du travail.
26 Mars : Quel est votre message à l’endroit de la jeunesse, notamment estudiantine, pour aider à son employabilité ou son insertion socio-professionnelle ?
Me Boubacar Diallo
Ce qui est très important, quel que soit la formation suivie, une fois sur le marché du travail, les jeunes doivent prendre beaucoup d’initiative. Parce que, comme je vous ai dit, dans la définition du chômage, ceux qui ne sont pas à la recherche d’un emploi, ne sont pas considérés comme des chômeurs. Comme on aime à le dire : « qui cherche, trouve ». C’est pourquoi, le premier conseil que je donne à tout demandeur d’emploi est de ne pas se décourager et de chercher activement un emploi.
Et pour faciliter cela, il y a des structures qui aident dans sens. Par exemple, l’Agence Nationale pour l’Emploi qui est une structure d’intermédiation publique auprès de laquelle on peut toujours avoir des informations sur les offres d’emplois disponibles sur le marché du travail. En plus de cela, il y a aussi les bureaux privés de placement qui mettent en rapport les demandeurs d’emplois et les entreprises. En démarchant ces structures, on peut avoir la chance de décrocher un emploi dans la mesure où les entreprises sollicitent les services de ces agences.
Les jeunes doivent aussi essayer d’être entreprenant et développer beaucoup d’initiatives. Parce que, tout le monde n’a ni la chance de travailler dans une structure publique, ni être employé dans une entreprise privée. Donc, les jeunes doivent prendre l’initiative de s’auto-employer. Et d’ores et déjà, le dispositif a été mis en place (à travers l’APEJ) pour accompagner les jeunes entrepreneurs.
Il s’agit maintenant aux jeunes d’être agressifs et très courageux pour non seulement chercher l’information, mais aussi être constamment à la recherche d’un emploi. Avec tous ces éléments, ils peuvent maximiser leurs chances d’obtenir un emploi.
Propos recueillis par
Djibril Kayentao