Moustaph Maïga, fondateur du groupe de communication «Sikoro-le Ségovien» : “Je me bats pour que Ségou et le Mali rayonnent par leurs presses”

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Aujourd’hui, détenteur d’un Master 2 international en management des médias obtenu à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille (France), le fondateur du Groupe de communication de Ségou (radio et journal) est un pur produit de la Coopérative Jamana où il a démarré sa carrière en 1992 et travaillé durant 11 ans. Moustaph Maïga est donc un pionnier des radios libres du Mali où il a été notamment directeur de la Radio Jamana de Djenné en 1998 et Jamana Foko de Ségou en 2001. Dans ce média, il a bercé ses plus grands auditeurs avec une émission mémorable “Foko Walanda”, démarrée en 1993 et qui, durant presqu’une décennie, était une tribune des grands événements et des grands hommes, faisant d’ailleurs naître l’initiative de la distinction de “l’Homme de l’année à Ségou”, primant ainsi les hommes et les femmes ségoviens qui se seraient distingués au cours de l’an par des actions d’intérêt public. De son parcours dans les médias, l’homme qui aime signer de son petit nom, Moutta, a glané plus d’une dizaine de trophées dont le 1er Prix radio mis en jeu par le ministère de la Communication du Mali en 1998, le Prix Thierno Ahmed Thiam, en plus du Prix Fnuap/Mali qui lui a permis d’avoir une bourse en communication à Lomé au Togo (2001), le Prix du meilleur reportage lors de la 1re Semaine nationale de la presse (2000), le Prix de la meilleure enquête lors de la 2e Semaine (2001), le Soroké d’or Prix Uémoa de l’intégration africaine en 2008 et le Bizz Award catégorie presse africaine, décerné à Dakar à son journal par la Confédération mondiale des affaires basée à Houston aux USA, sans compter le Prix Unicef/Mali des Journées nationales de vaccination…. Avec une double expérience, celle de servir dans un Réseau Jamana qui est une école de médias et celle d’entretenir personnellement le sien, Moustaph Maïga qui capitalise ainsi plus de 27 ans de médias nous parle de son parcours et de ce qu’une presse régionale peut apporter à son terroir.

Aujourd’hui-Mali : Comment peut-on tenir dans la presse au Mali, si précaire, surtout à un niveau régional où tout peut manquer ?

Moustaph Maïga : La presse au Mali sent la précarité, c’est vrai, mais ce sont les hommes de presse qui peuvent se rendre si riches et si nantis, de par leur sérieux, de par leur crédibilité qu’ils doivent asseoir, de par leur pugnacité à ne pas céder aux sirènes de ceux qui peuvent leur faire dévier de leur idéal quand ils font ce métier avec amour et conviction. C’est un premier aspect.

J’ai bénéficié de cette circonstance, peut-être de ce qu’un grand journaliste (Sennen Andriamirado, un agronome, meilleur journaliste de Jeune Afrique) disait : “On ne devient pas journaliste, on naît journaliste”. Donc c’était une passion inébranlable, depuis l’école fondamentale jusqu’au secondaire où déjà j’animais des journaux ou revues scolaires. Mon père, pourtant un grand directeur d’école, fils spirituel de Fily Dabo Sissoko avec qui il a commencé en 1945 son parcours à Bafoulabé, qui a enseigné les Alpha Oumar Konaré, Soumeylou Boubèye Maïga, Younouss Hamèye Dicko, Soumana Sako qui logeait chez lui, voulait faire de moi un grand ingénieur ; moi je voulais être tout simplement journaliste, à un moment où le Mali ne dispose pas de cet établissement scolaire.

Je me rappelle que mes mentors, à l’image de feu Me Boubèye Maïga, mon ami (homonyme de mon père) et mon oncle spirituel à la fois, m’envoyaient depuis Bamako jusqu’à Bourem où j’étais au fondamental des journaux et revues, par avion, hebdomadairement (Podium, Jeux d’Afrique, Sport Dimanche, Famille et Développement que je garde encore).

Du coup, notre maison était devenue une médiathèque où mon père voyait que ce sont des fonctionnaires qui étaient mes amis, moi un élève du fondamental.

Il finira, une nuit, sous la lampe tempête, par déchirer un magazine de Jeux d’Afrique que je n’aie jamais pu lire, avant de se convaincre que je ne pouvais rien, sans devenir ce que je suis aujourd’hui : journaliste, pour un idéal de justice et de vérité. Ce fut le même cas, pour mon professeur Oumar Ibrahim Touré, président de l’APR qui ne manquait jamais, dans mes devoirs de dissertation en histoire et géographie, de me notifier que le devoir est bon mais appréciait ainsi : “Attention, ce n’est ni de la littérature, ni du journalisme”.

L’autre aspect qui m’a forgé, c’est peut-être mon signe astrologique (je crois très sincèrement aux astres) ; je suis un natif du signe Lion (un 4 août comme Barack Obama, sans prétention, et que j’aime à m’amuser à le dire). Je n’aime pas l’injustice et l’iniquité. Je savoure les défis qui me donnent envie d’aller loin et de ne jamais perdre de vue les objectifs que je m’assigne. J’essaye toujours de transformer mes échecs en victoires, en me remettant en cause.

Ces facteurs m’ont permis donc d’être à un niveau où, à l’intérieur du Mali, malgré ce que vous dites de la presse malienne et ses contraintes, je me bats pour que Ségou rayonne par sa presse. Je suis fier quand je vois le président de l’Urtel qui fait du bon travail pour l’essor des radios au Mali est un produit de Radio Sikoro. Je lui ai imposé de faire une émission, de la radio (il rechignait ce jour-là puisqu’il travaillait seulement dans “Le Ségovien”) mais aujourd’hui, la passion de la radio lui a fait oublier ses premières amours dans la presse écrite.

Je pense aussi à mon ami Alou Djim de la Hac, avec qui j’animais un journal scolaire, et qui m’avait séduit par sa voix radiophonique. Lorsque, de Jamana Foko Ségou, on voulait implanter une radio Jamana à Koutiala, je lui ai pris la main (il ne voulait pas) pour commencer ses débuts à la radio, j’ai écrit moi-même sa demande d’emploi, tant il ne voulait pas. Donc, nous tenons avec tout cela : la passion, le travail que nous cherchons toujours à améliorer, une abnégation qui nous permet de ne jamais abdiquer face à l’adversité (c’est un choix d’ailleurs qu’on assume) et pour finir, nous avions été formé, bien formé par les frères Drabo, les Tiégoum Boubèye Maïga, les Sadou Yattara, Hamèye Cissé. Nous nous sommes formé en bénéficiant aussi des certifications à l’Institut Forhom de la Rochelle en France (deux fois) à Sup Agro Montpellier et à l’ESJ de Lille en France. Ce fut très important pour notre cursus professionnel.

Comment la création du Groupe de Communication est venue ?

Je le disais tout à l’heure. Nous avions entamé notre parcours professionnel par un réseau de presse qui avait conquis le cœur des Ségoviens : Yeko et Foko. Après notre départ à Djenné en 1998, le flambeau a été éteint 3 ou 4 ans après pour ce qui est du journal. Et lorsque je démissionnais de la direction de la Radio Foko en septembre 2003, c’était la même chose. L’espace médiatique en presse écrite était vide.

J’ai lancé “Le Ségovien”, puis Sikoro FM. Nous avions déjà une expérience. Notre force était que nous étions déjà aguerris dans le métier. Ensuite, il y avait la crédibilité. Quand Radio Sikoro ou le journal Le Ségovien livre une information, les Ségoviens y croient à 200 %.

Seize ans après votre initiative personnelle dans la presse, quel bilan tirez-vous de cette aventure, quelles ont été les difficultés majeures ?

Les difficultés sont toutes inhérentes aux autres médias du Mali, à cause de la prolifération sans cesse des organes de presse qui font que le marché de la publicité est biaisé. Ce qui fait que les travailleurs répondent à l’appel des sirènes ; ils vont travailler dans des organismes ou services où ils savent que leur avenir est certain. Ceux qui viennent, n’ayant pas passé par le même moule, il va sans dire que les prestations sont en deçà des attentes. Mais il faut toujours retenir les bons moments de toute aventure. Et nous en avions eu, Dieu merci, puisque nous tenons incontestablement la dragée haute dans l’espace médiatique de Ségou et du Mali

Quels ont été les moments forts et les grands souvenirs des 16 ans ?

Incontestablement, c’est le décès du 1er directeur Amadou Chérif Haïdara, un jour de Noël 2008. Entre 6 h et 8 h, notre audience était remarquable avec ses émissions matinales. Il est décédé au moment où le frère jumeau “Le Ségovien” éditait son n°100 en 100 pages (nous présentions les 100 personnalités de Ségou qui ont marqué le millénaire ; nous l’avions réédité et réédité). Un événement exceptionnel, jamais réalisé dans le pays et auquel il n’a pas participé, rongé par la maladie. Nous avions réalisé des magazines thématiques, un 50 pages sur le Cinquantenaire, la Biennale que Ségou a abritée en 2005 et l’Allô Presse Africaine de RFI où nous étions sur la “short-list” de la radio mondiale, à chaque parution, par exemple.

Quelles sont vos perspectives après 16 ans et que prévoyez-vous pour votre anniversaire ?

L’environnement précaire des médias maliens influe sur notre dynamisme, mais nous tenons. Nous nous sommes fixé, depuis le début, un objectif, tant avec le journal et la radio : nous ne ferons que de l’information de proximité avec la promotion de nos cultures et de nos langues. Nous accompagnons les arts, le cinéma en les aidant à trouver leurs marques. Après plus de 15 ans, il faut avoir la perspective maintenant d’avoir une radio écoutée à travers le monde.

Nous avons un certain nombre d’activités pour cet anniversaire qu’on a décalé pour la mi-juin, en raison du ramadan. Le baptême du studio au nom du 1er directeur, Amadou Chérif Haïdara, la finale de la Coupe de football, une session de causerie débat pour les femmes sur le thème de la cohésion sociale et du vivre ensemble et la projection d’un film inédit, primé au Fespaco en mars dernier, qui traite du même thème et qui sera vu, autant par les cinéphiles de Ségou que de ceux de Bamako, puisque “Duga ou les charognards” sera projeté inch’Allah au Ciné Babemba le samedi 15 Juin 2019 à 21 h. C’est très important.

Un anniversaire c’est la joie, la fête, mais si par ce truchement, on peut faire passer un message, c’est toujours bien. Et comme la presse est au service du développement, nous voulons y contribuer en projetant un film d’actualité que je demande au public bamakois de venir voir. Aujourd’hui, le tissu social est effrité et la cohésion sociale est écorchée. Ce film nous pose la problématique de la perte des valeurs humaines, du vivre ensemble qui est abandonné.

En clair, pour nous, c’est toute chose qui fait qu’il existe un département au Mali qui s’occupe de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale. C’est pourquoi nous avons demandé au ministre, M. Lassine Bouaré, qui a la charge de ce département, de présider cet événement, car le message fort qui va passer entre en droite ligne de ses prérogatives. Un autre ministre à qui on a demandé de coprésider l’événement, c’est notre ministre de tutelle, M. Yaya Sangaré en charge de la communication. Par magie, il a été celui-là même, en tant que président de l’Urtel qui était parti inaugurer notre radio à Ségou. Notre invité d’honneur est l’ambassadeur du Burkina Faso au Mali pour la nuit de Bamako et son consul à Ségou, M. Michel Soma, le sera pour la nuit de Ségou prévue le vendredi 14 juin 2019 au Miéruba. Je demande au public de Bamako de venir voir ce film, primé par l’Uémoa au Fespaco, en cherchant à nous contacter pour avoir les cartes d’accès, car l’entrée n’est pas payante et la salle ne fait que 200 Places !

En parlant de football, vous êtes actif dans ce domaine ?

Effectivement. Je suis un conventionnaire de l’entreprise Office du Niger. Quand il s’est agi pour moi de m’occuper de sa bonne promotion et de ses performances, j’ai créé Office du Niger Sports comme support de communication et qui est monté en D1, en 9 mois d’existence, en se permettant de battre Djoliba AC à Bamako (ce qu’aucun club de Ségou ou de l’intérieur n’a fait, depuis 1960, contre ce club) aussi bien que le vainqueur de la Coupe du Mali, l’US Bougouni, sur ses propres installations aussi bien qu’à Ségou.

Et nous demeurerons les porte-étendards, en ce moment, du football à Ségou. Comme je suis un passionné aussi de la nature et que je crois au réchauffement climatique, je viens de lancer les AS de Ségou (les Amis du Sport à Ségou), une petite ONG qui essaye d’allier sport et environnement. Nous sommes au Complexe commercial Salia Daou et nous contribuons à la pratique de tous les sports et le respect de notre environnement.

Après le colloque “Sport et environnement”, prévu le samedi 8 juin, on va lancer, le lundi 10 juin, une grande opération dénommée “Campagne de promotion d’économie d’énergie et de respect de l’environnement” dans les administrations publiques et unités industrielles de Ségou.

C’est pour mieux insister sur le développement durable, la bonne gouvernance, le gaspillage de l’électricité, la minorisation des dépenses publiques, l’obtention de cadres maliens qui ont le réflexe de la chose publique.

Propos recueillis par

El Hadj A.B.HAIDARA

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1 commentaire

  1. Pourquoi mentioner Ségou seul? Pourquoi vous ne vous battez pas simplement pour la réussite de tout le Mali entier. Ah! Oui c’est ça! C’est comme ça que ça se commence. Au Mali beaucoup de gens ne pensent pas que ce qu’ils disent et ce qu’ils font peuvent mettre en danger notre union sacrée. Le nom ou le but de votre projet est dérangeant surtout aujourd’hui au Mali ou certains Touaregs sont en train de crier partout qu’ils ont été délaissés et oubliés et les peuls sont tués à cause de leurs fortunes (vaches) par des anciens soldats ratés (regardez seulement le rapport des enquêteurs sur le dossier). Réfléchissons un peu et comprenons que le Mali ce n’est pas seulement Segou mais aussi Kayes, Koulikoro, Taoudeni, Macina, Mopti, Kidal, Tessalit, Adra des Ifoghas, Sikasso, San, Kolondieba, Nioro du Sahel, Gao, Tombouctou, Lèrè, Menaka, etc…Des gens comme vous pensent que le Mali c’est un pays Bambara et que Segou est dessus de toutes les autres parties du Mali. C’est qui provoquent des soulèvements inter-communautaires qui se passent actuellement au Mali parce que certains pensent que les autres sont des étrangers. Par en finir avec vous, allez y regarder les cartes de l’empire du Mali, de l’empire du Ghana et vous allez voir que toutes ces cartes incluaient les plus pays Peuls d’Afriques qui sont le Macina, le Fouta Toro, le Fouta Diallo, et le Fouta Boundou (qui s’étendaient jusqu’à certaines parties de la Mauritanie et du Noiro du Sahel). Merci je pense que je me suis fait comprendre.

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