Moussa Djombana à propos de la tenue du référendum au mois de juin prochain : « L’important est que ce processus permette au Mali de renforcer sa gouvernance démocratique… »

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Moussa Djombana, analyste politique malien résident au Canada, dans une interview, a fait part de ses inquiétudes sur la situation globale au Mali. Malgré les difficultés, il garde espoir. Même s’il estime que le Oui l’emportera lors du référendum au mois de juin prochain, il est personnellement pour le “NON” pour plusieurs raisons. Il a également fait des propositions. Lisez-les plutôt ! 

Le Tjikan : Quelle lecture faites-vous de la situation sociopolitique actuelle du pays ?

Moussa Djombana : La situation sociopolitique du Mali est complexe et en évolution constante. Le pays a connu une série de crises politiques, de sécurité et humanitaires ces dernières années dont l’apothéose a été, en août 2020, le coup d’État contre le Président Ibrahim Boubacar Keïta, paix à son âme. Ce coup d’État a été la résultante d’une série de manifestations politiques, principalement au boulevard de l’indépendance à Bamako, sous la houlette d’hommes et de femmes politiques, de chefs religieux et d’organisations de la société civile, dénonçant la gouvernance du pays, l’insécurité grandissante au centre et au nord et réclamant la démission du Président de la République. Aussi, le pays est confronté à des défis de sécurité importants, notamment la présence de groupes armés qui ont pris le contrôle de vastes zones du nord et du centre du pays, ainsi que des conflits intercommunautaires qui ont provoqué des déplacements massifs de population et des violences. Sur le plan humanitaire, le Mali est confronté à une situation d’insécurité alimentaire chronique, exacerbée par les conflits armés, la pauvreté, les changements climatiques et la pandémie de Covid-19.

Malgré ces défis, le Mali dispose d’un potentiel économique et culturel important. Il est riche en ressources naturelles, possède un patrimoine culturel et historique riche, et a un secteur agricole important. La mise en œuvre de réformes politiques, la restauration de la sécurité et le développement économique durable sont des priorités pour le Mali afin de surmonter les défis actuels et de progresser vers un avenir plus stable et prospère.

En conclusion, la situation globale est difficile mais pas irréversible, à condition d’une auto-évaluation de tout ce qui a été fait jusque-là et un changement de paradigme qui tient essentiellement compte des intérêts supérieurs du Mali qui est au-dessus de tous les citoyens, sans exception.

Le Tjikan : Que pensez-vous de l’annonce faite par les autorités de la transition à propos de la tenue du référendum au mois de juin prochain ? Soutenez-vous le projet de la nouvelle constitution ?

Moussa Djombana : Cette annonce est une bonne chose. C’est la preuve que pour les autorités, les conditions de sécurité sont réunies partout au Mali ou presque, pour l’exercice démocratique des droits civiques des citoyens. On peut voir en cela, une preuve palpable de la montée en puissance dont on nous parle ces derniers temps, puisque le référendum est national, concerne tous les enfants du pays et doit se tenir partout sur le territoire national, qui logiquement, doit être préalablement sécurisé par nos forces de défense et de sécurité. Une telle décision des hautes autorités prouve que la sécurité est revenue presque partout au pays de sorte à permettre un vote référendum serein.

La question de la nouvelle constitution est un sujet de débat et de controverse au Mali. Les Maliens sont divisés : Certains critiquent ce projet de nouvelle constitution qu’ils jugent illégal au vue de la qualité du pouvoir actuel et il serait dangereux pour le vivre ensemble car attentatoire à l’identité religieuse du pays. Pour d’autres, c’est une très bonne constitution qui garantit l’unité du pays et la liberté de religion et de culte. Bien que j’estime, c’est un sentiment personnel et non un constat scientifique, que le “OUI” l’emportera, je suis personnellement pour le “NON” pour plusieurs raisons dont les suivantes : elle ne tient pas suffisamment compte d’un caractère important du peuple malien, qui est la propension à émigrer du pays, pour avoir une meilleure vie. Nous avons une importante diaspora de ce fait qui est restée attachée au pays tout en faisant en sorte de n’avoir aucun problème de papier dans le pays d’accueil. Cette constitution n’en tient pas suffisamment compte. Il y’a aussi le fait que ce projet de constitution réduise le problème malien essentiellement à un problème de renforcement du pouvoir du Président de la République, ce qui est loin d’être vrai : notre projet de constitution ne tient pas compte des causes profondes qui pourraient expliquer la déflagration sécuritaire au Centre, au Nord et maintenant, un peu partout au pays. En fin de compte, c’est au peuple malien de décider s’il souhaite ou non adopter une nouvelle constitution et, si oui, dans quelle mesure. L’important est que ce processus se déroule de manière transparente et inclusive, et qu’il permette au Mali de renforcer sa gouvernance démocratique et de promouvoir les droits et libertés fondamentaux de tous les citoyens.

Le Tjikan : L’armée vient d’acquérir des nouveaux équipements. Quel regard portez-vous sur la montée en puissance de l’armée ?

Moussa Djombana : C’est une grande fierté pour moi de voir notre armée se doter de matériels nécessaires à l’atteinte de ses objectifs, surtout en termes de sécurisation du pays. C’est bon pour le moral des troupes et c’est bon pour notre armée. Cependant, il est important de souligner que l’armée malienne est toujours confrontée à des défis de sécurité importants qu’il ne faut surtout pas occulter, notamment la présence de plusieurs groupes terroristes dans certaines parties du pays et leurs gains en mobilité. Les menaces terroristes deviennent grandissantes sur les régions de Kayes, Koulikoro, Kita, Koutiala et Sikasso. Nous devons gérer cela intelligemment pour ne pas qu’à long terme, ces régions connaissent le même sort que celle de Mopti.

Pour réussir cette mission exaltante, Il est crucial que les forces de sécurité travaillent en étroite collaboration avec les acteurs civils et les communautés locales pour assurer la sécurité et la protection des civils, ainsi que pour promouvoir la réconciliation et la stabilité à long terme.

Le Tjikan : Selon vous faut-il maintenir ce dynamisme dans la lutte contre le terrorisme ?

Moussa Djombana : La lutte contre le terrorisme est un enjeu mondial et un défi majeur pour de nombreux pays, y compris le Mali. Il est donc important de maintenir un certain dynamisme dans la lutte contre le terrorisme pour protéger la population civile, préserver la sécurité nationale et internationale, ainsi que promouvoir la stabilité et le développement durable. Cependant, il est également important que cette lutte soit menée dans le respect des droits et libertés fondamentaux, et en utilisant des méthodes efficaces et proportionnées qui ne portent pas atteinte aux droits et à la dignité des populations civiles. Les efforts de lutte contre le terrorisme doivent être intégrés dans une approche globale de sécurité qui inclut également la prévention de la radicalisation, la promotion de la gouvernance démocratique et l’amélioration des conditions de vie des populations locales.

Il est également crucial que la lutte contre le terrorisme soit menée de manière coordonnée et en collaboration avec les autres pays de la région, ainsi qu’avec les organisations régionales et internationales compétentes. Une approche concertée est nécessaire pour répondre efficacement aux menaces transfrontalières et pour garantir la sécurité et la stabilité à long terme de la région. La lutte contre l’économie criminelle est un levier important pour tarir les sources de financement du terrorisme et ramener la paix.

Le Tjikan : Que proposez-vous pour renforcer la stabilité sociopolitique afin de favoriser une relance économique ?

Moussa Djombana : Plusieurs mesures peuvent être prises pour renforcer la stabilité sociopolitique au Mali et favoriser une relance économique durable. Voici quelques propositions :

Promouvoir la réconciliation et le dialogue : La réconciliation nationale est essentielle pour renforcer la stabilité sociopolitique et pour promouvoir une cohésion sociale durable. Les autorités maliennes doivent donc travailler à créer des espaces de dialogue et de concertation entre les différentes parties prenantes, y compris les groupes armés et les communautés locales.

Renforcer la gouvernance démocratique et l’Etat de droit : Un système de gouvernance démocratique et un Etat de droit solides sont des éléments clés pour garantir la stabilité sociopolitique. Les autorités maliennes doivent donc travailler à renforcer les institutions démocratiques et à améliorer la transparence et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques.

Promouvoir le développement économique et social : Le développement économique et social est un élément clé pour favoriser la stabilité sociopolitique. Les autorités maliennes doivent donc travailler à promouvoir un environnement propice aux investissements, à encourager l’entrepreneuriat et à améliorer l’accès aux services de base, tels que l’éducation, la santé et l’eau potable.

Investir dans la sécurité et la protection des civils : Les populations civiles doivent être protégées contre les menaces de violence et de terrorisme. Les autorités maliennes doivent donc investir dans la sécurité et renforcer les capacités des forces de sécurité pour protéger les populations civiles et garantir la sécurité sur l’ensemble du territoire national.

Favoriser la coopération régionale et internationale : La coopération régionale et internationale est essentielle pour renforcer la stabilité sociopolitique au Mali. Les autorités maliennes doivent donc travailler à renforcer la coopération avec les pays voisins et les partenaires internationaux pour faire face aux défis régionaux, tels que le terrorisme et la criminalité transnationale.

Propos recueillis par Moussa Sékou Diaby

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