Moussa Alassane Diallo, président de l’Association professionnelle des Banques et établissement financiers (APBEF) : « Les 13 banques du Mali ont collecté 1 162 milliards de FCFA et distribué 838 milliard FCFA de crédit à la clientèle en 2009 »

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Le président de l’Association Professionnelle des Banques et Etablissements Financiers du Mali, Moussa Alassane Diallo, non moins Président -directeur général de la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) vient d’être reconduit par ses pairs, le 30 septembre 2010, à la tête de cette Association pour un deuxième mandat de deux ans, au regard de son bilan pour le moins élogieux. Dans la foulée de cette réélection, il a bien voulu nous accorder une interview. Entre autres sujets abordés dans cet entretien exclusif, il fait l’état des lieux du système bancaire malien, avant d’évoquer la problématique du financement de l’économie par les banques, le relèvement du capital social minimum des Etablissements de Crédit décidé lors de la session du Conseil des Ministres de l’UEMOA du 17 septembre 2007 et ses ambitions pour son nouveau mandat.

L‘Indépendant: Vous venez d’être reconduit à l’unanimité à la tête de l’Association Professionnelle des Banques et Etablissements Financiers (APBEF) pour un nouveau mandat de deux ans. Quels sentiments cela vous inspire-t-il ?

Moussa Alassane Diallo: L’Association Professionnelle des Banques et Etablissements Financiers du Mali a organisé, le 30 septembre 2010, son Assemblée Générale annuelle avec à l’ordre du jour la présentation et l’adoption du rapport d’activités des deux dernières années (2008/2009 et 2009/2010), la présentation et l’adoption de l’exécution des budgets 2008, 2009 et le budget 2010 au 31 août 2010, le renouvellement du bureau de l’Association. Je rappelle que toutes les Banques et tous les Etablissements Financiers du Mali étaient présents à cette Assemblée Générale à travers leurs premiers responsables. Le rapport d’activités et l’exécution des budgets ont été adoptés à l’unanimité des membres.

Mon premier mandat est arrivé à expiration en septembre 2010 et le renouvellement du bureau était donc inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale. Les responsables des Banques et des Etablissements Financiers du Mali ont rendu un vibrant hommage au Président sortant et ont félicité tous les membres du bureau pour les résultats obtenus. A l’unanimité, ils ont reconduit le Président Directeur Général de la BNDA en qualité de Président de l’Association Professionnelle des Banques et Etablissements Financiers du Mali pour un second mandat et reconduit en même temps l’ensemble du bureau sortant. Je voudrais saisir cette opportunité pour présenter à tous les Dirigeants des Etablissements de Crédit du Mali mes très sincères remerciements et leur exprimer ma profonde gratitude pour la confiance renouvelée. Le renouvellement de notre mandat m’inspire un sentiment du devoir accompli par tout le bureau reconduit au service de la promotion et du développement du secteur bancaire et financier de notre pays.

Pouvez-vous faire un bilan succinct de votre premier mandat ?

Le rapport d’activités présenté à l’ Assemblée Générale retrace le bilan du premier mandat. Je signale, tout simplement, que suite à mon élection comme Président de l’APBEF en 2008, le bureau a élaboré et soumis aux Banques et Etablissements Financiers du Mali qui l’ont adopté un programme d’activités biennal 2008/2009 et 2009/2010. Au terme des deux ans du premier mandat, le bilan non exhaustif se présente ainsi:

* la relecture et l’adoption de nouveaux statuts et règlement intérieur,

* le renforcement de la solidarité et de la coopération entre les Etablissements de Crédit afin d’aboutir à une saine concurrence entre les membres,

* la mise en œuvre de projets interbancaires par une mutualisation des coûts et des risques,

* le renforcement de la communication interne et externe de l’Association à travers la création d’un Site Internet opérationnel et l’actualisation des données du site par la prise en compte des données financières et comptables des Etablissements de Crédit du Mali. La création des pages web de chaque banque membre de l’Association, l’édition semestrielle d’un journal dénommé " Le Courrier du BANQUIER ", organe d’information permettant une large diffusion de l’information relative au paysage bancaire et financier du Mali et à la législation cardinale de la profession bancaire auprès des pouvoirs publics, des autorités monétaires, de la clientèle, des Ambassades, des Organisations Financières Internationales, des Magistrats et Auxiliaires de justice. Un autre grand moment fut l’organisation à Ségou du 11 au 13 mars 2010 du séminaire APBEF/Directeurs de Publication sur le thème " Accès à l’information financière, quelle collaboration entre les Banques et la Presse ". Cette rencontre aura constitué un bon moment d’échanges fructueux entre la presse écrite et les dirigeants de banques et établissements financiers qui s’étaient observés longtemps avec méfiance. Depuis, des concertations s’effectuent afin de permettre, entre autres choses, aux banques de prendre en compte les besoins d’une clientèle qui avait été laissée en rade par manque de communication de part et d’autre d’ailleurs,

* le renforcement des moyens d’action de l’APBEF à travers l’acquisition des équipements et la mise en œuvre d’actions tendant à améliorer sensiblement le fonctionnement de l’Association (aménagement dans de nouveaux locaux),

* la mise en place des commissions spécialisées dans différents domaines touchant à l’exercice de la profession bancaire en vue de conduire des réflexions stratégiques et d’apporter des réponses communes à certains problèmes inhérents à l’activité bancaire :

. la commission Exploitation

. la commission Fiscalité

. la commission Informatique et Nouvelles Technologies

. la commission Ressources Humaines

. la commission Opérations

. la commission juridique.

* la mise en œuvre efficiente de la charte interbancaire relative à la coopération en matière d’échange d’informations dans l’intérêt bien compris de chaque banque.

* la finalisation avec les partenaires sociaux de la relecture de la Convention Collective des Banques et Etablissements Financiers du Mali pour la période 2009 à 2011,

* l’actualisation et la mise en œuvre d’un programme de formation en vue du renforcement des capacités du personnel bancaire,

* la redynamisation du Centre de formation en Banque et Microfinance,

* la conduite des négociations avec le Ministère de l’Economie et des Finances dans la recherche de solutions aux impayés des Banques et Etablissements Financiers,

* l’organisation des pools bancaires afin d’apporter des réponses financières à la couverture des besoins de financement des projets structurants de l’économie malienne,

* l’organisation à Bamako en juillet 2009 des rencontres annuelles " Gouverneur de la BCEAO et Dirigeants des Etablissements de Crédit ",

* la participation aux travaux du Conseil Fédéral des APBEF des huit pays membres de l’UEMOA, des concertations régulières avec le Gouvernement de la BCEAO et des missions du FMI et de la Banque Mondiale.

Quels sont vos ambitions pour votre deuxième mandat ?

Le deuxième mandat ambitionne la poursuite et le renforcement des acquis cités plus haut, et surtout de tout mettre en œuvre pour assurer l’exécution des activités inscrites au programme biennal et qui n’ont pu être réalisées, notamment l’organisation d’un séminaire sur la cyber escroquerie, l’organisation d’une campagne de formation, d’information et de sensibilisation des opérateurs économiques au dispositif des accords de classement, la recherche d’un terrain pour la construction du siège de l’APBEF.

Quel est l’état des lieux du système bancaire malien ?

Avec aujourd’hui treize Banques et trois Etablissements Financiers, le paysage bancaire du Mali s’est densifié et diversifié au cours des dernières années. Cette situation s’est traduite par une amélioration de l’offre de services bancaires et financiers à la clientèle, une plus grande compétitivité du secteur bancaire et une amélioration des concours bancaires au financement de l’économie.

L’état des lieux du système bancaire malien doit s’analyser à la lumière de la grave crise financière que toutes les économies du monde ont connu au cours des deux dernières années.

L’absence de supervision, de contrôle et de régulation d’un nombre important d’établissements bancaires et financiers est à l’origine de cette débâcle financière qui a ébranlé les fondements mêmes de l’économie internationale.

Les Banques et Etablissements Financiers du Mali ont parfaitement bien géré cette crise financière qui n’a pas d’impact, non seulement sur la situation financière des banques, mais aussi sur la situation des dépôts de la clientèle. Aucun déposant des Banques maliennes n’a perdu le moindre centime au cours de cette crise.

Au 31 décembre 2009, le système bancaire malien note:

– 250 agences et bureaux,

– 820.000 comptes bancaires actifs,

– 2.733 salariés,

– 1.162 milliards de FCFA collectés auprès de la clientèle,

– 838 milliards de FCFA de crédits faits à la clientèle,

– 177 milliards de FCFA de fonds propres engrangés,

– 21 milliards de FCFA de résultats bénéficiaires cumulés.

On a toujours reproché aux banques une certaine frilosité à financer le développement économique, notamment les initiatives privées. Avez-vous des commentaires là-dessus ?

Il s’agit là d’un débat récurrent que je comprends bien. L’une des priorités de l’Association Professionnelle des Banques et Etablissements Financiers du Mali est d’accompagner la mise en œuvre du Projet de Développement Economique et Social et la Loi d’Orientation Agricole du Président de la République, Son Excellence Amadou Toumani TOURE à travers la mobilisation des ressources financières pour soutenir les projets structurants du Chef de l’Etat dans les domaines de l’Agriculture, de l’Energie et des Infrastructures. Ces domaines constituent le socle même du développement économique du Mali.

Du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2009, les emplois des Etablissements de Crédit sont passés de 974,3 milliards de FCFA à 1.158,4 milliards de FCFA, soit une progression d’environ 19% et une hausse en volume de 184 milliards de FCFA. Les Banques et Etablissements Financiers apportent une contribution au financement de l’économie, mais je demeure convaincu que des efforts importants restent à faire. Avec un cadre macroéconomique stabilisé et une politique budgétaire prudentielle, l’environnement devient véritablement propice au financement plus accru de l’économie. Vont dans ce sens:

– le dernier classement du Mali au Doing Business de la Banque Mondiale, ce qui atteste du caractère réformateur des mesures prises par le Gouvernement,

– la mise en œuvre d’une charte des PME et d’une stratégie de promotion seront de nature à favoriser la création d’entreprises. La création de l’Agence de Développement des Exportations facilitera l’accès des marchés extérieurs. Enfin, l’élaboration et l’application de la Loi d’Orientation du Secteur Privé (LOSP) vont soutenir et conforter tous les efforts de développement du secteur privé.

D’autres chantiers concernent :

1°) le développement de nouveaux produits bancaires et financiers,

2°) la mise en place d’un fonds d’investissement destiné au financement des infrastructures,

3°) la mise en place d’un fonds de garantie pour soutenir l’accès des PME/PMI aux crédits,

4°) la création d’une société de capital risque et/ ou d’investissement en fonds propres,

5°) l’amélioration de la bancarisation et de la modernisation des instruments de paiements.

Le taux de bancarisation au Mali (un peu plus de 7% et 11% si l’on tient compte des SFD) d’une manière générale dans l’espace UEMOA, est faible. Ce qui a récemment amené la BCEAO à lancer une campagne visant à promouvoir la bancarisation dans les pays de l’Union. Quel impact cette initiative pourrait-elle avoir sur le développement de nos économies, en particulier sur l’économie malienne?

La faiblesse du taux de bancarisation au Mali et, de façonglobale, dans l’espace UEMOA est une préoccupation et une interpellation du système bancaire. Dans le domaine de l’économie et de la finance, il est admis l’existence d’une corrélation positive entre l’accès des populations aux services bancaires et financiers et le niveau du développement économique du pays. C’est pourquoi, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest a initié, depuis plusieurs années, un vaste et ambitieux programme de renforcement et de modernisation des systèmes et moyens de paiements dont la mise en place d’un système interbancaire de paiement et de retrait par carte dans l’espace UEMOA et le lancement de la Centrale des Incidents de Paiement.

Le système bancaire malien a effectué de gros efforts au cours des dernières années dans la couverture spatiale. L’on note des avancées significatives sur la création de réseaux bancaires dans toutes les régions du Mali tandis que les efforts d’implantation se poursuivent. L’ouverture de guichets bancaires de proximité favorise la bancarisation et l’accès des populations aux produits bancaires et financiers.

L’accès du plus grand nombre des populations maliennes aux services bancaires et financiers professionnels et formels est loin d’être un rêve à mes yeux, mais plutôt un objectif réaliste et réalisable vers lequel il faut tendre. La performance et la portée des Banques et Etablissements financiers ne cessent de s’améliorer. Ils sont dans la dynamique de relever les défis et obstacles à la construction au Mali de secteurs financiers inclusifs pour le développement et la croissance économique de notre pays.

Les actions menées par les Banques et Etablissements Financiers et la campagne d’information et de sensibilisation en cours lancée par la BCEAO à l’échelle sous régionale (UEMOA) se traduiront certainement par :

– l’augmentation du taux de bancarisation des populations,

– la baisse des commissions des transactions rendant ainsi accessible le service à tous,

– la promotion de l’utilisation de la monnaie scripturale,

– le renforcement de la sécurité des moyens de paiement,

– la multiplication ainsi que la fluidité des transactions entre les divers acteurs économiques du Mali et de la sous région UEMOA.

Le Conseil des ministres de l’UEMOA du 17 septembre 2007 a décidé du relèvement du capital social minimum des Etablissements de Crédit de l’Union. Pouvez-vous nous en dire plus?

Le relèvement du capital social minimum des Etablissements de Crédit a été décidé, lors de la session du Conseil des Ministres de l’UEMOA du 17 septembre 2007, respectivement de 1 milliard de FCFA à 10 milliards de FCFA pour les Banques et de 300 millions de FCFA à 3 milliards de FCFA pour les Etablissements Financiers. Il faut signaler que cette mesure s’inscrit dans la perspective du renforcement de la situation financière des Etablissements de Crédit, notamment en matière de fonds propres afin de leur permettre d’apporter une contribution plus accrue au financement de l’économie des pays membres de l’UEMOA.

Le relèvement du capital minimum social s’effectue en deux phases :

– dans une première phase, le capital social minimum des Banques est porté à 5 milliards de FCFA et celui des Etablissements Financiers à 1 milliard de FCFA. Un délai de trois ans (échéant le 31 décembre 2010) a été accordé aux Banques et Etablissements Financiers pour se conformer à ces premiers seuils,

– la deuxième phase interviendra après une évaluation de la première et consistera à porter les seuils à 10 milliards de FCFA pour les Banques et 3 milliards de FCFA pour les Etablissements Financiers.

Au Mali, la grande majorité des Banques et Etablissements Financiers respectent déjà le seuil du capital social minimum. La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA, tenue à Bamako le 20 février 2010, a décidé que tout soit mis en œuvre pour conformer les Etablissements de Crédit à la nouvelle norme de capital minimum. Dans ces conditions, il n’existe pas d’autre choix pour les banques maliennes que de prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour assurer le respect effectif de cette norme au 31 décembre 2010. Cette exigence revêt un caractère particulier pour les banques maliennes, car il faut rappeler que c’est le Président de la République du Mali, son Excellence Amadou Toumani qui assure la Présidence de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA. A ce titre, les banques maliennes doivent donner le bon exemple.

Avez-vous un appel à lancer en direction des banques, des pouvoirs publics et, d’une manière générale, des Maliens ?

Je voudrais particulièrement insister auprès des Banques et Etablissements Financiers pour qu’ensemble nous mettions la profession bancaire et financière au service du développement économique du Mali. Cette situation nécessite plus d’engagement, de détermination et d’écoute afin d’apporter les réponses appropriées à la couverture des besoins de financement de l’économie malienne, et surtout des petites et moyennes entreprises.

Je voudrais, au nom de toute la profession bancaire et financière du Mali, remercier très sincèrement le Président de la République, Son Excellence Amadou Toumani TOURE, pour son soutien et son accompagnement aux Banques et Etablissements Financiers de notre pays. En effet, nous reconnaissons et sommes fiers des actions entreprises par le Chef de l’Etat pour conduire avec succès la privatisation de la BIM-sa. De même, nous apprécions et sommes fiers des actions en cours du Chef de l’Etat pour la restructuration de la BHM-sa.

Les relations entre les Banques et Etablissements Financiers du Mali et le Gouvernement sont excellentes. Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, a répondu à toutes nos sollicitations. Sa disponibilité et son engagement, notamment dans le traitement des impayés des Banques méritent d’être salués. Avec le Ministre de l’Economie et des Finances et le Ministre Délégué en charge du Budget, les relations s’exercent au jour le jour dans un cadre de dialogue, de concertation et de partenariat.

Aux Maliennes et aux Maliens, je voudrais leur dire que les Banques et Etablissements sont à leur disposition et à leur écoute. Des actions et innovations sont en cours pour faciliter les opérations bancaires (agences bancaires de proximité, guichets automatiques de banque, centrale des incidents de paiement). Enfin, je voudrais demander à la clientèle bancaire plus d’indulgence et de compréhension pour les éventuelsdésagréments causés dans l’exécution des opérations bancaires.

Interview réalisée par Yaya SIDIBE

 

 

 

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