Les pistes privilégiées pour contourner les sanctions imposées à notre pays par l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sont abordées dans cette interview par le vice-président du Collectif pour la refondation du Mali (Corema). Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun jette également son regard sur la situation sociopolitique du Mali
L’Essor : Pouvez-vous nous présenter le Collectif pour la refondation du Mali?
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun : À la base, il y a une vingtaine de membres du Conseil national de Transition (CNT), des mouvements, associations et des partis politiques qui ont décidé de manifester leur désaccord avec le traité de coopération militaire avec la France. On avait estimé bien avant, avec notre gouvernement de Transition, que ce traité devait être adapté au contexte et aux besoins réels des Maliens.
C’était cela, dans un premier temps, notre combat. Nous estimons que ce traité ne reflétait pas nos réalités et n’apportait pas vraiment la sécurité à notre pays. Après avoir mené cette lutte, nous avons décidé d’inscrire notre action dans le long terme. C’est ainsi que le Corema a été créé. Plus de 300 associations, mouvements, partis politiques sont fondateurs de ce collectif. Notre objectif, c’est créer toute la légitimité nécessaire pour que nos réformes ne souffrent d’aucune contestation et qu’elles puissent vraiment réussir dans l’intérêt et les attentes des Maliens.
L’Essor : Quelle est votre lecture sur la situation sociopolitique du Mali après 18 mois de Transition?
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun : C’est un choix du peuple qui a fait que nous sommes dans cette Transition. C’est un choix courageux du peuple malien qui a décidé de prendre son destin en main et de sauver le Mali qui était pratiquement menacé de disparition. Cela, à cause de la mauvaise gestion de plusieurs décennies, de déficit démocratique, de mauvaise gouvernance, de tripatouillages d’élections. S’y ajoute la mauvaise gestion de notre arsenal militaire. Cette Transition est une phase exceptionnelle dans laquelle nous devons tout corriger et mettre le pays sur les rails et aboutir à des réformes qui reflètent les attentes des Maliens.
Cela ne peut se faire sans sacrifices. Aujourd’hui, le peuple malien tout comme ceux qui nous gouvernent, sont conscients du choix fait. Ce choix n’a pas que des amis et des militants. Donc, le principal acteur de ce changement, c’est le peuple malien. Cependant, d’autres avec des agendas exogènes peuvent trouver ce choix en contradiction avec leurs intérêts qui, souvent, ne se conjuguent pas avec ceux du peuple malien. C’est cela aussi la réalité et les difficultés de cette Transition. Mais, c’est le choix que nous avons fait, il est de notre devoir de l’assumer et d’avancer pour que notre pays retrouve sa place d’antan.
L’Essor : Depuis le 9 janvier dernier, le Mali subit des sanctions de l’Uemoa et de la Cedeao. Quelles solutions proposez-vous par la sortie de crise ?
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun : Déjà, au lendemain de ces sanctions ,notre gouvernement a pris un certain nombre de mesures qu’on a appelées plan de riposte. Ce plan de riposte est pluridisciplinaire, touchant pratiquement à tous les secteurs qui intéressent la vie de notre pays et de notre population. Ce plan de riposte est en train d’être mis en oeuvre. En première ligne de ce plan, c’est le renforcement de nos capacités en matière de défense et de sécurité. C’est aussi le renforcement de notre coopération bilatérale dans les domaines économique et commercial.
C’est vrai, ces sanctions nous ont sevrés d’un certain nombre de choses, mais ce que les dirigeants de la Cedeao ne savent pas, c’est que le peuple malien est déterminé à prendre le temps qu’il faut pour développer des alternatives à ces sanctions. à travers ces sanctions, la Cedeao a aussi fait du mal à d’autres pays de l’organisation qui souffrent plus aujourd’hui que le Mali.
Le peuple malien a fait un choix qui n’est pas négociable : c’est de retrouver sa dignité, c’est d’imposer le respect et retrouver sa souveraineté, garantir l’intégrité de son territoire. Nous espérons tout simplement que la Cedeao va comprendre qu’après Dieu, la souveraineté appartient au peuple. Elle doit sortir un peu de ce qui n’est plus à démontrer : elle n’est ni plus, ni moins que la caisse de résonnance de la politique française.
Faire cela avec le Mali, ce serait se tromper, parce que les Maliens n’accepteront plus d’invectives, ni d’injonctions, ni d’interférences pour tout ce qui concerne nos choix souverains et de dignité pour notre pays.
Nos populations font également l’objet de pression par rapport à beaucoup d’intoxication de ces sanctions, par rapport aux missions militaires sur le terrain, exactions par ci, exactions par là. Nous comprenons, les médias vont continuer à dire ce qu’ils veulent dire au gré des intérêts de ceux qui les font travailler.
Ce qui est important, c’est qu’aujourd’hui le peuple malien a fait son choix et notre armée est républicaine, respectueuse des droits de l’Homme. Elle se bat tous les jours pour protéger ses populations afin qu’elles retrouvent leur joie d’antan.
Propos recueillis par
Massa SIDIBÉ