Mohamed Kéïta, Directeur du Bureau d’Expertise, d’Evaluation et de Certification des Diamants Bruts (BEEC) : « Le Mali dispose d’un potentiel appréciable en diamant »

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Nous vous proposons en exclusivité cet important entretien que le Directeur du Bureau d’Expertise, d’Evaluation et de Certification des diamants bruts, Mohamed Kéïta, a bien voulu nous accorder.

 

M. le Directeur, pouvez-vous présenter succinctement votre structure à nos lecteurs ?

L’étape essentielle de notre adhésion au Schéma de Certification du Processus de Kimberley consistait en la mise en place d’un dispositif institutionnel permettant de suivre et de mettre en œuvre le Processus.

 

En matière de réglementation, le Gouvernement a adopté, le 25 novembre 2013, le décret portant réglementation de la collecte et de la commercialisation du diamant suivant le Processus de Kimberley (N°2013-930/P-RM).

 

 

En application de la réglementation, il a été mis en place un organe spécialisé, appelé  Bureau d’Expertise, d’Evaluation et de Certification des diamants bruts (BEEC) qui est chargé  d’effectuer le contrôle  des exportations et importations et de délivrer le Certificat du Processus de Kimberley.

 

Il est, en outre, chargé de la tenue des statistiques, du suivi des transactions financières et de la lutte contre la fraude et la contrebande.

 

Le Bureau d’Expertise, d’Evaluation et de Certification joue donc un rôle clé permettant d’assurer l’intégrité de l’ensemble de la chaîne de contrôles. Il comporte dans ses organes de délibération des représentants des secteurs privé et public.

 

 

Il est apparu nécessaire, à l’instar d’autres pays participants au Processus comme le Congo, de rattacher le Bureau d’Expertise, d’Evaluation et de Certification des diamants bruts au Secrétariat Général du Ministère des Mines. Car :

–          ce rattachement institutionnel pourra lui permettre d’accéder aux ressources du Budget de l’Etat, en attendant qu’il perçoive ses recettes propres et les redevances lui permettant de faire face à ses frais de fonctionnement ;

–          face à l’accusation dont notre pays fait l’objet par rapport aux diamants de la Côte d’Ivoire, le meilleur rempart semble être la prise en main par l’Etat du contrôle des activités de délivrance des certificats pour démontrer notre volonté de participer fermement et activement à la lutte contre le trafic des diamants de guerre d’où qu’ils proviennent ;

 

les seuls spécialistes en matière d’expertise et d’évaluation des pierres précieuses travaillent dans les structures de l’Etat, ils devront donc accompagner les premiers pas de la structure ;

–          à l’heure actuelle, la filière d’exportation du diamant est très peu organisée, même si le Mali constitue le pays de résidence de certains grands négociants en diamant.

Il n’est pas exclu qu’à l’avenir la Direction du Bureau soit transférée entièrement au secteur privé.

 

Il faut signaler que dans le dispositif du contrôle des exportations et importations et de la lutte contre la fraude, interviendront les services des douanes, de la sécurité aux frontières, ce qui justifie leur présence au niveau de l’organe délibérant du Bureau d’Expertise, d’Evaluation et de la Certification à côté des représentants du secteur privé.

 

Ces services, informés des exigences du processus de Kimberley, vont jouer un rôle formel dans les procédures de contrôle et d’émission de certificats du Processus de Kimberley.

 

 

Pouvez-vous nous faire un bilan succinct des activités que votre structure a eu à mener ?

Depuis sa création, le Bureau s’est consacré à la réalisation des activités inscrites au Programme d’actions du Ministère des Mines à savoir :

–          l’installation du Bureau dans ses locaux actuels (à titre provisoire) ;

–          la recherche de nouveaux locaux pour abriter les services du BEEC ;

–          la recherche de financement pour la mise en place d’un laboratoire de contrôle et d’expertise des diamants bruts ;

–          la concrétisation de l’adhésion du Mali au Processus de Kimberley, intervenue en Novembre 2013 ;

–          des opérations de sensibilisation et d’information des acteurs de Kéniéba, Kangaba et Yanfolila qui constituent des zones potentiellement favorables à l’exploitation artisanale des diamants (la partie consacrée à la zone de Kéniéba a déjà été réalisée) ;

–          la conception et l’élaboration  du Certificat malien du Processus de Kimberley, dont la procédure de commande est en cours.

 

 

 Peut-on avoir une idée sur le potentiel du Mali en diamant ?

 Le Mali possède un potentiel diamantifère certain, confirmé par des découvertes fréquentes de diamants par des exploitants artisanaux d’or (orpailleurs) dans les zones minières de Kéniéba.

La majorité des découvertes de diamant a été faite, de manière fortuite, par les orpailleurs

 

Des travaux de recherche géologique et minière à Kayes et Sikasso ont confirmé l’existence d’un réel potentiel diamantifère

 

Vingt (20) indices géologiques appelés « pipes » confirment davantage les potentialités diamantifères du Mali, qui ont été évaluées en ressources primaires et alluvionnaires

 

Ainsi, le Mali dispose d’un potentiel appréciable en diamant avec :
– 583 598 carats dans les gisements primaires ;
– 1 775 733 carats dans les gisements alluvionnaires.
Nous pouvons affirmer que les districts miniers de Kéniéba, Kangaba et Yanfolila renferment du diamant. Les zones de Sikasso et Kidal sont perspectives et méritent de faire l’objet de travaux assez consistants.

 

Quelle est, à l’heure actuelle, la situation de la recherche ?

Des permis de recherche pour le diamant ont été délivrés à des sociétés minières parmi lesquels seuls deux permis de recherche sont actifs : le permis d’Africa Resources et celui de la Société ABDIAM sur lesquels, des activités de recherche sont régulièrement menées.

 

 

Quelles retombées le Mali peut-il attendre de son adhésion  au Processus de Kimberly ?

Le  Schéma de Certification du Processus de Kimberley, appelé couramment Processus de Kimberley, est un régime international de certification de diamants bruts qui réunit Gouvernements et Industriels dans l’optique d’éviter que les recettes émanant du commerce des pierres précieuses ne soient utilisées pour financer les activités militaires de groupes rebelles.

 

Ce processus est le résultat de discussions ayant débuté en mai 2000 à Kimberley, en Afrique du Sud, ville où le premier diamant (appelé Eureka) a été découvert en 1867 dans une ville du nom de Hopetown, à 120  Km au sud de Kimberley.

 

L’accord établissant le Processus a été signé le 1er janvier 2003 par le Canada, les Etats Unis, les pays de l’Union Européenne et plusieurs autres pays, africains et asiatiques.

 

 

La mise en place du Processus fait suite à l’adoption et à l’application en 1998, d’une Résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui interdisait, entre autres mesures, l’exportation illégale directe ou indirecte de diamants Angolais, non accompagnés d’un certificat d’origine émis par le Gouvernement d’Angola.

 

Le système de Certification du Processus de Kimberley est par essence un régime de contrôle des importations et des exportations de diamants bruts. Chaque lot de diamants bruts importé ou exporté doit être accompagné par un Certificat du Processus de Kimberley.

 

Le Certificat est délivré par le Gouvernement et imprimé sur du papier filigrané infalsifiable. Il contient les informations sur l’autorité émettrice, un numéro de certificat unique contenant le code du pays, les renseignements sur l’exportateur et l’importateur, le pays d’origine et le pays de provenance, le poids (carats) et la valeur (US$) et la date de délivrance et celle d’expiration.

 

Seuls les lots à destination ou en provenance des pays participants au Processus de Kimberley seront autorisés. Aucun lot de diamants bruts ne sera autorisé en provenance des pays non-participants. De même, les exportations à destination des pays non-participants ne seront plus autorisées.

 

Suite aux actions menées par l’ONG GLOBAL WITNESS, le principe fut étendu à tous les pays producteurs de diamant où sévissaient des conflits armés, à travers une campagne de presse visant à empêcher le financement des conflits en Afrique par le commerce de diamants.

 

Les retombées que le Mali peut attendre de son adhésion au Processus de Kimberley peuvent se résumer  ainsi :

–          démontrer la volonté du pays à appliquer les principes de bonne gouvernance en matière de recherche, d’exploitation et de commercialisation des substances minérales ;

–          participer à la lutte engagée par la Communauté internationale contre le financement des activités criminelles par la vente des diamants bruts ou « diamants de sang » ;

–          obtenir des apports financiers pour le budget national, à travers la taxation officielle des diamants bruts, à l’exportation.

 

 Quels sont vos projets à court, moyen et long termes ?

Les projets à court, moyen et long terme du Bureau sont ceux inscrits au Programme d’actions du Ministère des Mines.

En effet, suite à notre adhésion au Processus, certaines mesures doivent être prises par l’Etat dont :

–          la poursuite du recensement des artisans miniers impliqués dans l’exploitation des diamants bruts ;

–          la mise à la disposition du marché et des autres pays membres du Certificat du Mali dont le modèle a été approuvé par le Processus de Kimberley ;

–          la poursuite des opérations de sensibilisation auprès de tous les acteurs du sous-secteur du diamant ;

–          la dotation du Bureau d’Expertise, d’Evaluation et de Certification des diamants bruts en matériel et équipements d’expertise et de contrôle des diamants bruts ;

–          la formation de spécialistes en matière de contrôle et d’expertise des diamants bruts et sur les modalités et procédures de mise en œuvre du Processus de Kimberley.

 

Propos recueillis par Yaya Sidibé

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