Premier fonds d’investissement à impact au Mali, Zira Capital se positionne pour révolutionner le financement des petites et moyennes entreprises en proposant des solutions plus adéquates. Un capital-risque correspond-il à la structure de l’économie malienne ? Son directeur général, Mohamed Kéita, dans cette interview, répond à la question. Il parle aussi des critères de sélection et les domaines prioritaires du fonds.
Mali Tribune : Pourquoi le premier fonds d’investissement au Mali a choisi le nom Zira ?
Mohamed Kéita : On a pris le nom Zira pour faire l’analogie avec le fruit du baobab. Le nom nous a juste inspirés parce qu’on sait que ce fruit est connu pour ses vertus énergétiques revitalisantes. Nous avons l’ambition de faire de même pour les PME, les booster, les revitaliser.
Tribune : Pensez-vous que le capital-risque correspond à la structure de l’économie malienne?
M K. : Oui, nous le pensons. Surtout pour une entreprise malienne qui souhaite, par exemple, financer des équipements. Généralement, les équipements pour une entreprise qui est dans la production, il faut les importer, soit les acheter en Turquie, Chine ou Allemagne…
Vous avez déjà ce temps où il faut trouver un fournisseur, négocier, acheminer la machine, la tester et ensuite commencer à produire. Banalement, ce cycle peut prendre plusieurs mois, sinon plus d’une année dans certains cas. Si vous financez ce type d’investissement avec de la dette, la banque ne va pas attendre que vous fassiez tout cela. Une banque ne va pas dépasser trois mois de différé. Ce type d’investissement n’est pas adapté pour un tel projet parce que la machine qui est censée rembourser le prêt n’est pas encore entrée en production.
C’est là où on a tout notre sens. Nous finançons avec du capital. On augmente les fonds propres. L’entrepreneur sait que cet argent est là pour plusieurs années. On ne demande pas le remboursement en réalité parce que ces ressources sont injectées dans la société. On ne sera rémunéré qu’au moment où on va sortir du projet.
Nos parts seront cédées. Le promoteur lui-même peut les racheter avec une marge qui est définie à l’avance ou par d’autres investisseurs. Voilà comment cela fonctionne. Nous avons remarqué que beaucoup de PME sont justement en attente de ce type d’instrument pour financer leurs business.
Mali Tribune : Combien d’entreprises pourriez-vous accompagner en une année?M K. : Nous pourrions accompagner au maximum trois entreprises en raison de nos critères de sélection élevés.
Mali Tribune : Lesquels ?
M K. : La sélection des entreprises ou projets dans lesquels Zira investit est rigoureuse. Nous privilégions ceux qui ont un fort potentiel d’impact positif, avec une évaluation des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) des entreprises cibles.
Mali Tribune : Votre thèse d’impact ESG implique quoi concrètement ?
M K. : C’est important. E c’est pour l’environnement. S pour le social et G pour la gouvernance.
Ça veut dire que les entreprises que nous accompagnons doivent être dans une démarche de préservation et de protection de notre environnement. Le sujet du dérèglement climatique est d’actualité. Nous pensons qu’une entreprise doit aussi être redevable sur ce sujet.
Le social pour la dimension création d’emploi. La création d’emploi est aussi au cœur de nos attentes. Les entreprises que nous accompagnons, il faut qu’elles soient capables de créer de nouveaux emplois de qualité qui donnent droit à l’INPS, Amo et avec des vrais contrats.
La formalisation c’est la clé. Une entreprise que nous accompagnons doit respecter les lois maliennes, payer ses impôts et cotisations sociales. Ce sont des sujets de gouvernance sur lesquels nous accompagnons les PME.
Mali Tribune : Quels sont les domaines que vous allez privilégier ?
M K. : Les domaines privilégiés, c’est essentiellement tout ce qui va toucher à l’agroalimentaire, la santé, l’éducation.
Vous remarquerez que notre premier investissement est dans ce dernier secteur. Nous pensons que les Maliens ont besoin d’un être mieux formés et que l’Etat peine à offrir des capacités d’accueil. Il faut donc accompagner les acteurs sérieux privés qui évoluent dans ce domaine.
Tout ce qui touche à l’énergie est prioritaire pour nous également. Ce sont autant de secteurs qui sont fondamentalement liés au besoin de l’économie malienne que nous privilégions.
Mali Tribune : En dehors de vos domaines d’intervention, qu’est-ce que l’Etat peut faire pour booster l’entrepreneuriat au Mali ?
M K. : Beaucoup de choses. Soutenir par exemple des dispositifs similaires à Zira Capital en incitant des acteurs maliens qui ont des ressources financières importantes à investir dans les véhicules d’investissement. On peut les encourager en mettant en place des facilités fiscales par exemple.
L’Etat peut aussi d’avantage améliorer le cadre réglementaire dans lequel les entreprises se créent. Le sujet de la fiscalité revient souvent parce qu’une petite entreprise va payer proportionnellement les mêmes impôts qu’une entreprise qui a 50 ans par exemple.
C’est autant de sujets sur lesquels l’Etat peut travailler, et surtout améliorer le climat des affaires de sorte qu’on puisse attirer davantage d’investissements pour développer notre pays. Pour améliorer le climat des affaires c’est le cadre règlementaire, mais aussi les infrastructures, l’internet, le réseau télécom partout et de l’énergie avec de la qualité.
Propos recueillis par
Kadiatou Mouyi Doumbia
ZIRA CAPITAL:
Un adjuvant pour les PME
Un fonds d’investissement. C’est le chainon manquant à notre système économique. Un vide que Zira capital vient combler.
Un fonds d’investissement est une entité financière qui regroupe les fonds de plusieurs investisseurs individuels ou institutionnels pour les investir dans divers actifs financiers tels que des actions, des obligations, des matières premières ou des biens immobiliers.
Les fonds d’investissement offrent aux investisseurs la possibilité de diversifier leurs portefeuilles, de profiter de l’expertise des gestionnaires de fonds et de bénéficier d’économies d’échelle en investissant collectivement des montants plus importants.
Avec un fonds d’investissement de plus 1 milliard disponible, Zira Capital est la première structure d’investissement dédié au financement et à l’accompagnement des PME au Mali, a fait savoir son DG-cofondateur, Mohamed Kéita. “Zira capital investit entre 50 et 300 millions de F CFA par projet que nous accompagnons. C’est le mandat que nous ont donné nos actionnaires”, a-t-il ajouté.
Pour faire cet investissement en capital et financement d’amorçage, Zira Capital est soutenu par des partenaires comme la BNDA, la Sonavie, Investisseurs & Partenaires et des bailleurs maliens et étrangers tels que Mossadeck Bally, Madani Diallo, Paul Derreumaux, entre autres.
“Il n’y a pas de dépôt de garantie pour débloquer un fonds chez Zira Capital. Pour nous, la garantie, c’est le promoteur que nous accompagnons”, le DG dixit, rappelant que les critères sont minutieusement sélectifs. “Pas d’hypothèque, pas de fonds de nantissements”, assurera-t-il. Après investissement dans une entreprise, au bout de 5 à 6 ans, Zira Capital cède ses actions en priorisant l’entrepreneur à la cession.
Plusieurs témoignages ont confirmé les propos du DG Mohamed Kéita à savoir, le banquier Paul Derreumaux et Gaoussou Mariko de Gama-Conseils. Gama-Conseils a bénéficié d’un appui de Zira Capital en fonds d’amorçage appelé prêt d’honneur, sans garantie ni taux d’intérêt, remboursable en deux ans. Le prêt s’élevait à 100 millions F CFA. Zira Capital a financé une dizaine d’entreprises maliennes, selon le DG-cofondateur.
“Zira Capital est une opportunité pour les petites et moyennes entreprises (PME), mais aussi les riches maliens“, a dit Madani Diallo, l’un des actionnaires du groupe. Il invitera les Maliens de la diaspora à investir dans les fonds comme Zira Capital. “Cela fructifiera notre argent, aidera les entreprises maliennes et développera notre pays. Au lieu d’investir dans le béton”, conseillera-t-il.
Koureichy Cissé