Mohamed Gakou est à Bobo-Dioulasso. Traqué au nord Mali, ce journaliste malien s’est retrouvé dans la paisible cité de Sya malgré lui. Une semaine durant, il a dû supporter les péripéties de son départ chaotique de Tombouctou en passant par Ouagadougou avant d’avoir « un pied-à-terre ». Avant son départ pour Bamako, il a bien voulu nous accorder une interview.
Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis Mohamed Gakou, journaliste, correspondant de l’agence malienne de presse et de publicité (AMAP) à Gourma Rharous dans la région de Tombouctou.
Quel motif vous amène à Bobo-Dioulasso ?
J’étais en service au Nord Mali. Comme tous les autres journalistes qui exerçaient dans ces régions, j’ai été contraint de quitter les lieux suite aux tracasseries consécutives à l’occupation du Nord-Mali par les islamistes. L’atmosphère est devenue de plus en plus invivable et les journalistes sont considérés des persona non grata.
Quel a été votre itinéraire ?
Cela n’a pas été facile. Il fallait quitter Tombouctou si je tenais à ma vie. J’ai traversé la frontière à partir de Ferério, localité située non loin de la commune de Gossi, au Mali. De Ferério, je suis entré à Gorom-Gorom pour rejoindre Ouagadougou, puis Bobo-Dioulasso. A pied et en véhicule. Je suis arrivé à Bobo-Dioulasso mercredi. Sur mon itinéraire, j’ai rencontré de bonnes âmes qui m’ont aidé, notamment Mr Kani Mountamou, le rédacteur en chef de L’Express du Faso et toute son équipe qui m’ont chaleureusement accueilli.
Comment avez-vous vécu la crise ?
Je l’ai vécu dans ma chair, dans mon âme et dans mon cœur. Etant journaliste, nous avons bien entendu, l’obligation de rapporter la vraie information. Mais je me suis retrouvé dans une situation qui ne favorisait pas cette option. Ainsi, j’ai été victime de plusieurs exactions, notamment, l’enlèvement de mon matériel de travail par les éléments du MNLA. J’étais considéré comme un danger potentiel, à cause de mes opinions.
Peut-on savoir pourquoi les journalistes sont considérés comme des bêtes noires par les occupants de Kidal, Tombouctou et Gao ?
Les journalistes sont en effet perçus comme les défenseurs de la laïcité mais aussi comme ceux qui militent pour l’intégrité du territoire national aussi bien par les islamistes que par les sécessionnistes du MNLA. Les journalistes sont menacés et brutalisés, chaque fois qu’ils osent s’exprimer objectivement. Beaucoup en ont fait les frais d’ailleurs. Nous sommes souvent obligés de cacher notre identité pour échapper à leur furie.
Y-a-t-il toujours des journalistes à Tombouctou ?
Ils peuvent être comptés sur le bout des doigts. Les conditions de travail sont pénibles. Les journalistes des médias internationaux sont moins en danger que les locaux, car moins imprégnés de ce qui se passe réellement sur le terrain. Il faut avouer que les occupants préfèrent mieux la couverture de leurs actes par les médias internationaux. Ils prennent cela pour de la pub. Ils sont mieux traités en conséquence.
Selon vous, où se trouve le problème ? A Bamako ou dans le Nord ?
(Rires)… Il y a une crise institutionnelle à Bamako à laquelle il faut remédier d’abord. La réconciliation des cœurs et des esprits demeure la priorité. Car sans cela, les Maliens ne pourront rien construire ou consolider. Je profite de l’occasion pour louer l’action du président burkinabè M. Blaise Compaoré et celui de son ministre des Affaires étrangères, Mr Bassolé pour tout ce qu’ils entreprennent afin que le Mali retrouve la paix et son intégrité territoriale.
Êtes-vous pour où contre une intervention militaire ?
Depuis le début de l’occupation jusque là, il y a eu des négociations à différents niveaux…mais pour quels résultats ? Mais comme le dit l’autre : « Qui veut la paix, prépare la guerre »…Que la communauté internationale sache que les populations du Nord Mali sont en train de vivre un véritable enfer.
Interview réalisée par Bassératou KINDO
L’Express du Faso / vendredi 12 octobre 2012