Mohamed Ag Erlaf sur RFI

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Dans une interview exclusive accordée à notre confrère RFI, le Coordinateur du Programme pour la Paix, la Sécurité et le Développement au Nord-Mali (PSPSDN), Mohamed Ag Erlaf explique les enjeux dudit Programme et s’appesantit sur la stratégie malienne de lutte contre AQMI.

Le Mali a souvent donné l’impression de ne pas s’investir suffisamment dans la lutte contre AQMI, la branche d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique. Est-ce que le Programme pour la Paix, la Sécurité et le Développement au Nord-Mali est une réponse pour effacer cette impression ?

Mohamed Ag Erlaf : Tout d’abord, je pense que ce n’est pas une impression. Le Mali, depuis deux ans sur le terrain aussi bien que sur le champ diplomatique, est en train de lutter contre le terrorisme et la grande criminalité dans sa partie nord. Peut-être que ces actions sont discrètes, mais elles sont réelles. Et je pense qu’elles sont sur la voie de l’efficacité.

 Concrètement, quel impact a ce programme ?

Concrètement, je crois qu’il y a en termes de création d’emplois et de création de richesses locales, les gestions immédiates d’environ 7 milliards de FCFA seront captées par la population locale et les entreprises locales. Il y a aussi un très vaste programme de communication qui permettra de sensibiliser les populations sur les vulnérabilités des zones, les menaces qui pourraient constituer un certain nombre de facteurs dont le facteur AQMI sur le développement local.

 On dit qu’AQMI recrute ou utilise une jeunesse qui est souvent désœuvrée, sans emploi, qu’est-ce vous allez faire concrètement avec ce plan pour empêcher cela ?  

Le plan va financer les activités génératrices d’emploi pour les jeunes. En plus de la main d’œuvre, les non qualifiés seront sur les différents chantiers. Je pense que c’est la seule alternative pour la jeunesse qui n’est pas qualifiée. Il va de soi que si on ne lui offre pas d’autres perspectives que de s’affilier à AQMI ou à des trafiquants de drogue, elle irait vers là où elle espère avoir des ressources pour pouvoir vivre. Donc, les actions de développement sont la garantie, peut-être à terme, de la pacification du Nord.

 Vous disiez que le Mali menait des opérations discrètes et l’armée malienne  a déjà déployé des unités pour renforcer ses capacités dans les zones du Nord. Mais, sur les actions d’AQMI, on ne voit que très peu de résultat pour ne pas dire Zéro  résultat.

Je pense que l’action du Mali est moins spectaculaire que certaines actions qu’on a vues sur le terrain récemment  et je pense aussi que nous gagnerons en efficacité si la stratégie est appliquée correctement.

 Quelle est la stratégie ?

La stratégie consiste d’abord à se rapprocher de la zone de menace et à se mettre dans une position d’intervention à long terme et non pas des petits accrochages ou des petites missions.

 Pourquoi l’armée malienne aujourd’hui ne se bat-elle pas comme l’armée mauritanienne qui, elle est très offensive  contre les combattants d’AQMI?

Le caractère offensif de l’armée mauritanienne est peut-être plus visible que celui de l’armée malienne, sinon les dernières opérations ont été faites sous le commandement malien.

 Lorsque les hommes d’AQMI se promènent un peu partout et même à l’Ouest, on l’a vu récemment dans la forêt de Ouagadou, l’armée mauritanienne les a attaqués en juin dernier et on dit qu’ils seraient à nouveau  revenu dans cette zone. Alors, que font les militaires maliens ?

 L’opération de la forêt de Ouagadou est commandée par l’armée malienne qui a participé et elle continue à lutter suivant sa propre stratégie contre le phénomène.

 Est- ce qu’il n’y a pas un manque de détermination et de conviction pour mener cette lutte contre le terrorisme islamique ?

Je crois qu’on peut accuser le Mali de tout, sauf sa volonté politique d’entrer dans un système cohérent de lutte contre le terrorisme. La politique nationale consiste à occuper le terrain et à se rapprocher le plus près possible des menaces et non pas le faire périodiquement par un grand redéploiement des troupes qui ne tient pas plus de quinze jours sur le terrain. Peut-être c’est ça l’erreur du Mali d’avoir une stratégie différente, d’une approche différente. 

 Que répondez- vous à ces témoignages d’habitants des zones du Nord qui disent par exemple que lorsqu’il y a des gangs de narcotrafiquants qui s’affrontent, le poste occupé par les militaires malien qui n’est pas loin, ne bouge pas.

D’abord, je ne crois pas à ces genres d’assertions parce qu’en général, ces bandes de narcotrafiquants s’éloignent des postes et il n’est pas possible que des citoyens s’affrontent tout près d’un poste et que celui-ci n’intervient pas.

 On a vu au moment de cette affaire, ce fameux Avion  chargé de cocaïne atterrir à Bourhem dans la région de Gao au nez et à la barre des autorités, tout de même !

La région de Gao, c’est à combien de kilomètres de Gao ?  La stratégie actuelle consiste à occuper le sol de manière à ce que plus jamais un autre avion ne puisse atterrir sans qu’une administration d’Etat ne soit au courant. Je dis qu’il faut réoccuper le sol et comme vous le savez, depuis le Pacte national, cette zone a été démilitarisée et entendez par démilitarisation, le retrait de tous les services de sécurité. Ce qui fait qu’aujourd’hui son contrôle devient difficile après vingt ans d’absence.

Source RFI        

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