Nous sommes déjà à six mois de la transition et les choses bougent timidement alors que les Maliens ont soif du changement, changement de gouvernance, de sécurité, changement au sein du panier de la ménagère. Avec la vie chère qui est décriée aujourd’hui, les Maliens croisent le fer avec le quotidien. Après six mois d’exercice du pouvoir quels sont les acquis ? Dans ces conditions sociopolitiques, économiques et sécuritaires, pourrions-nous organiser des élections libres et transparentes ? Mohamed Ag Assory, analyste et fondateur de Tidass Stratégie Consulting, livre son analyse.
Mali-Tribune : Quels sont les acquis de la transition après six mois d’exercice du pouvoir ?
Mohamed Ag Assory : La transition continue son petit bonhomme de chemin jusque-là il n’y a pas assez de lisibilité. Nous sommes à six mois, mais il y a un mois que nous avons eu les grandes lignes qui ont été présentées dans la feuille de route du Plan d’action du gouvernement de transition. Ce sont vraiment des objectifs très ambitieux, mais qui sont vraiment irréalistes au vue de la situation politique, économique, sécuritaire et sociale. Pour nous, les différents acquis sont uniquement la mise en place des différents organes pas plus pas moins les autres problèmes demeurent de mise.
Mali-Tribune : Pourrions-nous organiser des élections libres et transparentes dans ces conditions d’insécurité et de cacophonie politique ?
M.A. A.: Il sera très difficile d’organiser des élections dans ces contextes, surtout qu’il n’y a pas de consensus politique au sein de la société civile. Le dialogue initié par les autorités bien qu’ayons débuté, n’a pas encore débouché sur un consensus. C’est ce consensus là qu’il faut pour aller aux élections, il sera très difficile d’aller à des élections en ayant la même situation sécuritaire, qui elle ne bouge pas. La menace qui était plus au Nord du pays il y a quelques années est au Centre, cette menace se tend au Sud. Pourrions-nous avoir des élections transparentes dans ces conditions ? Je ne crois pas.
Mali-Tribune : Issa Kaou Djim, 4e vice-président du CNT, beau-fils de l’Imam Mahamoud Dicko appelle à la candidature du Vice président de la Transition. Que dit la Charte? Est-ce que M. Djim n’est qu’un haut-parleur et derrière lui il y a le micro?
M. A. A.: Les commentaires de Kaou Djim n’engagent que lui. La Charte quant à elle est chaire, aucun des chefs d’Institutions n’est éligible et tout ce qui concerne la candidature de ceux-ci n’est pas susceptible d’être révisé.
Mali-Tribune : Après huit ans de bataille judiciaire, le procès d’Amadou Haya Sanogo a pris fin. Au nom de la Loi d’entente nationale, les accusés ont recouvré la liberté. La politique a-t-elle pesé dans cette affaire?
M. A. A.: Le dossier d’Amadou Haya Sanogo c’est un dossier complexe, bien vrai que nous sommes en train de brandir la Loi d’entente nationale. Ce dénouement est dû à deux documents : la Loi d’entente nationale qui, on ne sait pas peut s’appliquer. C’est à la justice de le déterminer, il y a un autre document déterminant qui est un accord qui aura été conclu entre le gouvernement et les victimes et c’est ce qui a été déterminant dans se dossier. C’est vraiment un dossier politique.
Mali-Tribune : Lors d’un rassemblement, l’Imam Dicko a taclé le trio « un président qui est loin de son peuple, un Premier ministre froid et un Vice-président je ne sais quoi ». Quelle analyse faites-vous des propos de l’imam?
M. A. A.: Dicko est un acteur politique. Malgré et bon gré, ses différentes sorties sont faites dans un dessin de s’imposer, de dire que je suis là que la transition ne peut pas continuer à se faire sans moi.
Mali-Tribune : Le mandat du patron de la mission Onusienne au Mali s’achève en avril. Que retenez-vous de lui ? Quel bilan faites-vous des 5 ans de Mahamat Saleh Annadif à la tête de la Minusma ?
M.A. A. : Globalement Mahamat Saleh Annadif finit sa mission, il est important de souligner que depuis le déploiement de la Minusma, il a été le représentant spécial avec le plus long mandat et c’est quelque chose qui est très important. Connaissant un peu le rôle du Tchad dans cette mission, un nouveau souffle a été donné à la diplomatie militaire tchadienne dans le Sahel. Mais au-delà de cette situation, M. Annadif a été quelqu’un qui a marqué son passage au Mali. Nous retenons de lui quelqu’un qui a d’excellente qualité humaine et très ouvert et accessible. Il discute avec les plus hautes autorités qu’avec les communautés locales, il n’hésite pas de prendre son avion et aller dans les zones les plus compliquées notamment au Centre et au Nord du Pays nous l’avons vu sur tous les fronts.
Annadif a réussi quand même à être à la fois dans les hauts panels de discussion et dans les hautes sphères diplomatiques. C’est un peu ça la marque d’Annadif. J’ai été quand même un peu impressionné par son franc-parler. Mais maintenant la réalité est la complexité de la situation malienne, c’est un peu aussi l’inadéquation d’une mission de maintien de la paix dans le contexte malien parce que les missions de maintien de la paix c’est plutôt pour les conflits politiques qui ont une base politique comme la rébellion, la guerre civile et autre. Mais dans notre contexte avec le terrorisme c’est vraiment très difficile pour la mission et l’immensité du territoire, les défis logistiques… Mais Annadif quand à lui a essayé de faire bouger les lignes. N’eut été le rôle déterminant de la Minusma sous son leadership beaucoup de questions auraient pu mettre en péril le processus de paix.
Mali-Tribune : Faut-il revoir le mandat de la Minusma qu’il soit plus robuste et mieux adapté aux réalités du terrain?
M. A. A.: Le mandat de la Minusma ne peut-être plus robuste, parce que la robustesse que ce mandat a, découle du chapitre 7. Les missions de maintien de la paix ne sont pas très compatibles avec la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. La présence massive des groupes extrémiste et autres. Donc la mission ne peut jouer son rôle éminemment politique, s’agissant de la protection des civiles la mission essaye d’appuyer les forces de sécurité, mais le mandat ne peut-être robuste qu’il est. Peut-être donner mandat non seulement, mais créer des unités combattantes comme c’est le cas dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) pour combattre, mais là-bas c’est contre les groupes rebelles, ce ne pas contre les groupes terroristes. Je ne crois pas que l’Onu soit dans un état d’esprit de s’investir proprement dans la lutte contre le terrorisme de façon militaire sur le terrain. Le mandat, il est déjà robuste il faudrait plus revoir les nombres d’effectifs et des matériels auprès des pays contributeurs.
Propos recueillis
Ousmane Mahamane
(Stagiaire)