L’Union Patriotique pour la République (URP) a effectué sa retraite politique, le 27 février dernier à Koulikoro pour analyser l’évolution de la situation du pays. Au sortir de cette rencontre, le président du parti, Dr Modibo Soumaré, nous a accordé une interview. Il donne sa vision et critique sévèrement le comportement de certaines personnes aux affaires. Entretien.
Le Challenger : M. le Président, comment se porte l’URP Aujourd’hui ?
Dr Modibo Soumaré : je peux dire sans risque de me tromper que l’URP se porte de plus en plus bien. Le parti reçoit de plus en plus d’adhésions de qualité un peu partout au Mali. Nous sommes en train de travailler justement pour aller vers un grand congrès qui nous permettra de matérialiser cette dynamique en renforçant l’exécutif.
Quelle est la date de ce congrès ?
La retraite politique de Koulikoro a décidé qu’on aille en congrès les 3-4 et 5 juillet 2021.
Parlez-nous des grandes lignes de la retraite politique annuelle tenue le 27 février dernier à Koulikoro ?
Avant cette retraite, il y a eu un comité scientifique qui a eu à travailler sur deux sujets majeurs, à savoir : la vie du parti et l’état de la nation. Les délégués venus de Koutiala, Ségou, Kita, Kolokani, Kéniéba, Fana, et des 6 communes de Bamako et Kati ont échangé sur ces sujets.
Nous avons créé l’école du parti pour travailler justement sur les sujets comme, les valeurs du parti, le patriotisme, le libéralisme, l’humanisme. Y seront formés les militants et même les responsables.
S’agissant de l’état de la nation, nous avons analysé les fondements de la transition. Certes la Charte a été écrite et adoptée par une partie du peuple, mais nous souhaitons la réussite de la transition. Nous avons constaté que la base politique de la transition est très restreinte.
Donc, nous pensons qu’il faille élargir cette base, relire un certain nombre d’accords signés par le pays, notamment l’Accord d’Alger conformément à l’esprit du DNI mais, aussi, les accords miniers qui ne favorisent pas beaucoup l’Etat malien et les populations au niveau des sites miniers un peu partout au Mali.
Nous avons dit aussi que l’éducation devrait être obligatoire et gratuite, de la 1ère à la 9ème année, qu’il y ait un plafonnement des frais de scolarité dans les écoles privées.
Nous estimons que le poste de vice-président semble beaucoup plus être un gadget qu’un élément efficace pour la vie de la nation.
Nous nous sommes dit qu’il faille supprimer ce poste dont personne ne comprend le fonctionnement et donner au colonel Goïta un rôle beaucoup plus actif comme un ministère régalien chargé de la guerre et de l’intégrité territoire.
Nous avons toujours dit l’exemplarité des hommes et des femmes qui dirigent notre pays. Nous avons dit aussi que la mise en place du CNT a été faite en flagrante violation des textes écrits par eux-mêmes. Il y avait une clé de réparation en fonction des forces et regroupements politiques et de la société civile. Le CNT a été mis en place dans une sorte de clientélisme qui exclut une grande partie de la classe politique et de la société civile.
Nous nous sommes dit aussi qu’il faille suspendre la constitution actuelle, s’ils veulent se faciliter la tâche.
Nous sommes d’avis qu’il faut corriger les insuffisances de l’actuelle Charte de la transition. On ne peut pas concomitamment nager entre la charte de la transition et la constitution. Il est évident que si l’on maintient la Charte de la transition, on ne peut pas faire de révision constitutionnelle. Est-ce que le temps nous permet une révision constitutionnelle ? Pour l’URP, il faut passer à une quatrième république. Donc, autant suspendre la constitution et mettre rapidement une Commission pour la rédaction d’une nouvelle constitution. Ou, alors, on va se retrouver dans l’impossibilité même de faire une révision constitutionnelle parce que sans Assemblée nationale, il n’y a point de possibilité de révision constitutionnelle. Et, le CNT n’est pas l’Assemblée nationale. Cela doit être clair dans la tête des Maliens.
Nous sommes pour le désarmement de l’ensemble des groupes armés. Les éléments des milices qui souhaitent peuvent servir au sein de l’Armée. La fonction régalienne de la défense du territoire doit être laissée à l’Armée malienne.
Nous avons aussi évoqué la participation claire de l’URP à l’élection présidentielle à travers, l’ARP.
Nous nous sommes penchés sur le cas des Maliens de l’extérieur. Nous avons constaté que le Consulat du Mali a été saccagé par des compatriotes. Ce sujet, nous l’avons abordé avec beaucoup de tact. Aujourd’hui, il faut se donner le temps pour calmer les esprits et trouver les meilleures solutions.
Nous avons dit qu’il fallait séparer la carte NINA du passeport en attendant. Nous avions imaginé des possibilités qui sont légales sans violer la loi mais aussi sans pénaliser nos compatriotes qui sont parfois partis dans les situations très difficiles en Europe. Il ne faut pas que l’Etat malien soit la source de leurs difficultés en Europe, notamment en France.
Je crois que ce sont les différentes résolutions.
Vous parlez de la suspension de la constitution, est-ce-que cela ne va pas créer un vide juridique aux yeux de nos partenaires ?
Les partenaires savent très bien que ce n’est pas possible d’aller vers une nouvelle constitution pendant la transition. Dans ce cas, il va falloir supprimer du programme de la transition la rédaction d’une nouvelle constitution. Les partenaires doivent savoir que ce n’est pas possible de maintenir l’actuelle constitution et que le Mali se dote d’une nouvelle constitution pendant cette transition. Cette constitution dit clairement qu’on ne peut pas faire une révision constitutionnelle en dehors de l’Assemblée nationale. Pendant cette transition, nous n’avons pas d’Assemblée nationale.
Vous parlez de l’école du parti. C’est une innovation dans la vie politique au Mali, nous constatons….
C’est une école pour les militants et les responsables du parti, mais aussi pour l’ensemble de la population. Les formations seront axées sur : qu’est-ce qu’un parti, une procédure parlementaire, comment rédiger un CV, comment faire une demande, qu’est-ce que l’humanisme, le libéralisme… Pourquoi l’URP a choisi d’être un parti humaniste et libéral…
Ça sera des formations continues au siège du parti et tous les Maliens auront droit à venir au siège du parti pour bénéficier de ces formations.
L’URP a toujours fait des propositions à des pouvoirs en place. Vous n’êtes pas sans savoir que la plupart des décisions du gouvernement de transition sont contestées par la population, que proposez-vous aujourd’hui au pouvoir en place ?
Notre représentant a participé à la dernière rencontre du ministère de l’Administration territoriale. Nous avons constaté que les partis politiques se sentaient marginalisé par la méthode. D’abord, le ministre a proposé un certain nombre d’éléments, dont le non maintien de la mise en place d’un organe unique de gestion des élections. A l’impossible, nul n’est tenu.
Nous avons participé à différentes sessions, notamment avec l’Institut néerlandais pour la démocratie participative et nous avons dit qu’il était souhaitable que les élections soient mieux organisées et qu’il ait un organe unique pour qu’on ne voyage pas entre différents organes.
Peut-être le ministre est de bonne foi. Il dit qu’à l’état actuel des choses, cela est impossible. On n’en fera pas un scandale mais nous souhaitons qu’il ait une bonne organisation des élections et qu’il n’y ait pas de manipulation.
Nous sommes dans une transition. Il est important que les autorités de cette transition se tiennent à une position d’arbitre.
On dit aussi qu’ils veulent mettre fin au financement des partis politiques. Il faut que les uns et les autres comprennent que ce sont des hommes et des femmes qui se sont battus pendant des années pour avoir la démocratie et le multipartisme au Mali. Ce n’est pas parce qu’on est auteur d’un putsh qu’on peut venir dire qu’on suspend le financement des partis politiques.
Les partis font des œuvres d’utilité publique. On ne peut pas venir parce qu’on est ministre de l’Administration territoriale ou Président de la République pour supprimer le financement des partis politiques. L’URP n’a jamais bénéficié de l’aide aux partis politiques. Donc, je suis mieux à l’aise pour défendre cette position qu’il faut maintenir ce financement. Dans le temps, nous avions proposé qu’il faille plafonner et moraliser ce financement des partis politiques. On dit chaque fois qu’il y a 200 partis politiques au Mali, je dis que cela est faux. L’administration territoriale ne fait pas son travail. Il y a des partis qui partent se dissoudre dans d’autres et l’administration territoriale continue toujours à leur envoyer des correspondances et des récépissés. L’administration peut mettre en place un cahier de charges. Un parti qui n’a pas de siège, on ne le considère pas comme un parti politique. Avec des garde-fous de ce genre, il n’y aura pas 80 partis politiques aujourd’hui au Mali. Donc, il faut qu’on cesse de distraire les gens.
Ils ont parlé aussi du scrutin proportionnel. Nous avons dit plusieurs fois que pour mettre les élites à l’Assemblée nationale, il fallait un scrutin proportionnel. Cela va jouer sur la qualité des hommes qui vont être à l’assemblée nationale, Donc, on n’est pas contre. On était arrivé jusqu’au scrutin mixte mais aujourd’hui, le ministère propose le scrutin proportionnel. Il y a à réfléchir sur cela. Il faut considérer et reconsidérer les méthodes et surtout respecter la classe politique.
Ils ont décidé d’aller mettre la caution pour participer à l’élection présidentielle à 50 millions de francs CFA. Je pense qu’il faut arrêter d’aller vers une sorte de surenchère. Et surtout dire que, quelqu’un n’a pas 50 millions ne mérite pas d’aller à l’élection présidentielle. Nous sommes dans un pays où le Smic est à 40, 50.000 francs, il faut qu’on arrête. On ne peut pas vouloir moraliser le financement des partis politiques et après mettre l’argent.
Si l’on continue à violer les lois, à restreindre les droits des gens, les droits vont rentrer par les fenêtres. Et le coup d’Etat, c’est cela justement. C’est parce que certains se trouvent lésés ou en désaccord avec le fonctionnement, ils surgissent. Il faut faire attention. Mettre les enchères au niveau de la caution, c’est de la spéculation. Ils ont dit aussi qu’ils vont interdire l’alliance entre la majorité et l’opposition. Ça ne les regarde pas. Un parti a le droit de choisir son camp. Qu’ils laissent les petits détails et laisser les acteurs politiques décider en toute conscience de leur orientation.
Au-delà de ce que le ministre de l’Administration territoriale a dit, nous à l’URP, nous avions dit qu’il fallait travailler à la moralisation de la vie publique et surtout qu’il fallait réduire de façon drastique le train de vie de l’Etat.
Il y a dans le programme gouvernemental du premier ministre, il y a un chapitre qui en parle mais uniquement de la gestion du parc auto, la bancarisation des salaires. C’est hors sujet. Nous à l’URP, on rejette que le président de la République du Mali, le président de l’Assemblée nationale du Mali, les présidents de groupes parlementaires soient mieux payés que ceux de la France. On a des EPA où le directeur est payé à 8 millions et 10 millions dans un pays où le Smic est à 45. 000 FCFA. Voilà un certain nombre d’éléments qu’il faut prendre en main et les réduire.
Nous sommes d’accord avec le Premier ministre sur l’Accord d’Alger surtout le DNI. Il faut qu’ils comprennent que le DNI a enregistré en termes de légitimité, plus de participation que ceux qui ont rédigé la Charte de la transition. Le DNI est plus légitime que même ceux qui sont au pouvoir. Donc, ils ne peuvent pas mettre de côté les résolutions du DNI.
Que peut-on retenir de la réunion du regroupement ARP du 06 mars dernier ?
Lors de cette rencontre au siège du PMDS, nous avions parlé du fonctionnement et de l’organisation de l’ARP, mais aussi des missions. Par rapport à l’organisation de l’ARP, nous avons mis un nouvel exécutif dirigé par Tiéman Hubert. J’assure la première vice-présidence. Après Bamako et Koulikoro, nous avions décidé d’aller dans les régions pour renouveler leurs structures, expliqué le regroupement ARP et aussi les alliances. Nous voulons le maximum possible des listes ARP partout lors des élections à venir.
Pouvons-nous connaître aujourd’hui le nom du candidat ARP à la prochaine élection présidentielle ?
Personnellement, je souhaite que le candidat soit Tiéman Hubert Coulibaly. Je pense qu’il a la qualité pour assumer la fonction. Il a l’expérience, aussi il connait les valeurs du bloc libéral dont nous sommes aujourd’hui ARP. Il peut être le porte-flambeau de ce travail. Mais je reste dans la sagesse possible de la décision des hommes et des femmes qui animent l’ARP. Donc cette question sera tranchée très bientôt.
Votre message par rapport à la vie de la nation ?
Je pense qu’il est de notre devoir à tous de travailler et aider en disant des vérités crues à la transition, aux responsables de la transition pour que ça réussisse. Nous souhaitons la réussite de la transition mais nous ne pouvons pas aussi regarder des responsables tâtonner en allant tout droit au mur. Donc il faut que les responsables de la transition écoutent la classe politique. On ne peut pas faire de démocratie sans les partis politiques. Par effraction, il y a eu ce coup d’Etat. Il faut comprendre que personne n’a voté pour mettre en place ce CNT. Que certains responsables du CNT surtout certains vice-présidents arrêtent de toujours insulter la classe politique.
Il faut qu’ils arrêtent d’insulter les pères de la démocratie. Je suis un acteur du 26 mars et membre fondateur de l’AEEM. Mes camarades sont morts pour le pays et en même temps nous avons milité dans des partis comme l’ADEMA, le CNID pour la naissance de la démocratie. Aujourd’hui, certains ne peuvent pas bénéficier de cette démocratie pour fanfaronner et insulter les acteurs de la démocratie.
Je fais partie de ceux qui disent qu’on est arrivé à un tournant générationnel. Mais, cela ne donne pas une légitimité pour insulter les pères de cette démocratie. On n’est pas dans une monarchie. Heureusement, nous sommes dans une démocratie et il faut la défendre
Je souhaite que ce coup d’Etat soit le dernier acte attentatoire à la loi fondamentale. Il faut que les Maliens aillent vers une démocratie exemplaire où les hommes et les femmes assument leurs responsabilités. Et ceux qui vont prendre le pouvoir comprennent qu’ils sont investis pour une mission pour le peuple, au nom du peuple et qui doit être exercée pour l’intérêt du peuple.
Propos recueillis par
Drissa Togola