C’est un cri de cœur que nous livre Macalou Bintou Baba Koné, une citoyenne de la cité des Askia, très active dans les associations et organisations du Nord. Elle dénonce le double jeu du Mnla et l’attitude de certains médias et ONGs occidentaux, qui accusent l’armée malienne d’avoir commis des exactions sur les populations touarègues ou arabes. Lisez plutôt.
22Septembre: On s’achemine vers la fin de la reconquête de nos régions occupées. Les gens parlent de plus en plus d’amalgame entre les populations touarègues et les rebelles ou terroristes qui avaient pris les armes contre leur pays. Qu’en pensez-vous?
Mme Macalou Bintou Baba Koné: S’il y a quelque chose qui m’inquiète, c’est bien le mot amalgame. Et, par rapport à cela, j’ai des inquiétudes. Depuis le premier jour de la guerre, on parle d’amalgame. On a dit, «il se peut qu’il y ait des risques». Ce sont eux qui le disent. Ce n’est ni les Maliens ni les Touaregs. C’est d’une chaîne française que l’idée de représailles est partie. Et, depuis, l’information passe en boucle, tous les jours sur les chaînes propagandistes des rebelles et leurs ONGs alliées. Le lendemain, on a dit, «il semblerait que ce qui a été dit hier sur le plateau est réel, il y a vraiment de gros risques». Le 3e jour, je crois que cela devait être le 10e jour de la guerre, on a dit «à Konna, on a tué un vieux peulh et son neveu». Le 11e jour, on a dit, «en plus du peulh et son neveu, on vient de découvrir un puits dans lequel il y a 11 corps». On ne montre pas les corps, on nous montre une jeune fille de 14 ou 15 ans qui était en train de parler en Songhoy, qui dit «d’autres ont fui» et elle montre qu’ils sont allés de ce côté et on nous livre cette information. Le 12e jour, on nous dit «vous avez vu les images d’hier, maintenant, il y a Human Rights Watch qui dit qu’effectivement la situation est catastrophique au Nord, qu’on est en train de commettre des exactions sur les populations touarègues». Mais on ne nous donne pas l’identité de ces touaregs. Le 14e jour, ils disent qu’on a même découvert des charniers. Le 15e jour, on dit, en plus des charniers, il y a eu des viols. Ils disent que les exactions sont inexplicables. Vraiment, j’ai peur, je ne comprends pas. Et à la fin de la guerre, puisque déjà on en est aux charniers, qu’est-ce qu’ils vont découvrir? Tout de suite, dans le journal de 19 heures, ils viennent de dire qu’il y avait des exactions contre les populations touarègues. Le journaliste dit qu’Amnesty va envoyer une mission d’enquête au Nord. Ils ont préparé l’opinion par rapport à ce problème pour empêcher l’armée malienne d’aller à Kidal. Ils ont également dit qu’il y avait eu 20 exactions sommaires sur les populations touarègues. Et ce qui s’est passé pour les populations du Nord pendant 9 mois? Ce qu’elles ont subi pendant 9 mois? Et les exactions sur l’armée malienne à Aguel Hoc? Ces ONGs n’en disent mot. Il y a là deux poids deux mesures. C’est cela l’amalgame. C’est cela le saupoudrage et la diversion. A quelles fins? Faisons attention, soyons vigilants. Peuple du Mali, une nouvelle guerre a commencé, qui n’avait d’ailleurs jamais cessé, jeter l’opprobre sur nous, sédentaires, et sur notre armée, que nous soutenons de toutes nos forces et dont nous sommes fiers.
Justement, les forces françaises sont allées à Kidal sans l’armée malienne. Qu’en pensez-vous?
Je n’ai pas été très surprise en l’apprenant. Car c’était le but de la désinformation, les populations noires et l’armée vont sévir sur les Touaregs. A Konna, les armées malienne et française étaient ensemble, à Diabali c’était la même chose. Après la prise de Tombouctou, tout le monde a été surpris d’apprendre que le Mnla se trouvait à Kidal pour secourir les populations touarègues. On parle de 24 pick-up. Ils sont entrés par où? Ils sont venus d’où, dans la mesure où tous les frontières étaient fermées? On nous avait dit qu’ils étaient à Paris, d’aucuns disent qu’ils étaient au Burkina Faso et en Mauritanie. Ils ont fait des déclarations pour dire qu’ils ont remis leurs armes àla Mauritanie. Ilsont dit qu’ils étaient prêts à aiderla Franceà chasser les islamistes. Donc, on est toujours dans le même schéma de diversion, de manipulation et d’intoxication.
Pensez-vous qu’on doive dialoguer avec le Mnla?
Personne n’aime la guerre, elle n’a jamais rien réglé, surtout moi, en tant que femme, mère, épouse, citoyenne éprise de paix. Quand les hommes communiquent, ils peuvent se comprendre. Mais, au stade où nous sommes, je ne vois pas comment on peut discuter avec le Mnla. Quelqu’un qui a violé ta femme, tes filles, en ta présence, a coupé le bras de ton frère, a chicoté ton père en ta présence. Qui a détruit tout ce qui a été fait pendant 50 ans d’indépendance. Peux-tu discuter avec lui? Personne n’a le monopole du cœur. Nous sommes abasourdis, choqués, révoltés par ces déclarations. Nous avons toujours dialogué. Je crains qu’on ne nous ligote pieds et mains et qu’on ne nous remette entre les mains de nos bourreaux d’avant-hier, d’hier et aujourd’hui. Qu’est-ce qui nous a amené cette rébellion, ces jihadistes, ces bandits armés de tout acabit? C’est le Mna, le Mnla, le Mia, AQMI et que sais-je encore. Ils viennent d’où? De Kidal. Ils retournent où? A Kidal. Ah, Kidal! Quelle énigme? Quel mystère? Saurons-nous un jour, ce qui se trame derrière nous, devant nous, avec nous? La réponse, seules ces soi-disant ONGs et leurs caisses de résonance peuvent nous la donner. Quelle douleur! L’opération Serval a suscité en nous une grande espérance. On s’était dit: enfin la liberté! Voilà que, le couteau à la gorge, nous allons dialoguer, négocier. De quoi, avec qui? Nous n’avons pas la réponse. Mieux, ils parlent d’indépendance, après tous les sacrifices que l’Etat malien a consentis pour ces gens, en termes d’investissement et de programmes de développement. L’idée d’indépendance revient toujours. Le Mali est un et indivisible. Il est bon de faire des revendications, mais certaines d’entre elles sont mortelles. Si le Mnla veut dialoguer, il doit tout d’abord déposer les armes, demander pardon au peuple malien, meurtri, déshonoré, et s’engager solennellement à ne plus jamais prendre les armes contre notre bien commun, le Mali. Quand je dis nous, il s’agit des Touaregs, Songhays, Soninké, Bozo, Bella, Peulhs, Bamanan… Maliens tout court. Si cela est fait, il n’y a pas de problème. S’ils reconnaissent qu’ils sont Maliens, il faut bien qu’on parle avec eux. Nous sommes une même famille. Nous sommes le fruit d’un brassage. Mais il faut qu’il y ait réparation. Ceux qui ont commis des crimes doivent être jugés par nos juridictions.
Avez-vous un appel à lancer aux populations du Nord et à vos sœurs?
Je demande aux populations du Nord de se ressaisir, de ne pas céder à la provocation et, surtout, de ne pas tomber dans le piège qu’on est en train de leur tendre. Je leur demande de demeurer un peuple d’accueil, d’amour, d’entraide et de solidarité. Pas de haine. C’est dur, mais il faut rester lucide. Nous pourrons relever le défi, aujourd’hui et demain, dans un Mali Un et Indivisible, Incha Allah. Que Dieu sauve le Mali.
Propos recueillis par Youssouf Diallo