A la faveur du 8 mars, fête des femmes, nous avons rencontré, Mme Djiré Mariam Diallo, la seule femme maire dans le district de Bamako, suite aux dernières élections communales.
L’Officiel : Qui est Madame Djiré ? Que faut-il retenir s’agissant de votre parcourt politique ?
Je veux commencer par rendre grâce à Dieu et souhaiter paix et salut au Prophète ; je veux aussi rendre grâce à mes parents ; Que leur âme repose en paix. Parler de soi, n’est pas une chose facile. Ma famille, traditionnellement, c’est la chefferie. J’ai commencé à militer activement à partir de la révolution de mars 1991. C’est à partir de cette période que j’ai été officiellement membre d’un bureau de l’ADEMA PASJ, membre d’un comité. Sinon à ma jeunesse je n’ai pas eu à participer à des mouvements politiques
Vous êtes connue couramment sous le nom de Mme Djiré. Cela ne permet pas de bien vous identifier. Quel est votre nom complet?
Mon nom, c’est Mme Djiré Mariam Diallo ; A N’Tomikorobougou tout le monde me connait sous le nom de Mme Djiré. Mais je suis de Ouolofobougou. Là-bas, c’est avec Mariam Diallo, ou Mamou Diallo qu’on me connait. Vous avez raison de poser la question. Lors des élections de 2004, quand les résultats sont tombés, c’est Mme Djiré qui était sur la liste, mais les gens ont dit qu’ils n’ont pas entendu le nom de Mme Djiré ; Qu’il n’y avait pas le nom de Mme Djiré. Parce que ce que les gens connaissent, c’est Mme Djiré. Cette fois, également, sur les affiches ils ont mis quelque part Mariam Diallo, je leur ai dit que s’ils ne mettent pas Mme Djiré les gens ne vont pas se retrouver, car c’est à ce nom qu’ils sont habitués.
Mme le maire, le contexte c’est la célébration du 8 mars, la journée internationale des femmes. Au Mali, les mouvements féministes se battent depuis longtemps pour un meilleur accès des femmes aux fonctions nominatives et électives. Ce pari est-il sur le point d’être gagné, selon vous ?
Vous avez raison. Ce mouvement ne date pas d’aujourd’hui ; il existe depuis très longtemps, avant l’indépendance, à l’indépendance, après les indépendances. Ce mouvement a toujours existé. On peut dire aujourd’hui qu’il y a eu des progrès. Le combat ça ne faiblit pas. Les pionnières ont eu à poser des jalons ; Aujourd’hui, nous nous sommes battues et nous allons laisser aussi le flambeau aux générations à venir. Le mouvement, il est sur pied, ça continue et ça doit continuer. Il y a des progrès. Le pari, il va être gagné, inchallah.
Mme le maire, les femmes on le sait- c’est du reste le fond de votre combat- demandent la parité avec les hommes. Ceci vous parait-il raisonnable ?
Cette question me gène un peu. Raisonnable, ça veut dire que quelque part c’est en porte-à-faux avec la loi, alors que, légalement, tout le monde sait que nous sommes égaux devant la loi ; Devant la religion, devant la loi, nous sommes égaux. Moi, je ne vois pas pourquoi on peut dire qu’une frange de la population qui réclame un droit qu’on puisse penser que ce n’est pas raisonnable. Je trouve ce mot un peu trop fort ; C’est bien raisonnable. Au début il y avait des contraintes qui ont fait qu’on n’était pas au même niveau. Mais si on réclame ces droits aujourd’hui, c’est normal et c’est tout à fait raisonnable.
L’adoption par l’Assemblée Nationale de la Loi sur le Genre est-elle une avancée dans le combat que mènent les femmes au Mali ?
Oui, c’est d’ailleurs pourquoi j’ai dis qu’il y a des progrès ; il y a eu, avant, une loi sur le financement des partis politiques ; cette loi prévoit un quota au parti politique qui va avoir le plus de députés femmes à l’Assemblée Nationale ; idem pour ce qui concerne les femmes conseillères. Le parti qui a le plus de conseillères va avoir plus d’argent que les autres. Et, plus important que tout cela, il y a la loi, 052 votée par l’Assemblée Nationale et promulguée par le président de la République. Le ministre de la promotion de la femme, avec les associations féminines que nous dirigeons, nous avons défendu cette loi devant l’Assemblée. Fort heureusement, la loi a passé. Nous, aujourd’hui, nous bénéficions de cela ; parce que le nombre des conseillères est passé de 927 à 2446 dans tout le Mali, soit une augmentation de 25%.
A l’issue des dernières élections communales, vous avez été la seule femme à s’être retrouvée à la tête d’une mairie dans le district de Bamako. En tant que femme, quelle leçon tirez-vous de cette victoire, de votre victoire ?
Je dirai que ce n’est pas ma victoire ; c’est une victoire de mon parti, l’ADEMA PASJ, une victoire de la section III, avec à sa tête le Secrétaire général, Adama Sangaré ; c’est aussi une victoire de la population de N’Tomikorobougou et de la commune III ; Et une victoire de toutes les femmes du Mali.
En tant que femme, comment voyez-vous le défi ?
Le défi est très grand ; Et pour le relever il faut les bénédictions et l’accompagnement de tous.
Il y a une autre grande dame dont l’action a beaucoup marqué les esprits ces derniers temps. Il s’agit de Mme le gouverneur, Ami Kane. Que pensez-vous de son Opération (en cours) pour la libération des voies publiques?
Ce qu’elle est entrain de faire, elle le fait dans le cadre d’un accompagnement des collectivités ; L’une des missions des collectivités, c’est l’assainissement. S’il y a des problèmes, le gouverneur peut bien se substituer aux maires pour faire le travail. Je pense que c’est ce qu’elle est entrain de faire.
Est-ce que, quelque part, elle n’est pas aussi entrain de résoudre un désordre que certains maires auraient contribué à créer. Les maires sont quand mêmes indexés dans l’attribution des autorisations ayant permis à certains de s’installer un peu partout, et même sur la voie publique?
Beaucoup étaient installés mais n’avaient pas d’autorisation. Vous savez que les gens n’ont pas beaucoup compris la démocratie. Les gens s’installent de façon anarchique ; Si aujourd’hui Mme le gouverneur tient à assainir, à rendre propre la ville de Bamako, je pense que c’est un accompagnement à l’endroit des maires ; Et de la part d’une femme, je pense qu’elle est à féliciter pour cela. Parce que le combat, notre combat, ça doit être de lutter contre l’insalubrité, de rendre la ville propre. Avec les tas d’ordures partout, les moustiques, les mouches, les rats, les souris qui nous envahissent tout le temps, je pense qu’aujourd’hui les Bamakois doivent se réveiller ; se réveiller et conjuguer les efforts afin de venir à bout de ce désordre.
Ce que Ami Kane est entrain aujourd’hui de réussir, est une chose qui fait aussi, quelque part, honneur à la femme malienne ?
La propreté, c’est l’affaire de la femme, en premier lieu ; la femme est connue pour ça ; S’il y a un responsable ou une responsable qui intervient dans le domaine, il faut l’encourager. Elle est donc à félicité ; Je dis, ce qu’elle fait, elle le fait de commun accord avec les maires ; Toutes les activités qui sont menées ; toutes les opérations qui sont menées, sont faites de concert avec les maires. Parce que c’est une mission des conseils communaux ; c’est notre mission d’assainir la ville, de mettre un peu d’ordre ; Elle est donc entrain d’accompagner les collectivités.
Beaucoup de décharges et dépôts d’ordures sont recensés en commune III où se pose de sérieux problèmes de protection de l’environnement. Durant votre mandat quelles sont les actions que vous entendez mener pour rendre propre le cadre de vie au niveau de votre commune ?
Il y avait beaucoup de dépôts anarchiques, mais certains ont été supprimés depuis très longtemps. C’est notamment le cas du dépôt au niveau de N’Tomikorobougou, et qui n’existe plus aujourd’hui. Ce qui est sûr, c’est que les gens continuent à créer ces dépôts anarchiques un peu partout. Avant le Sommet Afrique/France, et même après le sommet, je pense que dans le programme, bien sûr on a parlé de déguerpissement, mais il y a aussi l’assainissement et l’embellissement. Partout où il faut déguerpir il faut assainir et embellir ; Et aujourd’hui, la priorité, c’est aussi d’assainir Bamako. La société Ozone est là pour nous accompagner, même si elle rencontre des difficultés ; les Gie sont aussi là pour nous accompagner. On est entrain de travailler dans ce sens, afin de sensibiliser la population ; Parce que, nous sommes dans une commune centrale ; les gens viennent le jour, ils déposent les ordures, après ils s’en vont. Partout, dans les quartiers, ils s’installent. Il faut que les gens comprennent et aient ce réflexe. Quand on vient travailler, il y a des ordures, il faut les mettre quelque part dans une poubelle, les véhicules d’Ozone circulent partout pour enlever les ordures. Je pense que nous devons changer de comportement ; Sans ce changement, les élus avec le personnel ne peuvent pas assainir la ville ; Il faut un changement de comportement. Peut-être dans un premier il faut aller avec la sensibilisation ; S’il y a des sanctions à prendre, ces sanctions viendront après.
Vous venez de prendre les rênes de la mairie de commune III au moment où votre successeur a laissé un grand scandale au niveau du foncier, notamment à Samé Kaderbougou, Koulouba. Quelle gestion comptez-vous faire de ce dossier brûlant?
Je vais peut être en dire quelque mot, mais c’est vraiment un dossier que je ne maitrise pas encore; je suis entrain de me renseigner. Depuis que je suis arrivée, je n’ai pas accepté de signer un document du foncier, les permis et autres; Et j’ai aussi écrit aux différentes agences immobilières et aux bureaux d’études qui sont sur le terrain pour leur signifier d’arrêter toute activité. Parce que je sais qu’il y a des litiges. Tous les jours je suis interpellée par les citoyens ; les gens viennent me voir au bureau ; A partir de là j’ai décidé d’arrêter toutes les activités, afin de travailler avec ces bureaux d’études pour qu’on me donne l’état des lieux avant de faire quoi que ce soit. C’est ce que je peux dire pour le moment sur le foncier.
Mme le maire, dans notre société, il y a certaines personnes qui voient d’un mauvais œil la célébration du mariage civil par une femme maire. Est-vous confronté à une difficulté de ce genre?
Je n’ai pas connaissance de cela ; Peut-être que vous journalistes on peut vous en parler. Parce que le Malien, de façon officieuse, on raconte tout ; mais de façon officielle je n’ai jamais entendu ça et je n’ai pas connaissance de ça. Et puis, je me dis, si on accepte voter pour une femme ; Je dis qu’aujourd’hui, nous sommes plus de 2000 femmes élues ; les gens ont accepté de voter pour nous ; et aussi on a accepté de voter pour une femme comme maire d’une commune ; est ce qu’on peut refuser après que cette femme célèbre un mariage ? Je ne peux comprendre cela. De toute façon, même si ça existe, dans ma commune je n’ai pas connaissance d’une telle situation.
Notre pays célèbre aujourd’hui, le 8 mars, la fête de la femme. Quel message avez-vous à l’endroit des femmes de votre commune ?
Le message, c’est la mobilisation ! Les femmes se sont mobilisées pour voter pour notre liste, pour que je sois maire ; elles doivent restées mobilisées pour nous soutenir, faire des bénédictions, nous accompagner pour la réussite de la mission ; Pour que demain, après demain, dans Bamako, au Mali, qu’il y ait plus de femmes maires ; Les femmes doivent se mobiliser pour continuer le combat, un combat qui ne date pas d’aujourd’hui ; il est en cours depuis fort longtemps ; Il faut continuer à se battre pour que le droit soit respecté ; Il faut continuer de se battre pour que demain il y ait encore plus de femmes conseillères, qu’il y ait beaucoup plus de femmes dans les postes de prise de décisions, dans l’administration et au niveau électif. C’est le message que je souhaite lancer aux femmes ; Parce que le 8 mars ce n’est pas que folklorique, il faudrait que cela soit expliqué aux femmes. Bien sûr, il y a les manifestations. Mais l’objectif, c’est de faire le point. Les femmes se sont battues et aujourd’hui on est à ce niveau. On fait le point et il faut continuer ; mais comment continuer ? C’est le message qu’il faut passer pour que tout le monde, le grand maximum, que les femmes comprennent que ce n’est pas que les pagnes, ce n’est pas que les manifestations. Les pagnes, les manifestations c’est un rappel, c’est pour une mobilisation. Mais le message sur lequel il faut insister c’est le combat qu’il faut continuer à mener pour le bonheur de tous ; pour une démocratie. Qui parle de démocratie, parle de participation de tous. Pour une bonne démocratie il faut la participation de tout le monde, femmes et hommes. Tant qu’il n’y a pas ça on ne peut pas parler de démocratie.
Entretien réalisé par
Oumar Diamoye
8 mars que du folklore.
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