Élue députée à Youwarou, Mme Diallo Aissata Touré est la présidente de la commission des Affaires Etrangères, des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration à l’Assemblée nationale du Mali. Dans un entretien à bâtons rompus elle nous parle du rôle de la Commission qu’elle dirige au sein de l’hémicycle et des actions initiées sur la migration des Maliens. Elle n’a pas passé sous silence les traitements infligés à nos compatriotes dans les pays du Maghreb. Pour preuve, Mme Diallo de préciser que chaque fois que la Commission est saisie pour des cas d’abus avérés, elle saisit les Affaires Etrangères. Elle soutient ces propos par l’interpellation du ministre des Affaires Etrangères pour le problème de l’esclavage en Lybie et également sur l’accord de réadmission des Maliens en situation irrégulière.
L’INDEPENDANT- Présentez-vous à nos lecteurs
Honorable Diallo Aïssata Touré- Je suis Diallo née Aïssata Touré, juriste de formation. J’ai eu à travailler à ma sortie d’études dans les Assurances pendant huit ans. A l’époque, j’étais la première femme agent général de Bamako avant de servir comme chargée de mission au ministère de la Santé pour les questions juridiques et institutionnelles, de 2004 à 2007.
Piquée par le virus de la Santé, j’ai suivi les cours de santé publique avec une maîtrise à la clé à l’Institut régional de santé publique (IRSP) d’Ouidah, au Bénin, en 2008. Forte de cette expérience, j’ai travaillé en tant que chargée des questions juridiques et réglementaires à la Direction de la pharmacie et du médicament, de 2009 à 2010, avant de postuler pour une spécialisation au Maroc. Candidate malheureuse aux élections législatives de 2007, j’ai remis le couvert en 2013 et j’ai remporté le seul siège de ma localité de naissance, Youwarou, dans la région de Mopti. Je suis mère de 4 enfants, dont 3 garçons, une fille et grand-mère.
Pouvez-vous nous parler du rôle et de la mission de la Commission des Affaires Etrangères au sein de l’Assemblée nationale ? Vous n’êtes pas sans savoir que les Maliens vivant dans les pays du Maghreb et d’ailleurs sont souvent maltraités par ces pays hôtes, qu’est-ce que votre commission a fait concrètement pour qu’ils se sentent en sécurité et travaillent dignement là-bas ?
La Commission des Affaires Etrangères, des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration Africaine, comme son nom l’indique, est chargée en principe de toutes les affaires, relations entre l’Assemblée Nationale du Mali et les autres assemblées ou parlements du monde. Elle s’occupe également de tous les aspects en lien avec la diaspora malienne, partout où cette dernière se trouve dans le monde.
Enfin, elle participe à une bonne intégration africaine à travers la surveillance de la bonne application des textes adoptés et joue un peu à la sentinelle pour le respect des différentes réglementations régionales ou sous régionales. Nous sommes les acteurs de la diplomatie parlementaire.
A ce titre, nous avons beaucoup de rencontres avec les représentations diplomatiques et les institutions politiques parlementaires et bien sûr avec la diaspora malienne.
Pour ce qui concerne les traitements infligés à nos compatriotes dans les pays du Maghreb, c’est vraiment malheureux. Vous savez que nous n’avons pas de moyens exécutifs, mais à chaque fois que nous avons connaissance ou que nous sommes saisis, nous mettons tout en œuvre pour que le gouvernement, à travers ses départements sectoriels, notamment le ministère des Maliens de l’Extérieur et celui des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, puisse intervenir.
Nous sensibilisons nos compatriotes pour le respect des textes des pays d’accueil, les bons comportements et même sur le retour volontaire puisque tout le monde ne réussit pas aussi à l’extérieur. Pour des cas d’abus avérés, les affaires étrangères sont interrogées ou sollicitées, selon l’ampleur, par exemple nous avons interpellé les deux départements pour le problème de l’esclavage en Lybie et également sur le sois-disant accord de réadmission de nos compatriotes en situation irrégulière.
Le premier mandat à l’Assemblée nationale tire vers sa fin, est ce que vous avez initié des projets de loi sur la migration des Maliens ?
En fait, les propositions de loi ont besoin d’éléments techniques, spécifiques qui, des fois, nécessitent des expertises avérées en termes de compréhension, de formulation, de faisabilité et même des études poussées des fois. Lorsque les députés sont initiateurs, on parle de propositions de loi et, malheureusement, nous n’avons pas fait de proposition concernant la migration qui se trouve être un phénomène transversal puisque ses impacts sont considérables.
Mais nous avons travaillé sur la thématique par l’organisation d’un séminaire sur la gouvernance de la migration, l’année dernière, nous avons également mis en place un Réseau de Parlementaires pour la Migration pour s’occuper de tous les aspects que la migration peut toucher. Malheureusement, le fonctionnement et l’exécution des activités sont butés au manque de financement et de la disponibilité des différents acteurs intervenant dans le secteur. Aussi, les questions migratoires sont généralement réglées par des conventions bilatérales ou multilatérales, et la Commission intervient à postériori lors de la ratification.
Quel est votre apport personnel à la Commission ?
Difficile, pour moi de dire le plus que j’ai pu apporter à cette commission, j’y suis la seule femme depuis le début du mandat et la présidente également. Certainement, mes homologues commissaires sont mieux placés pour répondre à cette question ; peut-être le regard féminin sur certaines questions, l’ambiance de travail et la conciliation pour garder une atmosphère saine au sein de la commission. C’est plutôt un travail d’équipe, de franche collaboration. La défense des intérêts de la Diaspora prévaut et dans ce cas, il n’y a pas de place pour les dissensions politiques, en ce qui concerne la majorité ou l’opposition.
Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir la Commission des Affaires Etrangères ?
J’ai choisi cette Commission parce que j’ai eu la chance, bien avant d’être élue députée, de beaucoup voyager et d’avoir un regard sur certains aspects de la migration, parce que je les ai vus et même côtoyés un peu. Il y a aussi le facteur de la diplomatie qui existe entre les différents Etats et surtout l’ouverture sur l’Afrique et le monde. Je suis panafricaniste au fond et je suis convaincue que lorsque les Etats africains se mettront ensemble, ils pourront aboutir à de bonnes choses.
A l’Assemblée Nationale, vous avez la réputation d’être imperturbable. Comment parvenez-vous à cumuler les exigences du foyer et les activités parlementaires ?
Là subsiste toute la difficulté de ce travail, très prenant en réalité, il faut une très bonne organisation, le soutien de la famille et une grande compréhension de mon époux. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour le remercier pour tout ce qu’il fait pour me permettre d’être ce que je suis : une députée, une épouse et une mère !!! Il m’a toujours soutenue, encouragée et même motivée lorsque je me trouvais en phase de découragement. Ensuite pour le travail parlementaire, c’est un travail en équipe qui suit ses procédures, la partie visible étant la présentation du rapport, lors des plénières. Mais le travail technique qui se fait est partagé et le résultat approuvé par tous avant la présentation en plénière.
Interview réalisée par Ramata Tembely.
Source : L’Indépendant