Deux mois après sa prise de fonction au département de la culture, Mme Ndiaye Rama Diallo, ambitionne de mettre la culture au service du développement socio-économique du Mali, de la paix, de la réconciliation et de la cohésion sociale. Nous l’avons rencontrée afin de nous enquérir de l’état d’avancement des affaires courantes de son département ainsi que les perspectives pour développer ce secteur clé.
L’Indépendant Week-end : Deux mois après votre prise de fonction au département de la culture, quel premier bilan tirez-vous? Comment définissez-vous votre mission et quelle action souhaitez-vous mener pour le rayonnement de la culture malienne?
Dresser un bilan après deux mois de fonction, c’est travailler et se confiner dans du “courtermisme ” qui n’est pas à la hauteur de nos espérances pour ce département. La vision que nous avons pour la Culture du Mali est une vision à long terme. C’est une vision qui inscrit la culture au rang des leviers économiques pour le développement de notre pays. Vous savez, la culture est transversale et en le disant, je vous invite à comprendre que nous mettrons la culture au service du développement socio-économique du Mali et donc, au service de la paix, de la réconciliation et de la cohésion sociale.
Depuis la récente crise, la culture malienne se porte mal. Comment comptez-vous valoriser les acteurs culturels et en faire des modèles auxquels la jeunesse peut s’identifier?
Je pense que la culture malienne se vend d’elle-même par sa richesse et par le talent des créateurs et des artistes maliens. A partir de là, ce qui nous reste à faire, c’est de créer les conditions, tant au niveau des textes de loi qu’au niveau des structures d’accompagnement pour que nos créateurs expriment davantage leur savoir-faire et surtout pour que la jeunesse malienne voit en la culture un pourvoyeur d’emplois et une source digne de création de richesse. La crise a mis à mal le secteur économique de la culture, mais nous œuvrons avec nos partenaires à y remédier au plus tôt. J’étais à Bruxelles puis à Berlin, pas plus tard qu’hier, et j’ai entendu des partenaires qui sont disposés à nous soutenir.
Un axe, sur lequel une volonté politique est affichée au plus haut niveau, c’est la lutte contre la piraterie. Nous ne prenons pas à la légère ce fléau qui tue les créations et les artistes.
On sait que la réussite de votre mission passera par l’application des textes. Une chance, le fameux décret sur les droits d’auteur et droits voisins a été adopté en conseil des ministres. Mais sa mise en application tarde toujours. Pourquoi ce blocage?
Nous avons passé un cap avec l’adoption du ” fameux décret ” (comme vous le dites). Ce décret est un pas pour la valorisation et la reconnaissance des œuvres issues de la création des artistes et auteurs maliens. Cependant, nous avons des partenaires incontournables dans la réussite de la mise en application de ce texte, avec qui nous sommes en discussion pour accorder nos violons. Ces partenaires et nous-mêmes partageons le bien-fondé de ce décret pour les artistes. Il nous reste à adopter, de commune mesure, les dispositions pratiques pour rendre à César, ce qui appartient à César.
Dès votre prise de fonction, vous n’avez pas caché votre envie de réussir. La semaine dernière vous avez convié les acteurs culturels à un dîner gala. Que recherchiez-vous à travers cette rencontre?
En rencontrant les acteurs culturels du Mali, que ce soit les artistes, les entrepreneurs culturels, les anciens ministres, les hommes de littérature et même les partenaires, nous avons dit que le rôle de ministre est celui d’un commis de l’Etat. Nous sommes à la disposition des acteurs de ce secteur. C’est pourquoi nous avons souhaité ce cadre convivial d’échange pour discuter et partager la vision que nous avons de la Culture et surtout recueillir des conseils, des propositions idoines pour que nous atteignions ensemble un seul but : développer la culture du Mali. Nous nous promettons de faire ce genre de rencontres assez régulièrement parce que les solutions ne se trouvent pas dans mon bureau mais bien auprès de ceux qui vivent la culture et de ceux qui vivent de la culture.
Les opérateurs culturels sont majoritairement dans le privé. Une cohabitation semble difficile, voire impossible. Quelle politique adopterez-vous, afin de rendre possible cette collaboration?
Pourquoi pensez-vous qu’une cohabitation semble impossible ? Vous parlez de cohabitation difficile, je parle de coopération et de partenariat à construire. Le partenariat public/privé n’est pas un luxe dans le domaine de la culture. Le ministère se veut et doit être un régulateur et un accompagnateur. Nous avons la mission de créer les cadres et les conditions idoines d’évolution des opérateurs culturels. Nous le ferons en soumettant sous peu des projets de loi sur le statut des artistes, sur le fond cinématographique et même des textes réglementant le métier de négociant en art et biens culturels.
J’ai rencontré des acteurs culturels, des opérateurs culturels, ceux que j’aime appeler plutôt des entrepreneurs culturels. Ils ont réussi à me surprendre par leur inventivité, leur soif d’amener la culture du Mali sur le toit du monde.
Le budget national alloué à la culture (0,3%) est insignifiant au regard des attentes. Comment comptez-vous trouver les moyens pour la réussite de votre mission?
Lors du cocktail d’échanges évoqué plus haut, le Ministre Cheick Oumar Sissoko a demandé à ce que ce budget soit revu à la hausse. J’appuie ce plaidoyer tout en sachant les difficultés du pays. Cependant, la culture est un investissement qui rapporte économiquement et socialement.
Nous avons un plan d’action défini avec l’UNESCO et d’autres partenaires pour remédier au désastre qu’à connu les sites culturels du Nord du Mali. Le budget de ce plan est estimé à 11 millions de dollars. Nous avons réuni aujourd’hui plus de 3 millions de dollars et nous continuons d’encourager nos partenaires à tenir leurs engagements de Bruxelles. En Allemagne, j’ai demandé à nos partenaires de faire face à la responsabilité universelle qu’est la sauvegarde du patrimoine de Tombouctou.
Actualité oblige ! La fête de la musique sera célébrée ce 21 juin. Quelles sont les différentes activités à l’ordre du jour?
La meilleure manière pour nous d’introduire la fête de la Musique, c’est de montrer la richesse de la culture à l’illustre hôte du Mali qu’est le Président Marzouki de la République tunisienne. Ce soir et donc à la veille de la fête de la Musique, nous organisons une soirée artistique et culturelle en son honneur. Vous avez pu voir les initiatives privées de concert sur cette date du 21 juin. Il ne me reste plus qu’à souhaiter une bonne fête à tous les mélomanes du Mali en leur demandant de continuer d’acheter des œuvres originales uniquement. Que cette fête soit un engagement de tous pour dire non à la piraterie.
C’est la question posée par bon nombre de Maliens. À quand un véritable événement culturel au Mali?
J’ai sur ma table l’initiative FEINBA de Salif KEITA, qui est le Festival International de Bamako, auquel je compte apporter tout le soutien du gouvernement. J’ai aussi l’initiative TIMBUKTU RENAISSANCE dont vous avez entendu parler depuis notre mission à Doha au Qatar, qui mérite toute l’attention du gouvernement et des partenaires. Cette initiative entend remettre sur pied le festival du Désert de Tombouctou. Le Triangle du Balafon (pour le mois de novembre) se prépare de même que la Biennale de la photographie que nous n’avons pu organiser les années antérieures du fait de la crise.
Un message?
La culture du Mali est diverse, riche et variée. La culture du Mali doit vivre, elle ne doit pas mourir. Nous sommes tous interpellés !
Merci à L’Indépendant pour ce qu’il fait pour la promotion de la culture.
Clarisse Njikam, cnjikam2007@yahoo.fr