Ménaka (- Les récentes attaques au Mali contre la force antijihadiste française Barkhane et l’armée malienne sont la réaction d’un ennemi traqué “dans ses derniers etranchements”, mais “le combat sera long” pour restaurer la paix, estime le chef d’état-major français, le général François Lecointre, interrogé par l’AFP et RFI.
Q: Ces deux dernières semaines, 26 soldats maliens ont été tués et deux soldats de Barkhane blessés dans des attaques distinctes dans le centre du Mali. Doit-on en conclure à un réveil des groupes armés ?
R: Barkhane impose son rythme. C’est précisément parce qu’on est allés chercher l’ennemi dans ses derniers retranchements qu’il réagit aussi brutalement. C’est aussi sans doute parce qu’il a besoin de regagner une certaine aura auprès de la population. Ces attaques très symboliques, qui font suite à des coups durs très puissants portés par Barkhane et ses alliés, sont la réaction de quelqu’un qui se sent acculé. Pour moi c’est un signe positif.
Evidemment, l’ennemi n’est pas défait en un an et demi ou en deux ans. Les groupes essaient de se recomposer, de recomposer des alliances parce qu’ils ont été affaiblis. Mais le constat est unanime chez les Nigériens comme les Maliens: il y a un affaiblissement très fort de l’EIGS (Etat islamique au Grand Sahara, ndlr). A Ménaka, il y a un véritable retour des habitants, la réinstallation de l’Etat et le retour des forces maliennes, parce qu’ils pensent que l’ennemi est désormais à leur portée.
Après, je suis prudent. Ce sera un combat long qui se joue sur les mentalités, pour faire en sorte que la population croie en son Etat, en un Mali dont les administrations reviennent sur la totalité du territoire. Ce n’est pas un travail qui se fait du jour au lendemain, et (c’est un travail) qui doit conjuguer des effets militaires et un vrai travail de communication et de développement.
Q: Un an et demi après sa première opération, où en est la force conjointe du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie)?
R: Je pense qu’on a été trop impatients. On a poussé sans doute à ce que symboliquement cette force conjointe s’engage dans des opérations alors qu’elle n’y était pas complètement prête. Cet objet politique a permis d’attirer un succès d’estime de l’ensemble des Européens, il a permis de faire en sorte que les dons soient promis. Mais il
est toujours difficile de construire une armée, une force opérationnelle.
Il s’agit de mettre sur pied une force qui va agir sur l’ensemble des fuseaux entre les frontières de chacun des pays du G5 Sahel. C’est politiquement compliqué. Nous avons enfin réussi à caler un cadre juridique. Ensuite il faut que les forces mises à disposition du G5 Sahel montent en niveau, sachant que ces forces sont soustraites aux armées nationales, très engagées sur leurs territoires respectifs. C’est un effort considérable. Enfin, il faut recevoir les dons, il faut que les équipements arrivent…
Aujourd’hui la force conjointe reprend son rythme normal de montée en puissance. Mais il ne faut pas en attendre ce qu’elle ne peut pas faire. Elle a une action très précise: éviter la fuite d’un côté à l’autre d’une frontière de bandes ennemies. Pas d’agir à l’intérieur du Mali ou du Niger.
Q: Comment la force Barkhane peut-elle aider le Burkina Faso à endiguer la grave dégradation sécuritaire dans le nord et l’est du pays?
R: On a observé une dégradation de la situation au Burkina Faso de nature à nous inquiéter, car elle nous donne l’indication d’une contagion vers le sud du mouvement jihadiste. Nous avons considérablement renforcé notre coopération avec le Burkina, qui aujourd’hui nous donne des signes de coopération très active. Nous sommes en
train d’étudier la manière dont nous allons pouvoir les aider à s’engager aux frontières et sur leur territoire, dans les zones notamment entre le Niger et le Burkina Faso, où l’ennemi est en train d’essayer de s’implanter.
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