Vous êtes le Porte-parole du Mouvement Pour la Justice Sociale (MJS) qui est lui-même membre de la plate-forme AN TE A BANA, TOUCHE PAS A MA CONSTITUTION. Un mouvement composé entre autres d’Universitaire (Lassine Tolo), journaliste (Boubacar Yalkoué), d’artiste (Master Soumy, Kalifa Tangara dit Dony Brasco).
Quelles leçons tirez-vous de la grande marche de ce matin ?
Maitre ZANA KONE : Des leçons de positivité, de profond optimisme, je suis vraiment très heureux de constater que le peuple est jaloux de sa souveraineté, qu’il refuse qu’un groupe restreint de privilégiés fasse passer ses intérêts pour la volonté du peuple. Ceux qui doutent de notre détermination comprendront que même les montagnes tremblent lorsque la volonté du peuple se fait chair. J’espère qu’ils en ont tiré les leçons et prendront les bonnes décisions. J’espère qu’ils ont pu revenir à la réalité et ont compris qu’il ne s’agit pas d’une centaine de personnes qui s’agitent sur facebook, mais plutôt d’un peuple déterminé et débout !
Cette grande marche a enregistré une forte présence de la jeunesse, par quoi cela s’explique-t-il selon vous ?
Parce qu’il s’agit bien de l’avenir de la jeunesse, parce qu’aucun jeune malien n’a intérêt à voir la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme quelque saint qu’il puisse être, parce qu’aucun jeune n’a intérêt à assister à la perpétuation d’une dynastie au pouvoir, parce que les jeunes aiment la liberté, or avec cette nouvelle constitution, toutes les libertés ont peur pour leur survie.
Pourtant aucune liberté n’est supprimée dans le projet de constitution, votre peur n’est-elle pas injustifiée ?
Non, personne ne mettra dans un texte à soumettre au référendum qu’il supprime les libertés du peuple. La démarche est un peu plus subtile, faites une lecture croisée d’un certain nombre d’articles avec l’article 143. Par exemple, l’article 4 garantit les libertés de pensée, de conscience, de religion de culte, d’opinion, d’expression etc au peuple, mais l’article 143 donne le pouvoir au Président de la République et au Parlement de modifier la constitution sans passer par référendum toutes les fois que la durée ou le nombre de mandats du président et des parlementaires n’est pas concerné.
Ce qui veut dire que demain le Président et le Parlement pourront se cacher derrière des questions de sécurité pour nous retirer la liberté d’expression, la liberté de la presse , la liberté d’association, l’inviolabilité de la vie privée et familiale etc en seulement modifiant les articles 4, 5, 6 et 7 sans passer par le peuple. Et ayant déjà un petit aperçu du triste rapport de ce régime aux libertés individuelles, on ne peut que s’en préoccuper.
Vous parlez beaucoup de détermination, or certains soutiennent que les jeunes ont été payés par les partis d’opposition pour marcher. Qu’en dites-vous ?
Ceux qui n’ont aucune conviction, ceux qui n’ont aucun idéal ne peuvent pas comprendre qu’une action soit motivée par autre chose que l’argent. C’est une véritable honte, ils projettent leur personnalité, ou plus exactement, leur manque de personnalité, sur les autres. Il faut être un fou ou à tout le moins un charlatan pour soutenir que la ferveur populaire qui parfumait si agréablement l’air de ce matin peut être provoquée par l’argent. Non, j’ai vu là des jeunes patriotes qui ont souci de leur avenir, qui veulent rappeler aux gouvernants que le pouvoir leur est juste confié mais n’est pas leur propriété. Ces gens-là qui ont grand plaisir à toujours se tromper constateront que la grande marche du 1er Juillet enregistrera plus de monde que celle de ce matin. Tout le monde veut participer à la construction de l’histoire, la seule qui restera quand nous ne serons plus, la seule par laquelle nous survivrons à la mort. Et dans cette construction, il n’y a pas de place pour l’argent, seule la conviction nous entraine sans qu’on puisse jamais lui résister !
Dans votre livre « l’Etre et la Volonté », vous demandez au peuple de se lever, de provoquer le changement par le bas, pensez-vous que le moment est venu ?
Disons que le moment a toujours été là, c’est l’action qui a pris du retard !
Quel est votre dernier mot ?
Je demande aux gouvernants de prendre la mesure réelle de la situation et de retirer ce projet qui divise, d’intégrer les mutations sociales dans leurs grilles d’appréciation pour enfin comprendre qu’on ne peut pas gouverner en 2017 comme en 1997.
J’appelle la jeunesse à nourrir davantage l’âme patriotique, à sortir massivement pour la grande marche du 1er juillet si le projet n’est pas retiré d’ici là. Nous allons écrire ensemble en lettres dorées les nobles pages pour les générations à venir ; et c’est en cela que nous aurons accompli notre mission générationnelle !
Kèlètigui Danioko( Source le pays)