Me Moustaphe Cissé se prononce sur le coup d’état : «Le peuple malien sortira de cette impasse»

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Le processus démocratique du Mali vient d’être interrompu avec un putsch perpétré par une junte militaire contre le président Amadou Toumani Touré. En votre qualité de défenseur des Droits humains quelles sont vos impressions ?

C’est avec stupéfaction que nous avons appris l’interruption du processus démocratique dans notre pays. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’applaudir une telle situation si ce n’est de la condamner avec la dernière énergie pour la simple raison que le processus démocratique que nous vivions est le fruit du combat héroïque du peuple malien en mars 1991. Et ce flambeau a été soutenu et porté très haut par l’ensemble des démocrates de notre pays. Nous ne pouvons pas accepter, en l’espace de quelques heures, qu’on puisse renvoyer en perte et profit cet acquis immense qui fait que le Mali était considéré comme un exemple de pays démocratique en Afrique, mais aussi au niveau international où étaient appréciées nos capacités et notre apport à la promotion et à la protection des droits et des libertés. Et pour le militant des Droits de l’homme que je suis, j’estime que cette situation est condamnable et qu’il n’y a ni plus ni moins que de la réprobation ferme à afficher par rapport à cette situation.

Quelles sont les conséquences juridiques  de ce coup de force et quelle solution juridique peut-on donner pour sortir le Mali de cette impasse ?  

Il est certain que le peuple malien sortira de cette impasse. Mais il est nécessaire de faire quelques constats avant d’envisager les moyens par lesquels nous pouvons nous en sortir. Il faut savoir que ce coup d’état est intervenu dans un contexte sociopolitique très difficile pour notre peuple. Les gens sont à bout de nerfs, à bout de force et la pauvreté qui existait déjà fait que la situation ne peut pas être satisfaisante pour la plupart des Maliens.

Comme voies et moyens pour en sortir, nous devons d’abord nous accrocher à l’indispensable dialogue qui doit s’instaurer entre les auteurs de cette situation, la classe politique nationale et la société civile, et nos partenaires au développement que sont notamment la communauté régionale, sous-régionale et internationale.

Mais il faut faire attention dans la mesure où cette situation est en train d’être accaparée par des hommes et des femmes qui pensent qu’ils peuvent en tirer un profit personnel. Pour les modalités de règlement d’une telle situation, il faudra que le premier souci soit la sauvegarde des intérêts du peuple, tant pour la communauté internationale, que pour les partis politiques et la société civile. La sauvegarde de l’intérêt du peuple passe par l’acceptation de toute proposition ou de tout compromis qui tienne compte de ses intérêts.

Aussi, il faudrait que la communauté nationale et internationale puisse s’assoir et admettre des compromis qui puissent faire avancer la situation et faire en sorte que nous puissions aller vers une véritable gestion des intérêts du peuple. A noter que ce n’est pas la première fois qu’il y a une rupture de légalité en Afrique et nous ne serons pas sans doute le dernier, hélas. Dès lors, il faut éviter de faire du Mali le cobaye de la communauté internationale. Comme défenseur des Droits de l’homme, le plus important pour nous, c’est de pouvoir dessiner les lignes qui doivent être le fil conducteur de l’attitude de la société civile que nous représenterons. Au-delà de cette condamnation, nous devons poser les jalons en jouant un rôle décisif par rapport au règlement de cette situation et éviter tout compromis qui puisse aider ou soutenir tel ou tel groupe ayant des intérêts personnels à défendre par rapport à la situation. Donc la société civile doit pouvoir s’organiser, s’écouter et dessiner le contour de ce que nous voulons pour notre pays par rapport au principe universel en matière d’Etat de droit, de démocratie et de sauvegarde de libertés fondamentales.

Aussi, il faut aller à l’encontre de la société politique et envisager avec elle les meilleurs moyens par lesquels nous allons pouvoir sortir de cette crise. C’est une équation que nous devons poser et nous atteler à sa résolution avec sérénité et responsabilité. C’est l’équation d’une société civile crédible, ajoutée aux  intérêts d’une société politique dûment analysée le tout en adéquation avec les intérêts du peuple.

Le chef de la junte, en renversant le régime, s’est justifié qu’ils ont pris le pouvoir à cause de l’incompétence du président Amadou Toumani Touré face à la gestion de la crise du nord. Quelle est votre impression par rapport à cette situation ? Aussi, en février dernier, il y a eu des atrocités à Aguelhok et le Mali a entamé une démarche afin de poursuivre les auteurs du crime devant les instances internationales. Par rapport à cette logique, quel est votre point de vue ?

S’agissant des raisons qui sont à l’origine du putsch, je ne saurais en dire plus.

Les atrocités que nous avons enregistrées suite aux attaques de Tessalit et d’Aguelhok ne peuvent pas être passées en perte et profit. Les militants des Droits de l’homme ont une mémoire d’éléphant et quelles que soient les difficultés actuelles dans notre pays, notre devoir de défenseur des Droits de l’homme est  de faire en sorte que les auteurs de ces crimes odieux  puissent répondre de leurs actes devant les juridictions maliennes ou au besoin, devant les tribunaux régionaux ou internationaux.

Sur un autre plan, il faut retenir que la crise du nord a connu une gestion particulière du fait qu’il y avait un déficit de communication. A ce titre, la majorité du peuple malien, y compris les militants des Droits de l’homme que nous sommes, n’étions aucunement informés de la situation en temps réel afin de pouvoir l’apprécier. Nous ferons en sorte que des comptes soient demandés aux auteurs de ces actes pour que la réprobation internationale aussi se manifeste par rapport à cette situation. A l’évidence, nous ne comprenons pas le silence de nos affiliés (FIDH ; UIDH et autres organisations telle Amnesty International …) par rapport aux récents évènements survenus dans notre pays.

Quelles sont vos attentes par rapport à l’arrivée des chefs d’Etat africains qui doivent se rendre à Bamako ?

L’arrivée des chefs d’Etat est une preuve que nous ne sommes pas seuls et que nous vivons dans un monde où nous devons être aussi à l’écoute des autres. J’en suis particulièrement touché, pour la simple raison qu’en 2007, j’ai été au Togo en tant que premier acteur de la société civile, en ma qualité d’expert électoral, où nous avons aidé ce pays à retrouver les meilleurs mécanismes pour organiser les élections qui puissent satisfaire la classe politique nationale et la société civile nationale. De ce fait, il faudrait faire en sorte que l’arrivée des chefs d’Etat puisse nous permettre d’obtenir des compétences étrangères qui viendront s’ajouter aux compétences nationales  pour faire en sorte qu’ensemble nous analysions la situation et prendre les meilleures repères afin d’en sortir. Donc leur arrivée est salutaire et c’est une opportunité qu’il faut saisir. Aussi, que les chefs d’Etat puissent avoir le temps d’écouter le peuple malien dans toute sa composante pour pouvoir tracer les cheminements qui pourront nous faire sortir de cette situation. Je ne suis pas pessimiste et je ne suis pas désespérément optimiste aussi. Mais je sais qu’il y a matière à trouver une solution et le temps nous le dira avec le courage et la détermination des hommes de qualité que nous avons dans ce pays. Ce qui s’est passé au Sénégal aurait pu l’être dans notre pays avec un peu plus de générosité des uns et des autres. Mais malheureusement, nous avons raté un train et nous prendrons la prochaine locomotive qui viendra à la gare.

Propos recueillis par Birama FALL   

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1 commentaire

  1. Il ne faut plus se faire d’illusions sur les institutions africaines. Elles sont au service des Occidentaux servis par les pantins et les fantoches Nègres de la Françafrique.
    Dès que le Mali aura régler cette crise, si l’UA et la CEDEAO ne bougent pas dans le bon sens à savoir le respect et la défense de l’intégrité du Mali, il faudra généraliser la déstabilisation de toute la sous région pour redessiner la carte des États. On verra alors ce qui restera du Burkina-Faso, du Niger, de la Côte d’Ivoire, du Libéria, du Nigéria, bref de tous ces Etats ouest-africains dans leur configuration actuelle. Les Occidentaux se frotteront les mains et on verra que seront devenus les Blaise Compaoré, Ouattara, Boni Yayi et tous ces pantins de Nègres criminels ? Et si nos peuples ne prennent pas au sérieux la malfaisance de ces fantoches à la tête de nos Etats nous n’aurons nos yeux que pour pleurer nos morts. En ce moment crucial, on nous distrait avec des élections néocoloniales pipées d’avance et financées par les occidentaux; mais les vraies menaces qui pèsent sur notre avenir, ce sont des guerres généralisées de remise en cause des frontières, des massacres de masses et le démantèlement de nos Etats. Et c’est aux patriotes africains de barrer la route à cet avenir noir que ces Nègres fantoches nous préparent.
    Peuple du Mali et d’Afrique, ATT n’est pas à sauver, mais bien l’intégrité et l’unité du Mali en tant qu’Etat souverain. Il ne faut pas se tromper de combat.

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