Me. Elias Touré, rapporteur général de la CENI : “La priorité de la CENI, c’est l’organisation d’élections apaisées”

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Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, Me. Elias Touré, rapporteur général de la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI), nous explique l’importance de la tenue des élections législatives aux dates fixées par les nouvelles autorités et les enjeux de ce scrutin.  

 

 

26 MARS : Vue l’état d’avancement actuel du processus électoral, les dates du 24 novembre et du 15 décembre sont-elles tenables ?

 

 

Me. Elias Touré : Je pense qu’il n’y a aucun problème. On a constaté quelques difficultés, d’ordres techniques majeurs, qu’on peut difficilement rattraper. Le fait que le RAVEC n’ait pas pu recouvrir l’étendue du territoire nationale et toutes les représentations diplomatiques, le fait également qu’au niveau de l’enrôlement, certains villages n’ont pas été recensés, veut dire qu’il ya un certain nombre de maliens qui ont le droit de voter mais qui ne pourront pas le faire. C’est aussi le cas concernant les réfugiés et les déplacés. Il faut être de bonne foi et dire qu’il est très difficile pour ces catégories d’électeurs de participer aux législatives. En effet, les déplacés pourront-ils retourner chez eux à temps et retrouver leurs cartes NINA ?

 

 

Concernant les réfugiés, vous avez plusieurs cas de figures et plusieurs juridictions. Par exemple, au camp de M’bera, en Mauritanie, vous retrouverez des gens de Bourem, de Ménaka,…

 

 

Donc, il va être difficile de faire en sorte que chacun puisse voter pour le compte de sa localité. Egalement, il n’ya, en mon sens, pas d’accords avec les pays d’accueil. En plus, l’Assemblée Nationale n’a pas voté de texte concernant le vote des maliens de l’extérieur aux élections législatives alors que pour la présidentielle, il n’ya aucun problème.

 

 

Malgré toutes ces difficultés, nous pensons qu’après la présidentielle, il est important et impérieux de tenir des législatives aux dates fixées. Légalement, ce sont des dates qui conviennent. Nous allons y aller avec ces imperfections, quitte à ce qu’on fasse un bon toilettage des textes et qu’on aille vers des élections apaisées. On peut toujours critiquer des élections, mais l’essentiel, c’est qu’elles correspondent aux normes les mieux possibles.

 

 

26 MARS : Que pensez-vous de ces responsables de groupes armés retenus sur les listes de candidatures aux élections législatives ?

 

 

Me. Elias Touré : M. Thiam, vous savez, pour la présidentielle, nous avions énuméré un certain nombre de difficultés. Par exemple, nous avions dit que la carte NINA ne pouvait valablement pas remplacer les cartes d’électeurs. Nous avions aussi, alerté les autorités au niveau des délais, en plus de certains autres problèmes qui prouvaient que les élections n’allaient pas se dérouler facilement. Nous nous sommes contentés de cela.

 

 

La CENI a un caractère bien spécial. Il est vrai que nous sommes chargés de la légalité. Le contexte bien particulier que nous traversons, la situation socio politique, les difficultés que le peuple malien connait et l’engouement de la communauté internationale envers le Mali font que la CENI doit servir d’arbitre. Ses actions doivent être tempérées et ne doivent pas être de nature à enflammer les esprits. La priorité de la CENI, c’est de faire en sorte que les élections soient apaisées même si, par ailleurs, les difficultés persistent.

 

 

Un mandat d’arrêt suppose la recherche de la personne ciblée, son arrestation,  sa conduite vers une autorité et la garder en prison jusqu’à ce que sa culpabilité ou son innocence soit établi par une enquête. Mais, des accords politiques nous obligent aujourd’hui à avoir des interlocuteurs. Et l’argument majeur que le ministre de la Justice lui-même a avancé c’est que ces mandats concernent les porte-paroles ainsi que les cadres des mouvements armés, principalement le MNLA et le MIA. Il est difficile de garder en prison celui-là qui doit servir de trait d’union et en même temps d’essayer trouver une situation d’apaisement.

 

 

Ceci dit, c’est vrai que ce n’est pas légal. Une bonne partie de la population malienne a été heurtée dans sa sensibilité et récemment, le Chef de l’Etat a dit haut et fort que la situation est « inadmissible et intolérable ». Mais enfin, si c’est le prix à payer pour obtenir la paix, la tranquillité, la stabilité, la possibilité pour les uns et les autres de faire en sorte que le Nord se développe, nous n’avons pas d’autre alternative. Et la CENI se fera fort d’éviter de croiser le fer avec les hautes autorités par rapport à la légalité de la levée de mandat de ces individus.

 

 

26 MARS : Le cas de Kidal est toujours source d’inquiétudes surtout avec le récent regain de tension. Comment se fait la coordination entre la CENI au niveau de Bamako et celle au niveau de la ville de Kidal ?

 

 

Me. Elias Touré : Dans le système de fonctionnement de la CENI, nous mettons l’accent sur le fait que toutes les régions font partie du Mali. Chaque région a son coordinateur. Je viens d’ailleurs de parler le coordinateur de la ville de Kidal qui a aussi, à l’instar des autres régions du Mali, ses démembrements au niveau de chaque cercle et de chaque commune. Et le jour du vote, il ya un délégué de la CENI qui donne le début du scrutin jusqu’à l’affichage des résultats devant le bureau de vote. En ce qui concerne Kidal, la MINUSMA s’investit pour le transport de matériels ainsi que pour le transport du coordinateur et assure la sécurité des électeurs, les jours de vote. Nous espérons que le scrutin se passe le mieux possible dans la ville de Kidal.

 

 

26 MARS : Le taux de participation est toujours un grand enjeu. Qu’est ce que la CENI fait pour qu’il soit aussi bon voire meilleure que lors de la présidentielle ?

 

 

Me. Elias Touré : Pour les législatives, il s’agit des élections de proximité. A titre d’exemple, celui qui veut être député à Niono ou à Bourem donnera le meilleur de lui-même afin que le maximum de citoyens puisse être devant les urnes le jour du vote. Mais, ceci suppose que ces citoyens ont leurs cartes NINA et qu’ils ont pu identifier leur bureau de vote. La distribution des cartes NINA a continué après la présidentielle. Il s’agissait des cartes NINA dont les propriétaires n’ont pas pu les retirer et de ceux dont les propriétaires n’ont pu être identifiés car s’étant déplacés. Nous osons espérer, tout d’abord que le taux de distribution sera plus important qu’à la présidentielle. De plus, le transfert doit être pris en compte. C’est l’exemple d’un citoyen qui a habité Magnambougou durant dix ans et qui vit actuellement à ATT bougou. Cette personne devra demander à ce qu’on transfère son bureau de vote dans un quartier proche de son quartier de résidence actuel. Il y aura donc une reconfiguration des bureaux de vote à l’intérieur du pays dans l’intérêt supérieur des électeurs. Ceci leur permettra de rejoindre leurs bureaux de vote avec le moins d’efforts possibles. Nous espérons que le taux de participation des élections législatives sera plus fort que celui enregistré lors de la présidentielle.

 

 

Propos recueillis par

Ahmed M. Thiam

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