Mariah Bocoum Kéita, Styliste malienne : «Chris Seydou a fait du Bogolan une matière noble pour des créations variées»

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Mariée et mère de trois enfants Mariah Bocoum Kéita est l’une des figures montantes de la mode malienne et africaine à travers sa griffe, «Les Péchés Mignons». Un domaine où Seydou Doumbia dit Chris Seydou est sa référence. Et c’est pour rendre hommage à son idole, qui a donné au bogolan malien une notoriété mondiale, que la jeune styliste de mode à initié «The Chris Seydou Fashion Week». Cet événement est prévu du 26 au 30 octobre au Centre International des Conférences de Bamako. Dans cet entretien, Mariah situe l’événement dans son contexte culturel et historique. Interview !

Le Matin : Pourquoi  «The Chris Seydou Fashion Week» ?
Mariah :
Cette initiative découle de notre volonté de rassembler les professionnels du secteur de la mode, les jeunes créateurs, et un large public autour de la mode, de la création. «The Chris Seydou Fashion Week» se veut une vitrine culturelle majeure de l’artisanat mettant Bamako sous les feux des projecteurs. Mais, objectivement, peut-on aujourd’hui parler de mode malienne et même africaine sans évoquer le nom de Chris Seydou ? Ce styliste qui s’est battu avec acharnement pour la mode africaine, pour faire découvrir le Bogolan (étoffe traditionnelle du Mali) au monde entier. Il a été le premier créateur africain qui a osé habiller les citadins européens aux  couleurs de l’Afrique… Cette initiative est aussi et surtout un hommage à son engagement pour la mode africaine.

-Quelles sont vos ambitions réelles à partir de cet événement ?
Mariah : Cette première édition du festival sera un hommage au regretté Chris Seydou. Ce festival vise à faire revivre Chris à travers ses œuvres et  valoriser le «Made in Mali».
L’ambition est aussi de promouvoir le secteur de l’Artisanat qui est un secteur créateur d’emplois et donc une force économique. C’est un combat engagé par Chris Seydou de son vivant. A travers cet événement, nous voulons, entre autres, créer un cadre d’échange entre les différents acteurs du secteur, contribuer au développement durable du secteur économique, améliorer l’appui à la création et faire découvrir le savoir-faire de ces acteurs, en valorisant leur image tant au niveau national qu’international.

-Quelles sont les manifestations prévues durant «The Chris Seydou Fashion Week» ?
Mariah : Le programme prévoit des activités comme une exposition-vente, une soirée traditionnelle, le «Chris  Seydou Fashion Award» avec la remise de «Trophée Chris Seydou» au meilleur styliste confirmé par rapport à ce que le lauréat fait pour la mode africaine ainsi que sa créativité. Il est également prévu un concours des jeunes créateurs afin de leur offrir une vraie chance professionnelle, un concert géant, un séminaire et plusieurs animations artistiques.

-Qui seront les invités de cette manifestation ?
Mariah : La famille et les amis de Chris Seydou, les officiels de notre pays, les professionnels de la mode africaine, les médias nationaux et internationaux et tous les amoureux de la mode.
Mariah : Qu’avez-vous personnellement hérité de Chis Seydou ? L’amour de la mode, du textile malien et africain, notamment du Bogolan qui est une matière noble et avec lequel on peut créer à peu prêt tout ce qu’on  veut. Une gamme très variée qui va de la robe de soirée chic à l’ameublement.

-Quelles sont vos attentes par rapport à «The Chris Seydou Fashion Week» ?
Mariah : Notre ambition est de faire revivre ce talentueux créateur (Chris Seydou) à travers ses œuvres. Nous souhaiterions lui donner cette reconnaissance amplement méritée. Notre souhait est aussi d’amener le savoir-faire des créateurs africains sur une plateforme internationale, un tremplin incontournable pour acquérir une grande notoriété.

-Quel appel avez-vous à lancer au public et aux autorités ?
Mariah : Je demande au public de sortir massivement pour qu’ensemble nous nous remémorions le talent immense de Chris, et que nous lui rendions un bel hommage amplement mérité. Quant aux autorités, je leur demande un accompagnement tout au long de cette belle aventure. Nous, mes collaborateurs et moi, avons la volonté de faire beaucoup de choses durant ce festival. Cela n’est pas réalisable sans une expression concrète de la volonté politique.
Propos recueillis par  Kader Toé

Chris Seydou, un créateur atypique
De son vrai nom Seydou Nourou Doumbia, Chris Seydou était un couturier malien. Né le 18 mai 1949 à Kati (Mali) et il a été arraché à l’affection des siens et de la mode africaine le 4 mars 1994 à Bamako. Chris a passé une partie de son enfance à Ouagadougou (Burkina Faso) avant de revenir s’installer avec sa mère à Kati en 1963.

Dés son enfance, il dessine et crée des modèles de vêtements pour habiller les poupées. En 1965, il est apprenti chez le tailleur Cheickna Camara à Kati. Deux ans plus tard, il retourne à Ouagadougou où il ouvre sa première boutique-atelier. En 1969, Seydou séjourne à Abidjan (Côte-d’Ivoire) avant de s’installer à Paris en 1971. Dans la capitale française, il travaillera pour Yves Saint-Laurent puis chez Mic Mac avec le styliste Tan Giudicelli. Il rencontre également le couturier Paco Rabanne.
A partir de 1981, il s’installe de nouveau à Abidjan où il créé sa griffe Chris Seydou. Il utilise dans ses créations les différents tissus traditionnels africains, notamment le Bogolan. Il retourne au Mali en 1990, où il se lie d’amitié avec Alpha Oumar Konaré, élu président de la République en 1992. Il décède de maladie en 1994 à Bamako au sommet de son art. Il s’est éclipsé après avoir revalorisé les tissus traditionnels, un pan important des arts et de la culture au Mali. Depuis son décès, aucun hommage à la hauteur de son talent et de son engagement culturel ne lui a été rendu. Un vide que Mariah Bocoum Kéita veut combler aujourd’hui, 17 ans après sa disparition !                    
 A.D

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