La nouvelle émission téléréalité, “L’Instant Thé”, est une véritable innovation car elle sort des sentiers battus. Et pour la première fois, le grin, banalisé de plus en plus dans notre vie quotidienne, se met au-devant de l’actualité. Pourquoi donc cette émission et comment a-t-elle été conçue ? L’initiatrice, Mantchini Traoré, répond à toutes ces interrogations, tout en précisant que 422 grins ont été touchés. Mais à l’issue d’un appel à candidature, 30 dossiers de grins ont été reçus dont 24 à Bamako et 6 à Ségou. Au finish, huit grins ont été sélectionnés dont six à Bamako et deux à Ségou.
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous nous expliquer le concept de l’émission “L’Instant Thé” ?
Mantchnini Traoré : En fait, cette émission est un concept créé par moi-même. “L’instant thé” est une émission de téléréalité responsable coproduite par l’association Cultur’Elles, l’agence Spirit McCann, et Banko Production. Elle a pour but d’engager, à travers les grins, des jeunes de 18 à 30 ans dans le développement de leur quartier, de leur commune et du Mali. L’émission met en compétition huit grins de Bamako et Ségou autour de projets de développement de leur quartier/commune. Chaque grin doit proposer un projet d’intérêt général pour le développement de son quartier ou de sa commune. Le challenge est leur capacité à mobiliser la population locale autour du projet et à lever des fonds localement (en nature ou numéraire). A travers la rubrique “le défi de la semaine” les groupes aborderont, à travers des formes artistiques, les problématiques qui devraient être une préoccupation pour l’ensemble de la jeunesse : citoyenneté, civisme, question de genre, santé de la reproduction et décentralisation.
Comment la compétition va-t-elle se dérouler ?
La compétition se fera sur différents niveaux. Il s’agit d’abord de la pertinence du projet dans le développement du quartier/de la commune ou de sa jeunesse, la cohérence et la viabilité du projet, la capacité du groupe à développer des initiatives pour lever les fonds ainsi que la capacité à impliquer la population locale dans le projet. Les lauréats, notamment les 3 premiers grins, seront ceux qui auront cumulé le plus de points en fonction du gain de points octroyés par le jury lors de chaque prime,du gain de points bonus lors “des défis de la semaine” et des votes du public.
L’émission apportera le complément de financement pour les 3 projets primés et accompagnera la réalisation. Chaque grin est encadré par un coach formé en amont. A cet effet, on a fait appel à 8 jeunes disposant d’une expérience avérée dans le domaine du montage et suivi de projets, la gestion d’équipe. Ils sont en majorité des membres de la Jeune chambre Internationale.
L’instant-thé sera diffusé sur l’Ortm de février à avril 2017, selon le planning suivant : les quotidiennes de 10 mn les lundi-mercredi-vendredi à 17h45 et les primes de 45 mn toutes les deux samedis à 16h30.
Pourquoi avez-vous décidé de créer une telle émission ?
Merci pour cette belle question. Vous savez, Mars 2012 est une date mémorable pour tous les Maliens ! Oui, un 22 mars pas comme les autres!!! Un coup de réveil très brutal pour la population malienne et surtout pour la jeunesse. Un putsch après 20 ans de démocratie ! Alors que le Mali était cité en exemple en matière de démocratie. Ce fut la désillusion totale. Cette crise a été un déclic. Les Maliens ont commencé à se poser des questions sur l’avenir du pays, sa gouvernance et les maux qui gangrènent notre société. Tous sont arrivés à la même conclusion. Cette situation est loin d’être une fatalité, la seule solution proposée par tous c’est le “changement”. Mais c’est quoi le changement ? Comment se fait-il ? Qui le fait ? Et à quel niveau ? C’est toute la problématique actuelle. Le changement politique est certes important, mais il ne garantit pas à lui seul ce changement tant attendu par tous. Pour favoriser le développement, la culture de la paix et la réconciliation, il faut amener chaque citoyen à prendre conscience de l’importance de son rôle dans ces processus pour qu’il en devienne un acteur à part entière. La jeunesse qui représente l’avenir d’un pays a bien sûr un rôle essentiel à jouer. C’est seulement en jouant leur rôle d’acteur majeur que les jeunes Maliens peuvent impulser le changement tant attendu.
Malheureusement, on assiste à une jeunesse malienne désemparée par le manque de perspectives ; qui a perdu confiance en elle-même ; qui ne croit plus à la valeur du travail. Partant de ce constat, je me suis posée la question de comment amener cette jeunesse à se prendre en main ? Comment l’amener à s’intéresser et à s’impliquer dans le changement de son cadre de vie ?
Pour un changement positif et durable, il était important de s’appuyer sur certains éléments existants dans l’organisation de notre société : donc on a pensé au “grin”.
Le grin, qui, est l’un des éléments majeurs qui structure la vie de la jeunesse malienne peut être utilisé comme un levier pour impulser le changement. D’où le nom de l’émission “L’instant thé”. On joue sur 2 T : le premier comme le temps, il est temps d’agir, il est temps de s’engager. Le second c’est le thé, qui est l’essence des grins. L’enjeu est d’amener les grins à être utiles à leur environnement tout en buvant du thé. D’où le slogan “Boire du thé et Agir”.
Comment l’émission a-t-elle été mise en place, à commencer par la sélection des grins ?
Nous avons lancé un appel à candidatures sur 2 mois. Cet appel a été accompagné d’une campagne de communication sur les radios (à Bamako et Ségou), sur l’Ortm et les réseaux sociaux. Nous avons aussi mené des actions de terrain qui avaient pour objectif d’aller vers les jeunes pour les sensibiliser au projet. 25 jeunes repartis en 5 groupes ont sillonné la ville de Bamako. Nous avons ainsi pu toucher 422 grins (ce qui fait une moyenne de 4 220 jeunes).
A l’issue de l’appel, nous avons reçu 30 dossiers de candidatures de grins dont 24 à Bamako et 6 à Ségou. Les trois jours de casting organisés à Bamako et Ségou nous ont permis de sélectionner 8 grins dont 6 Bamako et 2 Ségou avec des projets dans le domaine de l’éducation, la culture, l’assainissement, l’écologie, l’hygiène et l’eau.
Les grins de Bamako sont Benkadi de Sébénicoro (Commune IV) avec le projet : “Adduction d’eau, forage”, Impact de Garantibougou (Commune V) avec le Projet : “Construction et réhabilitation des latrines au CSCOM“, Grin du Futur d’Hamdallaye (Commune V) avec le Projet : Construction d’un espace de vie polyvalent pour les jeunes : formation, vie social et culturel, Guélékan de N’tomikorobougou (Commune III) avec le projet : “Éducation et Culture“, les Pros Actifs de Banconi (Commune I) avec le Projet : “Siguida Lakana”, Zoro de Bagadadji (Commune II) avec le projet : “Cours de soutien aux enfants”.
Les deux grins de Ségou sont Authentic Club de Pélégana avec le projet : “Recyplast” et Ségou Paw de Sébougou avec le projet “Eau, assainissement et hygiène”.
Est-ce que ces grins ont bénéficié d’une formation ?
Effectivement, nous avons organisé des journées de formation et d’orientation à Bamako et Ségou, en 2 phases. Il s’agit d’une journée de formation et le briefing des coaches par Sidi Dagnoko sur les contours de la compétition, les aspects stratégiques, les attentes vis-à-vis du coaching et le rôle central des coaches dans le cadre de la compétition. Sans oublier l’aspect essentiel de la mobilisation et de la qualité des projets.
Nous avons ensuite organisé deux journées d’orientation animées par Jimmy Berthé et Amadou Diarra dit “Diplomate”. Il s’agissait de présenter à nouveau le concept de l’émission L’Instant Thé, le programme et l’organisation autour de la compétition, les attentes de la production et les règles de la compétition et le concept des défis aux grins. Nous avons aussi recueilli les points de vue des participants.
Ces journées se sont terminées par un tirage au sort permettant d’attribuer un coach à chaque grin.
Quelle est l’équipe de ce projet ?
Vous savez, ce projet est l’aboutissement de deux années de travail à l’ombre, d’une équipe qui, de trois personnes au départ (Mantchini, Jimmy Berthé et El Hadj Diop), appuyées par l’équipe de l’Agence Spirit, s’est élargie à une trentaine de jeunes dynamiques, motivés et engagés.
Nous nous sommes entourés d’un comité technique composé de 10 professionnels de la culture, des finances, de la communication, de l’entreprenariat, de la décentralisation et des questions de genre. Il nous appuie depuis un an dans l’orientation du projet. Les membres du Comité technique sont Samuel Sidibé (directeur du Musée national, Coumba Bah (Onu-Femmes), Mariam Diallo Dramé (Afled Mali), Amina Sylla (Bci-Mali), Adam Thiam (Journaliste), Sidi Dagnoko (Manager général de Spirit), Thierno Ba (Fofy Industries), Fousseini Diabaté (Oxfam) Magali Moussa (GIZ Padre), Diaby Doucouré (Omja – France).
Réalisé par A.B. HAÏDARA