Mamadou Dabo, représentant des orpailleurs de Kenieba : « Les multinationales ont dépossédé, la population de ses terres »

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En marge du dialogue inclusif, Mr Mamadou Dabo, le représentant des orpailleurs de Kenieba a bien voulu nous accorder une interview. Sans langue de bois, il a égrené les difficultés que rencontrent les orpailleurs face aux multinationales avec la complicité des autorités. Lisez l’interview !

Carrefour : Qui est êtes vous Monsieur ?

Moi, je m’appelle Mamadou Dabo, je suis le représentant de la fédération nationale des orpailleurs de Kenieba, je suis là au nom de mon président  Lassine Camara qui est le vice président de la fédération nationale des orpailleurs du Mali.

Carrefour :Vous pouvez nous dire les difficultés que les orpailleurs de Kenieba rencontrent actuellement ?

Effectivement Kenieba est une zone d’orpaillage par excellence, il faut retenir une chose l’orpaillage traditionnelle se pratique à Kenieba depuis fort longtemps , donc pratiquement au niveau local , l’économie locale repose sur cette activité. Mais ces derniers temps avec l’arrivée des multinationales, les choses ont bien changé et la distribution anarchique par l’État des permis d’exploitation minière a entrainé une tragédie, car on  dépossède les populations locales de leurs terres agricoles.

Que ce que l’État a envisagé pour vous soutenir contre ces mastodontes ?

Bon pas grand-chose, si c’est ne des couloirs choisis au hasard, parce que de toutes les façons depuis nos ancêtreson n’a pas eu besoin de fouiller ou faire des prospections pour savoir s’il  y’a de l’or ou pas. Notre terre nous appartenait en totalité on s’installait, s’il ya de l’or on exploite le cas échéant on va ailleurs, donc quand l’État a accordé les permis, les multinationales ont pris le relai, elles ont choisi, les endroits où, il y’avait des traces d’exploitation de l’or, ils ont commencé à prospecter ces endroits. IL y’ a deux types d’exploitation, l’exploitation alluvionnaire c’est-à-dire à ciel ouvert et l’exploitation de l’or en profondeur, elles n’ont pas besoin de fournir beaucoup d’efforts pour savoir s’il ya le métal jaune, mais avec l’exploitation traditionnelle on ne peut aller au-delà de 20 m. Pour des questions de conscience , l’État a offert des couloirs , ces couloirs ne sont pas aurifères , d’ailleurs , il n’a offert que quatre couloirs pour 12 communes , il faut parcourir environ 60 kmpour avoir droit  à une zone d’exploitation ; vous voyez ce que ça coûte en termes d’énergie, avant on s’appuyait sur l’or et l’agriculture. Àl’époque  une femme malinké, avant d’aller chercher l’or venait voir un boutiquier pour prendre les provisions de sa famille, après avec le système de troc, elle venait  rembourser le boutiquier et faisait  face ainsi  aux besoins ménagers.À moins de deux kilomètres, elle a un peu d’or. Mais avec le système de couloir, l’État a privé les populations locales d’une source de revenus précieuse et naturelle, si un couloir est situé à 20 km de chez toi, vous imaginez ce que cela coûte en termes de déplacement. Si vous n’aviez pas de moyens de locomotion, vous risquez gros. Je prends l’exemple de Taoudenni où on exploite du sel, le sous-sol est riche en sel, c’est le cadeau de la nature, maintenant quand vous dites par exemple à la  population que les multinationales vont exploiter ce sel sur les sites d’exploitations traditionnelles, vous, vous  rendez compte du tord que vous leur causez. Les multinationales ont contracté des prêts auprès des grandes banques de la place pour tirer profit, elles ont occupé toutes les terres aurifères. Partant nous n’avons plus rien nous ne pouvons pas faire d’élevage, on ne peut plus cultiver nos terres. Le pire ce que quand l’État octroie un permisd’exploitation  à ces multinationales, si le site se trouve sur l’emplacement d’un village, les multinationales viennent négocier avec le village pour faire déplacer la population. Dans le pire des cas, vous trouvez que le village est vendu parce qu’il se trouve dans le périmètre d’un permis d’exploitation. Le hic est que même les cimetières ne sont pas épargnés. Avec l’aide de l’État que ce que ces mastodontes font, ils essayent d’inventorier le village pour, ensuite vous dédommager. Ils vous demandent d’aller choisir un autre endroit pour construire des maisons  modernes avec tout le confort. Mais les sociétés minières ignorent un détail, le village déplacé est un problème, car les ancêtres de ces villages ont fait un grand sacrifice parfois même humain pour que les cieux apportent le bonheur et la tranquillité. Les hommes font un tel sacrifice, pour apporter le bonheur aux générations futures.  Souvent, c’est sous forme de prévision basée sur l’or ou sur l’agriculture, dans ce cas vous pouvez choisir une mine d’or un champ de maïs ou une rizière. Souvent, elles vous induisent en erreur en rasant même les  cimetières. Alors quand les gens quittent la prière pour la Tabaski par exemple, ils viennent se recueillir sur la tombe de leurs parents décédés, ils font des prières pour que Dieu ait pitié de leurs âmes. Si on rase ces tombes, c’est pour effacer notre mémoire comme si on n’a jamais eu un passé historique. Pour ces sociétés tout est monnayable, elles pensent qu’avec l’argent, on peut payer la dignité des gens. Voici grosso modo, les problèmes auxquels nous faisons face.  Dans le pire des cas, les multinationales entourent les sites de fil de fer barbelé. La raison empêchée, les populations d’exploiter de l’or, souvent ceux qui assurent la garde de ces sites n’hésitent pas à tirer sur les gens qui viennent grignoter un peu d’or. L’exemple c’est Komana l’opinion publique est au courant de cela.Et, l’État n’hésite pas à faire venir nos frères pour qu’ils nous mentent pour couvrir ces dérapages. En Afrique du Sud aussi, le cas est arrivé à Marakana, la police a tiré sur des mineurs à bout portant. Quand  tu n’arrives plus à vivre chez toi, surtout un jeune, tu n’as d’autre choix que de prendre la route de la méditerranée pour aller en Europe, c’est pourquoi cette partie de la mer est devenue le cimetière des jeunes Africains. Vous  voyezen Afrique du Sud la xénophobie est en train de se développer, tout le monde sait ce qui se passe en Angola, le Maghreb n’en parlons pas. Les Occidentaux sont en train  d’encourager nos compatriotes  àrevenir  pour se reconvertir dans le domaine de l’entrepreneuriat. Malgré ces exemples ceux qui ont fait le choix de rester vous les déposséder de leurs  terres d’exploitation agricole d’élevage, c’est vraiment dommage. Au niveau de Kenieba on n’a pas accès au crédit bancaire. Pour nous rouler dans la farine, les multinationales et l’État nous disent organiser vous en coopérative pour 0 résultat. Une compagnie minière peut payer une machine à  700 millions de FCFA où est ce que nous, nous pouvons trouver  cet argent, nous sommes tout simplement à l’agonie. Pour nous tromper encore plus, ils nous disent de monter des projets fiables, pour pouvoir monter un projet, il faut être un académicien fiable. Nous n’avons pas ce niveau. Pour qu’un consultant vous monte un projet  minierpour  pouvoiravoir un financement, il faut au minimum débourser 20 millions de FCFAà 30 millions de FCFA. Cette somme n’est pas à la portée des populations locales. Nous, nous pensons c’est une façon pour l’État de nous exclure.

Que ce que vous souhaitez que l’État fasse pour vous soulager ?

Nous demandons à l’État le respect de notre patrimoine culturel, ensuite la protection de l’environnement. Notre souhait est que l’État incite les banques à ouvrir  les crédits pour nous aider afin que l’or brille pour tous. D’ailleurs, j’ai évoqué les difficultés des orpailleurs lors de l’atelier sur le dialogue inclusif. Il faut que l’État fasse en sorte que nos terres agricoles soient préservées. L’or rapporte beaucoup, mais la terre aussi ne ment pas. Que l’État joue son rôle de sentinelle pour que ces multinationales utilisent une partie des capitaux pour développer nos localités en construisant des centres de santé, des hôpitaux, des routes, des châteaux d’eau. Qu’elles embauchent nos jeunes pour éviter qu’ils n’aillent en aventure. La jeunesse est le pilier de tout  pays , une jeunesse désœuvrée est une bombe à retardement.

Propos recueillis par Badou S. Koba

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