MALI. “La crise dure, les seigneurs de la guerre s’enracinent”

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Le diplomate mauritanien et ancien haut fonctionnaire des Nations Unies, Ahmedou Ould-Abdallah “redoute qu’il ne soit bientôt trop tard”.

Diplomate mauritanien et ancien haut fonctionnaire des Nations Unies, Ahmedou Ould-Abdallah pose un diagnostic critique sur la crise malienne : “Je redoute qu’il ne soit bientôt trop tard”. 

 

Vous affirmez que les terroristes d’Aqmi sont en fait les intermédiaires de trafiquants. Cette accusation concerne-t-elle les rebelles maliens ?

– Je maintiens qu’il existe des terroristes islamistes qui ont été encouragés à descendre dans le sud et sont devenus des trafiquants, premièrement de cigarettes, deuxièmement d’immigrés irréguliers, d’armes, de voitures volées et, surtout depuis quelque temps, de drogue. Cette transformation de leur quotidien qui est devenue une activité à part entière leur permet des protections et des connivences avec de nombreux services de sécurité avec la zone qu’ils traversent, et à des sommets relativement élevés : des services de douanes, de gendarmerie, de police et avec toutes les bénédictions nécessaires. Et cette dimension ne doit pas être sous-estimée à cause des slogans terroristes islamistes que je reconnais bien volontiers comme existants mais qui sont en fait bien moins importants.

Vous visez un mouvement en particulier ? Mujao ou Ansar Dine pour le Mali par exemple…

– Je pense que sous le couvert d’Aqmi tous ces groupes qui opèrent au Sahel ont des connections avec les trafics y compris au Nigeria. Et ils sont liés aussi à la piraterie. Ce n’est pas lié à cette région, c’était le cas en Afghanistan. J’ai également vécu cela personnellement lors de ma médiation en Somalie. Mais je pense que ce caractère prend une dimension beaucoup plus importante et beaucoup plus sérieuse qu’on ne le pense dans le Sahel à cause de l’immensité des territoires concernés, de leur sous-administration et de la pauvreté matérielle de ses populations. Tous les groupes sont concernés. Même si naturellement les gens pensent que le Mujao a des connexions avec le Nord-Mali, tous sont concernés.

Vous appelez à la mise en place d’un mécanisme immédiate d’un mécanisme de facilitation du dialogue entre les parties. Mais comment voyez-vous ce mécanisme ? Qu’est-il possible de faire ?

– Je pense que la crise malienne est le sommet de l’iceberg de la crise sahélienne. Le Mali a explosé avant tous les autres pays, mais tous ont des problèmes identitaires et économiques très sérieux. Et s’ils ne font pas attention, la crise peut les contaminés très vite. Comme on le voit en Afghanistan où la crise touche les pays voisins, ou en Somalie qui connaît également une telle contagion, cela peut aller très vite. C’est pourquoi il est urgent, au Mali, de réconcilier les forces de sécurité, les bérets verts – fidèles au Capitaine Sanogo – et les bérets rouges – corps d’élite de la Garde du Président déchu – et tous ceux qui les commandent. En d’autres termes, on doit aider les régimes passés – le général Moussa Traoré renversé en 1991 et le général Toumani Touré renversé en 2012 – à s’entendre et à appeler à l’union nationale. Et le mieux est que les Maliens le fassent entre eux. Cela coûtera moins cher et cela leur évitera d’être un objet sur les sommaires des réunions internationales. La communauté internationale n’est, de toute façon, pas prête à financer l’envoi de troupes internationales dans la région, surtout lorsqu’on chiffre des budgets à 400 millions de dollars.

Le déploiement de forces de la Cedeao n’est pas nécessaire, ou souhaitable ?

– Il faut d’abord épuiser les recours pacifiques, le dialogue entre Maliens, les négociations menées par le Burkina Faso ou l’Algérie. Mais en tout état de cause l’envoi de troupes est extrêmement coûteux et je ne crois pas que les pays occidentaux soient prêts à débourser autant.

De quoi dépend une entente ?

– Il faut que le gouvernement central à Bamako soit plus fort, plus crédible, plus accepté. Et c’est ce gouvernement qui ira négocier au niveau national. Dans le passé, les négociations étaient relativement faciles parce qu’il y avait un gouvernement central fort à Bamako qui par plusieurs intermédiaire dont l’Algérie, négociait avec les rebelles. Aujourd’hui, les rebelles ont éclaté en plusieurs groupes, le gouvernement central a une certaine légitimité à travers son Premier ministre et le président qui est légal, mais il ne maîtrise pas toutes les cartes, n’ayant pas le monopole de la force à travers le territoire, ils n’ont pas l’exclusivité de la légitimité.

Ils ont besoin de cela et de l’appui de tous les Etats de la région et pas seulement de celui de l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger. Il faut également associer le Nigeria, le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Sénégal…

C’est aux pays de la région de prendre leurs responsabilités ou alors nous ne pourrons plus s’en prendre aux forces en présence qui en appellent à une intervention internationale.

Croyez-vous encore en un règlement du conflit ?

– Oui, un consensus est encore possible. La porte est encore ouverte pour parvenir à un accord, mais plus le temps passe et plus elle se referme alors le temps presse. Car plus le conflit dure et plus il crée de nouveaux intérêts politiques et financiers. Si on peut apprendre quelque chose des autres crises, c’est bien que plus elles durent, plus les seigneurs de la guerre se sentent à leur aise, plus ils s’enracinent et c’est cela qu’il faut éviter. Il faut mettre fin à cette crise le plus vite possible car il est déjà tard et je redoute qu’il ne soit bientôt trop tard.

 

tempsreel.nouvelobs.com/ 03-09-2012 à 19h27

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2 COMMENTAIRES

  1. Concensus, négociations…

    Négocier quoi ?

    L’abandon des 2/3 de notre territoire aux islamo-traficants ou l’application de la charia sur tout le Mali ?

  2. La Mauritanie n´a aucune lécon á donner au Mali maintenant en voyant cette Mauritanie garder les Bureaux ouverts des Islamistes et d´AQMI sur son térritoire.
    Actuellement il n´ya pas de Guerre au Mali,seulement des Malentendus entre des frères Maliens.
    75% des Islamistes sont des vrais CITOYENS MALIENS comme chaque citoyen Malien,né et grandir au Mali,etudié et d´autres ont servi le Mali et ils ont des familles partout au Mali,le MUJAO également á plus de 55% des Maliens,si l´Armée Malienne les combattent violemment aujourd´huie OÙ vont ils ? NULLE PART.
    Ceux qui ont tué les jeunes soldats Maliens á Agualhoc ne sont Sùrement pas des Maliens,donc ils doivent ètre JUGÉ et punis qu´ils soient du MUJAO ou D´ANSARDINE mais je suis très sùre que c´est la manigance des soit disants Rébelles du MNLA et de la France pourqu´AQMI soit impliquer obligatoirement dans la CRISE,car c´est AL-QUAIDA qui égorge des fois des AMÉRICAINS en AFGANISTAN cela est connu.ET que les Islamistes n´ont qu´a èffacé dans leur livre de Charia si c´est écrit que si un Noir tue un Blanc,le noir doit ètre tuer mais si un Blanc tue un Noir,le Blanc ne doit pas ètre tuer.
    Cela montre que leur ALLAH est RACISTE et celui là n´est pas le ALLAH de MOHAMED RASSOULOU LAHI SALALAHOU ALÉHI WA SALAM qui a crée les couleurs pour la BEAUTÉ de l´UNIVERS.
    Ansardine ou MUJAO rétournez sur la TABLE de NÉGOCIATION,occupez vos places dans la grande Famille. Malgré cette CRISE vos frères du Sud comme de l´ouest vous aiment.
    Tous ceux qui sont contre les Noirs Maliens sont contre Les BLANCS MALIENS. Le Mali est une terre Béni dépuis le temp de Kankan Moussa qui transportait des Milliers de tonnes d´Or de cette terre Malienne vers la MECQUE. N´oubliez pas.

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