Dans cet entretien exclusif accordé a L’Essor dans le cadre de la Semaine du Numérique, le ministre de la Communication, de l’économie numérique et de la Modernisation de l’Administration rappelle que les TIC constituent un facteur de résilience face a la crise multiforme.
Il souligne également l’importance qu’accorde le chef de l’État à ce secteur qu’il considère comme stratégique dans la lutte pour la souveraineté. Dans cette optique, le colonel Assimi Goïta a annoncé, samedi dernier à Sikasso, un vaste programme de digitalisation des services publics pour à la fois faciliter leur accessibilité par les citoyens et lutter contre la fraude et la corruption.
L’Essor : Notre pays abritera du 25 au 27 juin, la deuxième édition de la Semaine du Numérique, pouvez-vous nous parler des objectifs de cet événement ?
Alhamdou Ag Ilyène : L’objectif global de la Semaine du Numérique est de mettre en place un cadre d’échanges permanent entre tous les acteurs du secteur du numérique pour favoriser la compétitivité, la créativité et l’exposition du savoir-faire malien dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).
Les objectifs spécifiques sont, entre autres, l’appui aux startups du secteur des TIC par la promotion des initiatives ou solutions orientées vers la modernisation de l’Administration, de la sécurité et de la défense. Il est également prévu d’animer des panels pour identifier les défis et les pistes de solutions dans le cadre de la modernisation de l’Administration et de la crise sécuritaire pour consolider notre souveraineté.
Fait partie des objectifs, la promotion de l’excellence par l’esprit de créativité et de compétitivité par des compétitions et expositions en stand. Nous n’oublions pas la création d’un réseau d’acteurs pour promouvoir la collaboration et l’investissement dans le secteur. Nous comptons également inciter à la mise en place d’un fonds pour pérenniser la Semaine du Numérique. Et également constituer une base de données des différents acteurs du secteur pour explorer les opportunités de financement ou d’investissement en faveur des jeunes et des start-ups et favoriser l’autofinancement du secteur.
L’Essor : Qu’attendez-vous des acteurs de l’écosystème du numérique pendant ce grand rendez-vous ?
Alhamdou Ag Ilyène : Les attentes envers les acteurs de l’écosystème numérique incluent leur participation active dans les panels de discussion, leur contribution à l’identification des défis et à la recherche de solutions, et leur engagement dans la promotion des initiatives visant à moderniser l’administration et à renforcer la sécurité conformément à la déclaration de Son Excellence le colonel Assimi Goïta, président de la Transition, chef de l’État du 22 juin 2024 à Sikasso. De plus, les acteurs sont encouragés à montrer leur savoir-faire à travers des expositions et des compétitions, et à collaborer pour la mise en place de projets innovants et pérennes.
L’Essor : Quelles sont les innovations de l’édition 2024 ?
Alhamdou Ag Ilyène : Pour l’édition 2024, plusieurs innovations sont prévues. Notamment, l’accent sera mis sur les Technologies de l’information et de la communication (TIC) comme facteur de résilience face à la crise multiforme dans le Sahel. Cette approche vise à tirer parti des TIC pour répondre aux crises sécuritaires, économiques, sanitaires et environnementales qui concernent l’Afrique en général et en particulier notre région.
Les crises mondiales récentes, telles que la pandémie de Covid-19, les conflits géopolitiques, les catastrophes naturelles et les cyberattaques, ont souligné l’importance cruciale des TIC dans divers secteurs. Ces crises ont conduit à une adoption accumulée des TIC pour assurer la continuité des services, faciliter la communication et coordonner les réponses d’urgence.
L’édition 2024 de la Semaine du numérique entend continuer à promouvoir l’utilisation pérenne des TIC en mettant en lumière les innovations comme la promotion du genre dans les métiers du numérique. Cette dimension spéciale sera consacrée à l’encouragement des femmes à s’engager dans les carrières numériques, en mettant en avant des modèles de réussite et en offrant des opportunités de formation et de réseautage.
Les innovations concerneront également l’apprentissage par le numérique (e-learning). Dans ce cadre, le développement et l’adoption de plateformes d’apprentissage en ligne seront renforcés pour garantir un accès équitable à l’éducation, même en temps de crise. Nous prévoyons aussi des outils collaboratifs par la mise en avant de solutions collaboratives telles que la messagerie sécurisée, la visioconférence et des plateformes de gestion numérique pour divers secteurs (administration, santé, éducation, sécurité) seront développées et renforcées, facilitant ainsi le travail à distance et continuité des services publics.
Le développement de solutions spécifiques fait également des innovations. Des plateformes de gestion des documents, des systèmes d’information géographique (SIG) et des applications pour la gestion des chaînes pénales et civiles seront déployées pour améliorer l’efficacité et la transparence de l’administration publique. En somme, ces innovations visent non seulement à répondre aux défis immédiats posés par les crises actuelles, mais aussi à renforcer la résilience et la durabilité des systèmes grâce à une adoption généralisée et continue des TIC. Cela permettra de pérenniser l’utilisation des TIC comme levier essentiel de développement et de modernisation, tout en assurant que les bénéfices de la transformation numérique soient ressentis à tous les niveaux de la société.
L’Essor : Selon vous comment les TIC pourraient-elles contribuer à la modernisation de l’administration ?
Alhamdou Ag Ilyène : Les TIC contribuent à la modernisation de l’administration en améliorant son efficacité, en améliorant l’organisation, la gestion et le contrôle des services publics, et en particulier les coûts. Elles permettent également d’assurer la transparence, de restaurer l’autorité de l’État et de renforcer la souveraineté nationale. Des projets comme l’Intranet de l’Administration, la connexion des communes et des écoles à Internet, ainsi que la création de centres multimédias communautaires illustrent ces efforts.
Nous disposons des services et des ressources humaines pour l’opérationnalisation de ces actions, la digitalisation des services publics, le développement d’applications pour divers secteurs (santé, éducation, sécurité). Les impacts attendus sont l’amélioration de l’accessibilité des services publics, la lutte contre la corruption et la fraude, et l’instauration de la bonne gouvernance. Aujourd’hui, les Technologies de l’information et de la communication (TIC) sont incontournables dans le développement qui passe par la modernisation de l’État, en particulier celle de l’Administration pour laquelle les autorités du Mali ont opté depuis l’ avenue du numérique.
Par l’intégration des TIC, la modernisation vise à accroître l’efficacité de l’Administration, à améliorer l’organisation, le fonctionnement, la qualité, la gestion et le contrôle du service public tout en notamment ses coûts. Elle contribue également à assurer la transparence, la restauration de l’autorité de l’État et la souveraineté nationale, comme l’a bien précisé le président de la Transition à Sikasso.
Cette volonté a été traduite par l’adoption par le gouvernement, en 2005, des documents de Politique nationale et du Plan stratégique national des Technologies de l’information et de la communication ainsi que du Plan Mali Numérique 2020. C’est donc, dans ce cadre que le ministère en charge des TIC a entrepris, à travers l’Agetic, la mise en œuvre du plan d’actions comprenant un certain nombre de projets comme l’Intranet de l’Administration, la connexion des 703 communes du Mali, la connexion des écoles à Internet et la création de centres multimédias communautaires. La mise en œuvre de l’Intranet de l’Administration a conduit à l’interconnexion des structures de l’Administration aux niveaux central et déconcentré, ainsi qu’à la conception, au développement et au déploiement de solutions numériques pour impacter cette modernisation.
L’Essor : à ce jour, quelles sont les actions menées ou en cours dans ce sens ?
Alhamdou Ag Ilyène : Avec la diversification des canaux d’accès à l’administration publique permise par le numérique, l’utilisateur se comporte comme un consommateur de service public, ayant l’aptitude de choisir le canal d’échange avec lequel il peut utiliser au service, ce n’est pas nécessaire. Le numérique lui permet d’accéder facilement et rapidement aux services publics en se connectant en ligne depuis son domicile ou depuis son lieu de travail même lorsque les administrations sont fermées.
L’objectif de la numérisation des services publics est de les rendre facilement accessibles pour l’utilisateur, où qu’il soit et quelles que soient ses contraintes. Actuellement, au Mali, plusieurs services publics traditionnellement physiques, ont été numérisés et sont désormais accessibles en ligne, et ce, grâce aux efforts déployés par les différents acteurs publics et privés concernés. Ces évolutions bouleversent depuis des années la relation administration-usagers. Depuis sa création, l’Agetic travaille à la réalisation de l’Intranet de l’Administration comptant aujourd’hui plus de 500 structures sont interconnectées aux niveaux centraux et déconcentrés. Elle œuvre également à la numérisation par la conception et le développement de contenus et d’applications sectorielles et transversales. Ainsi, des sites web ont été développés et hébergés pour les institutions de la République, les départements ministériels, certaines structures publiques aux niveaux national et déconcentrés ainsi que des collectivités territoriales.
S’agissant de la numérisation, l’Agetic a développé plusieurs applications permettant de contribuer à la modernisation de l’Administration dans les domaines du travail collaboratif (la messagerie gouvernementale avec un projet de décret élaboré et en cours d’adoption pour réglementer son utilisation ), de la gestion du personnel, des finances publiques, du cadastre, de la gestion du courrier, de l’archivage des documents, etc. En somme, plus d’une quinzaine d’applications ont été développées dont six (06) en cours d’utilisation.
En plus des solutions numériques développées par l’Agetic, il convient de signaler les efforts fournis dans d’autres secteurs, notamment, les applications développées par le ministère de l’économie et des Finances (Plateformes de gestion des dépenses, Impôts : Sydonia, Douanes : Sigtas, Comptabilité matières, Quitus fiscal, etc.), le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (état civil), le ministère de la Sécurité et de la Protection Civile (Passeport et Carte d’identité biométriques), le ministère de la Santé et du Développement social (Plateforme de gestion des assurés de l’AMO, etc.).
Concernant les actions en cours, on peut la retenue du déploiement des outils collaboratifs (messagerie, visioconférence, courrier, archivage, e-conseil, e-cabinet) aux niveaux centraux et déconcentrés ; l’extension du réseau intranet de l’Administration à 15 nouvelles régions administratives. Il est prévu également le développement et le déploiement d’applications métiers telles que l’appui au processus électoral ; la plateforme de gestion des documents de transport ; la plateforme de gestion des chaînes pénales et civiles ; les plateformes de gestion du casier judiciaire et de certification nationalité ; la plateforme de gestion des établissements scolaires ; le système d’information géographique (SIG) ; les interfaces d’accès aux informations relatives à l’état civil, à la passation des marchés publics, à la déclaration et au paiement d’impôts et de taxes ; la formation, le renforcement des capacités et le transfert de technologies ; la mise en place des pôles numériques agricoles et d’alphabétisation ; la mise en place d’un centre de recherche et d’innovation.
Les impacts à court et à moyen termes sont entre autres l’instauration de la bonne gouvernance en mettant en place des outils qui permettent la participation des citoyens à la formulation, la mise en œuvre et le suivi de la mise en œuvre des programmes et politiques publiques tout en rapprochant l’Administration des usagers ; la lutte efficace contre la fraude, la corruption, le népotisme et les falsifications de documents administratifs ; l’amélioration de l’accessibilité des citoyens aux services publics et privés ; l’amélioration de la performance de l’Administration par la numérisation des services offerts aux usagers ; la contribution au renforcement de la sécurité, de la défense et de la souveraineté de l’État par la confidentialité des informations ; la réalisation d’économies d’échelle en dépenses considérablement certaines de l’état par l’instauration d’une administration électronique ; l’augmentation considérable des recettes de l’État par l’institutionnalisation du commerce électronique ; l’élargissement de l’assiette fiscale aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone, Microsoft) et autres services numériques ;
L’Essor : Avez-vous le soutien politique nécessaire à la réalisation de ce grand projet ?
Alhamdou Ag Ilyène : Évidemment, la détermination et le soutien du gouvernement sont assurés par le portage politique très fort du président de la Transition qui nous a expliqué que sans la réussite de la digitalisation de l’administration, aucun progrès n’est possible.
Propos recueillis par
Baba COULIBALY
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