Makan Fily Dabo : «Le Mali veut transformer son enclavement en atout»

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Le Mali pays, enclavé du Sahel, veut se doter d’infrastructures indispensables pour son développement. Makan Fily Dabo, secrétaire général du ministre de l’Equipement, du transport et du désenclavement du Mali, évoque ici les principaux défis de son pays…

Les Afriques : Quel enjeu représente le développement des infrastructures au Mali ?

Makan Fily Dabo : L’Afrique dans l’ensemble est vraiment en retard sur son développement, surtout pour un pays comme le Mali qui est enclavé. Le Mali n’a pas la chance d’avoir une façade maritime, ce qui fait que notre seul moyen de se développer, c’est de promouvoir et développer les infrastructures et les transports. On dit dans notre slogan, «le développement passe par le développement de la route». Cela veut dire que l’on a beau avoir l’hôpital, un centre de santé, le bâtiment technique le plus performant du monde, s’il n’y a pas de voie d’accès, ça ne sert à rien. On a beau construire des écoles où il y aura des professeurs de renom, des élèves intelligents, s’il n’y a pas de voie d’accès, ça ne sert absolument à rien.

Vous avez beau avoir des aménagements pour produire du riz, du mil ou autre, s’il n’y a pas de voie d’accès, ces aménagements ne pourront pas être exploités. C’est pour dire, les infrastructures sont extrêmement importantes.

LA : Comme vous venez de le dire, les infrastructures constituent un facteur essentiel pour le développement. Pouvez-vous nous parler des efforts du gouvernement pour relever ce défi?

M.F.D. : Vous savez, depuis l’élection du président Ibrahim Boubacar Keïta, les gouvernements successifs ont déjà fait beaucoup de choses. Nous avons tous la conviction, aussi bien le gouvernement précédent que le gouvernement actuel, qu’il faut continuer à aller de l’avant. Anciennement, on disait ministère de l’Equipement et des transports. Avec Ibrahim Boubacar Keïta que les Maliens et Maliennes ont choisi en 2013, on a ajouté la dimension désenclavement, parce qu’au niveau des zones rurales (où la production s’effectue), nous avons des difficultés pour évacuer cette production vers les zones de consommation. Le mot désenclavement a été ajouté pour mettre le focus sur la nécessité de désenclaver. C’est le premier aspect. Le deuxième aspect c’est que nous sommes en train de réfléchir, comment faire appel à des modes de financement innovants. Parce que les financements classiques, via les partenaires techniques financiers, le budget national, ont fait leur temps.

Aujourd’hui, il faut réfléchir, innover pour trouver d’autres modes de financement qui permettent de compléter ces financements du budget national et des partenaires techniques financiers pour aller de l’avant. Les infrastructures coûtent extrêmement cher. Le Mali a besoin de routes, de ports secs, car nous n’avons pas de façade maritime.

Nous n’avons pas suffisamment d’aéroports, aussi bien pour les vols domestiques que pour les vols internationaux. Il faut aussi mettre le focus sur le développement du fluvial. Et puis, il faut parler de la mobilité urbaine, parce qu’au niveau des grandes agglomérations, nous avons beaucoup de difficultés par rapport aux grandes villes. C’est extrêmement difficile de circuler surtout dans la capitale. Le gouvernement est en train de travailler sérieusement pour aller de l’avant, parce que nous sommes convaincus que la meilleure façon d’avancer, de développer le pays, d’avoir des agropoles, c’est de faire en sorte que nous puissions transformer notre enclavement en atout.

LA : Vous avez évoqué la question du port sec. Que compte faire le Mali dans ce sens?

M.F.D. : Nous sommes convaincus, les infrastructures sont des facilités extrêmement importantes. Nous n’avons pas encore de port sec, mais nous souhaiterions au moins en avoir. Les études sont déjà terminées : il s’agit du port sec de Kayes à l’extrême ouest du pays, et le port sec de Sikasso au centre du pays. Et dans le cadre de la pacification, de la stabilisation du pays, suite aux accords de paix et à la réconciliation, nous sommes en train de travailler également à la construction d’un port sec à Gao. Mais pour le port sec de Gao, les études n’ont pas encore commencé et nous sommes en train de rechercher des financements pour rapidement faire démarrer les études, et naturellement quand on finit les études, il faut aller rapidement à la construction.

LA : Quand on parle d’infrastructures de transport, souvent on pense aux villes ou aux grandes agglomérations. Quelles sont les mesures prises pour désenclaver les villages et les zones rurales ?

M.F.D. : Oui justement, c’est pourquoi on a ajouté la dimension désenclavement, c’est pour mettre le focus sur le désenclavement des zones rurales, parce que nous avons aujourd’hui, selon les indications, un taux de désenclavement d’environ 20% et on se fixe pour objectif d’aller à 40% d’ici à 2018-2019. C’est vous dire que nous avons perçu toute l’importance du désenclavement au niveau rural. Avec la Banque mondiale, nous sommes en train de négocier pour la construction de pistes rurales.

La Banque mondiale a perçu le message que le gouvernement veut faire passer, parce qu’il y a des zones aujourd’hui qui sont complètement coupées du pays. En saison hivernale, avoir des pistes bien aménagées, bien améliorées, permettrait de relier ces villages aux villes. Nous sommes en train de travailler à la construction des pistes rurales avec l’accompagnement des bailleurs de fonds et de la Banque mondiale.

LA : Dans le domaine de la construction d’infrastructures en Afrique, les contrats importants sont souvent accordés aux multinationales et aux grandes compagnies étrangères. Au Mali, quelles sont les dispositions prises pour que les entreprises locales aussi puissent participer à l’effort constructif?

M.F.D. : C’est d’ailleurs notre combat quotidien. Quand vous regardez notre code du marché public, il y a la préférence nationale et la préférence communautaire. Donc, au niveau des codes du marché public du Mali, il y a déjà des systèmes, des mécanismes qui sont là pour favoriser les entreprises nationales à émerger, pour aider les entreprises communautaires, c’est-à-dire les entreprises de l’Uemoa, qui souhaiteraient intervenir au Mali. Et nous sommes en train de relire le code du marché public pour voir comment permettre aux entreprises nationales d’avoir accès aux marchés publics, parce que si les entreprises nationales ont le marché, cela contribue à la création d’emplois, à la création de richesse, les bénéfices engrangés restent au pays et contribuent au développement économique, contrairement aux multinationales.

Nous sommes en train d’aller de l’avant par rapport à toutes ces questions. Il ne s’agit pas de brutaliser les entreprises internationales, mais faire de manière à ce que les entreprises nationales, communautaires, puissent avoir cette facilité pour avoir le marché au niveau national.

PROPOS RECUEILLIS PAR IBRAHIM SOULEYMANE, CASABLANCA

Les Afriques

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Bio-Express

Makan Fily Dabo est secrétaire général du ministre de l’Equipement, du transport et du désenclavement du Mali. Diplômé de l’Institut polytechnique rural de Katibougou où il obtint le diplôme d’ingénieur des sciences appliquées en 1986, Makan Fily Dabo est aussi titulaire d’un diplôme d’études approfondies en gestion de l’environnement et des projets de l’Université internationale francophone d’Alexandrie (Égypte), en 1994. Par ailleurs, il a suivi beaucoup d’autres formations notamment à l’Académie internationale de l’environnement à Genève, à l’Institut de développement économique de la Banque mondiale à Washington (en 1998).

Dans sa carrière, il a notamment occupé le poste de directeur de cabinet du Premier ministre (entre 2000 et 2001), secrétaire général au ministère de l’Équipement, de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de l’urbanisme, de janvier à juin 2002, puis secrétaire général du ministère de l’Equipement et des transports. Makan Fily Dabo a également été chargé de cours d’économie politique et de comptabilité générale à l’Institut polytechnique rural de Katibougou (de 1994 à 1997). Il a publié plusieurs ouvrages dont «Analyse économique de l’environnement au Mali» en collaboration avec le Pr Gonzague Pillet.

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1 commentaire

  1. CHICHE!
    Monsieur,le mali est indépendant depuis 1860.
    Vous êtes,le premier à voir cette réalité.Mieux vaut tard que jamais dit on souvent.
    Être enclavé n’est certe pas un atout mais,des pays comme la Suisse, Monaco,L’Autriche et le
    Burundi en afrique sont aussi enclavés mais ils ont des économies florissantes.
    Votre problème principal est votre manque de qualification professionelle.
    La grande majorité des maliens sont plus préoccupés par l’islam que par le savoir scientifique.
    On leur raconte que ceci ou celà est Haram comme le fait croire le groupe BOKO HARAM.
    Penssez bien que L’Ébola a été vaincu par la science et par par quelconque réligion.
    Vous devez créer des cours du soir pour les populations qui n’ont pas eu la chance d’avoir été
    à l’école des TOUBABOUS.Le savoir est un trésor!
    Il n’est jamais trop tard pour bien faire.BRAVO MONSIEUR!

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