Maharafa Traoré, ministre de la Justice « J’appelle les acteurs de la justice et la société civile à s’impliquer dans la reforme de la justice ».

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Dans une interview qu’il a accordée à l’ORTM, le Ministre de la Justice Garde des Sceaux a parlé des grandes innovations, du schéma de mise en œuvre et de l’importance de la nouvelle carte judiciaire pour le renouveau de la justice malienne. Maharafa Traoré a profité de l’occasion pour appeler les acteurs de la justice et la société civile à s’impliquer fortement dans la mise en œuvre de la nouvelle carte judiciaire. Interview  

Quelles sont les motivations qui ont amené votre département à relire les textes portant respectivement organisation judiciaire ?judiciaire et création de juridictions ? En d’autres termes quels sont les objectifs visés par la nouvelle carte judiciaire du Mali ? 

Maharafa Traoré : Permettez-moi avant de parler des objectifs de préciser que la relecture de la Carte judiciaire avait été préconisée lors du Forum National sur la Justice tenu en 1999 à Bamako, après avoir identifié certaines tares dans le fonctionnement de la Justice. 

Le Président de la République dans son projet de société, le PDES a, dans le domaine du renforcement des capacités et de la crédibilité de la justice, mis l’accent sur la relecture de la Carte Judiciaire.

C’est cette volonté politique qui vient d’être concrétisée. Pour en revenir à votre question, l’Assemblée Nationale en adoptant au cours de ses sessions plénières des 16 et 23 juin 2011 un certain nombre de textes donne une base légale à la nouvelle carte judiciaire.

Cela fait aujourd’hui, 50 ans et un (01) mois que le Mali indépendant a adopté une Loi sur l’Organisation Judiciaire. En effet, c’est la Loi n°61-55/AN-RM du 15 Mai 1961 qui a fixé, pour la première fois, les règles relatives à l’organisation judiciaire  dans notre Pays.

Depuis cette date, elle a connu une évolution, marquée par  une floraison de textes divers jusqu’à la Loi de réorganisation judiciaire de 1988.

L’adoption de la Constitution en 1992 a permis la création d’une Cour Constitutionnelle érigée même en Institution, alors qu’auparavant c’est une section de la Cour Suprême qui était chargée de ses attributions.

La nouvelle loi portant organisation judiciaire répond à un triple souci :

1) Aboutir à une séparation des fonctions juridictionnelles à tous les niveaux par la suppression des Justices de Paix à Compétence Etendue ; 

2) Rapprocher davantage la justice des justiciables ;

3) Et de corriger les dysfonctionnements constatés au sein de l’appareil judiciaire.

Actuellement la situation se présente ainsi au niveau de certaines juridictions.

Les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement sont concentrées dans les Justices de Paix à Compétence Etendue entre les mains d’un seul Juge ; ce qui n’est pas un gage de bonne justice rendue équitablement.

Dans les Tribunaux de Première Instance, bien qu’il y ait plusieurs juges exerçant séparément les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement ; la justice y est rendue par un Juge unique, ce qui n’est aussi une garantie de bonne justice impartiale et équitable.

Au niveau de la juridiction administrative, la seule Section administrative de la Cour Suprême est à la fois juge d’appel et de cassation et parfois même, juge d’instance, d’appel et de cassation dans certaines matières : ceci est manifestement une entorse au principe du double degré de juridiction et ne permet pas de rendre une justice impartiale et équitable.

Certaines juridictions (de premier degré ainsi que de second degré) sont éloignées des populations pour les besoins desquels elles sont instituées. Il y a la nécessité de pouvoir les rapprocher aux justiciables en créant de nouvelles juridictions plus proches.

Au sein des juridictions même, les règles de l’organisation interne, telles que la détermination des attributions administratives des Chefs de juridictions et de parquets ne sont pas clairement établies ; alors que le besoin se fait sentir de les fixer.

La complexité du droit des affaires et du règlement des litiges y afférents rendent nécessaire que ceux-ci ne continuent plus à être connues des juridictions civiles cumulativement avec leurs attributions propres.

Une bonne partie de la population malienne ne faisant pas entièrement confiance en la justice et aux décisions qui en sont issues, nous pensons que les reformes projetées pourraient atténuer sinon dissiper ces appréhension et redonner confiance aux maliens en leur justice.

Voilà, entre autres les raisons qui ont amené notre département à initier les nouveaux textes sur l’organisation judiciaire. 

Quelles sont les innovations apportées par cette relecture de la Carte Judiciaire ?

Maharafa Traoré : Les innovations  essentielles apportées par cette relecture sont entre autres :

a°)  la création de Tribunaux de Grande Instance et de Tribunaux d’Instance en lieu et place des tribunaux de Première Instance et des Justices de Paix à Compétence Etendue. Ainsi on aura : 17 TGI (les 16 actuels plus Kidal) et 41 TI (parce que Kidal devient TGI) ;

b°) la création de 06 Cours Administratives d’Appel (Kayes, Bamako, Sikasso, Ségou, Mopti et Gao), de 03 nouvelles Cours d’Appel (Sikasso, Ségou et Gao), de 03 nouveaux Tribunaux de Commerce, de 03 nouveaux Tribunaux Administratifs  (Ségou, Sikasso et Gao) ;

c°) l’institution de la collégialité au niveau des Tribunaux de Grande Instance, des Tribunaux de Commerce, des Tribunaux pour enfants et des Tribunaux du Travail, ce qui va qualitativement améliorer la qualité des décisions de justice);

d°) la création de bureau au niveau des différentes juridictions, afin que les chefs de juridiction et de parquets aient un cadre de concertation) ;

e°) la revue à la hausse du taux de compétence des Tribunaux  de Grande Instance et Tribunaux d’Instance qui passe de 100.000 Francs à 500.000 F en matière civile et coutumière ;

f°)  la clarification des attributions administratives des Chefs de juridiction et de Parquets ;

g°) la suppression des Justices de Paix à Compétence Etendue.

Votre département dispose t-il de ressources humaines et financières nécessaires pour rendre ces reformes opérationnelles ?

Maharafa Traoré : Nous disposons actuellement d’un effectif  de près  500 Magistrats, plus de 600 greffiers, secrétaires de greffes et parquets  qui peuvent animer les juridictions, y compris celles issues de la reforme.

Les ressources financières  ne sont jamais suffisantes, surtout dans un pays en voie de développement comme le notre. Mais  nous pensons que celles qui sont disponibles peuvent  nous permettre d’engager la reforme.

L’incidence financière actuelle est estimée à la somme de 6.500.000.000 Fcfa qui servira à la création de 09 tribunaux de Grande Instance, 03 tribunaux d’Instance, 02 Tribunaux Administratifs, 03 Cours Administratives d’appel, 03 Cours d’appel, 03 Tribunaux de Commerce, 03 tribunaux militaires permanents. Le reste des sommes fera l’objet d’une programmation pluriannuelle.

Cette incidence financière tient compte des infrastructures déjà existantes.

Quel est le schéma de mise en œuvre de cette nouvelle Carte Judiciaire ?

Maharafa Traoré : Après l’adoption de ces textes, le gouvernement s’attellera à la mise en œuvre diligente de cette nouvelle Carte Judiciaire.

Dans ce cadre, un Comité de mise en œuvre de la Carte Judiciaire regroupant toutes les structures et tous les départements ministériels impliqués, sera créé  les jours à venir auprès du Ministre de la Justice.

Plus concrètement, ce Comité doit : coordonner et conduire le processus de mise en œuvre de la carte judiciaire ; établir un chronogramme détaillé des activités inscrites dans ce cadre ; identifier les actions prioritaires devant aboutir à une opérationnalisation des nouvelles juridictions et d’élaborer un plan de communication sur l’ensemble du processus.

Quel appel avez à lancer à l’endroit des populations Maliennes ?

Maharafa Traoré : Je voudrai profiter de cette opportunité pour lancer un appel à toutes les acteurs de la famille pour une implication forte dans ce processus de reforme de l’appareil judiciaire. Enfin je voudrai lancer également un appel à la société civile et à l’ensemble des partenaires techniques et financiers car leur accompagnement est nécessaire pour le succès de cette entreprise. 

Propos recueillis par l’ORTM

 

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