M. Boubacar Kané PDG de la SOMAGEP-SA: “Nous souffrons d’un déficit de production”

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L’eau est source de vie. On en parle rarement parce que tout le monde (ou presque) en dispose. Cependant, de l’entretien que nous a accordé le PDG de la société Malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP), il ressort que l’entreprise souffre d’un déficit de production.

A cela viennent se greffer d’autres difficultés.

Mais, l’espoir est bien permis.

 

26 Mars : M. PDG, depuis un certain temps, l’EDM a été éclatée en deux «morceaux» : gestion de l’électricité d’une part et d’autre de l’eau.

Qu’est-ce qui explique cette scission ? Et pour rappel, elle date de quand ?

 

M. Boubacar Kané : Tout d’abord, je remercie le journal «26 Mars» d’avoir suscité cette interview qui dénote son professionnalisme dans la recherche et le traitement de l’information dans le secteur de l’eau potable. Je suis persuadé que les informations qui sortiront de cet entretien permettront, à n’en point douter, d’éclairer la lanterne de beaucoup de nos clients.

Pour revenir à la première manche de la question, je précise que la séparation des activitésde l’eau potable de celles de l’électricité découle de la Réforme institutionnelle des secteurs de l’électricité et de l’eau potable que le Gouvernement de la République du Mali a initiée dans le seul but de promouvoir une bonne gouvernance dans les deux secteurs.

Il convient de rappeler que tout est parti après le retrait du partenaire stratégiqueSAUR du Capital de la Société Energie du Mali SA, en 2005. Suite à ce retrait, il a été mis en place un Plan d’Action Stratégique qui incluait entre autres volets une étude institutionnelle qui avait pour objectif principal la définition de la meilleure forme de délégation des services publics de l’électricité et de l’eau potable afin de favoriser le développement harmonieux des deux secteurs. Ainsi, à partir des résultats de l’étude institutionnelle et des travaux du Comité de pilotage de la Réforme présidée par le Ministre de l’Energie et de l’Eau, le Gouvernement du Mali a décidé de la séparation des secteurs de l’électricité et de l’eau potable avec la création par les ordonnances N°-10-039 /P-RM et N°10-040 /P-RM du 05 août 2010 de la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable (SOMAPEP-SA) et de la Société Malienne de Gestion de l’Eau Potable (SOMAGEP-SA). Ces deux sociétés s’occupent désormais de la Gestion du patrimoine et de l’exploitation de l’eau potable dans le périmètre concédé tandis que la Société Energie du Mali (EDM-SA) continue à gérer le patrimoine et l’exploitation dans le secteur de l’électricité.

 

26 Mars : EDM-SA du point de vue financier a des problèmes. Or, l’électricité et l’eau sont liées. Leur séparation donc, n’engendre-t-elle pas des charges supplémentaires ?

 

M.  B.K. : Des charges supplémentaires pour quelle structure ? La SOMAGEP-SA, en tant que nouvelle structure ne dispose pas du recul nécessaire pour faire cette évaluation. Quant à la situation financière d’EDM-SA, vous comprendrez aisément que de notre position, nous ne disposons pas d’éléments nécessaires pour l’apprécier.

 

26 Mars : Avec la création de deux sections (eau et électricité) il va de soi que des emplois supplémentaires sont créés. Mais pour quelle efficacité ?

 

M. B.K. : La création d’une nouvelle société exige la mise en place de structures. Pour le cas de la SOMAGEP-SA, en plus des structures techniques existantes, les services communs ‘(Finances et Comptabilité, Juridique, des Ressources Humaines, Logistique, Contrôle de Gestion,  Commercial, etc.) ont été créés. A notre qu’un nombre important d’employés de ces services communs est issu de la société mère EDM-SA, le complément ayant fait l’objet de recrutement. La création des nouveaux emplois est-elle efficace ? Le temps nous le dira, mais d’ores et déjà, nous pouvons affirmer que les comptes de l’entreprise ne sont point plombés par les nouveaux emplois, bien au contraire. Aussi, il est important de souligner que la création de la SOMAGEP-SA a permis de donner de l’emploi à beaucoup de nos compatriotes qui n’en avaient pas. Pour qui connaît le problème d’emploi, surtout des jeunes dans notre pays, ce seul fait est très positif en soi.

 

26 Mars : Lorsqu’on sait que, quand bien même l’eau est essentielle pour la vie (tout comme l’électricité) mais que les clients sont prompts plutôt à régler la facture d’électricité, plutôt que celle de l’eau, votre structure ne souffre-t-elle pas de problèmes de recouvrement de ses frais de prestation ?

 

M. B.K. : Effectivement, sans eau  il n’y a pas de vie, et nos clients comprennent parfaitement  cela.  Nous reconnaissons avec vous qu’il y a une certaine timidité dans le recouvrement des factures d’eau depuis un certain moment mais nous mettons cet état de fait sur le compte des effets induits par le démarrage de nos activités commerciales en mars 2012 et par la situation économique générale du pays.  Aussi, nous profitons de l’occasion,  pour vous informer que  la SOMAGEP-SA est, actuellement,  en campagne de recouvrement de ses factures impayées sur le périmètre de Bamako et  compte l’étendre,  dans les prochains jours,  aux centres de l’intérieur. Nous constatons,  avec satisfaction, que  la majorité de nos clients viennent s’acquitter de leurs impayés à nos guichets sans aucun problème. Nous profitons de l’occasion pour les remercier et leur dire que la SOMAGEP-SA reste attentive à leurs réclamations.

 

26 Mars : Nombre de quartiers à Bamako souffrent du manque d’eau en toute période. Qu’est-ce qui explique cet état de fait et quelles solutions envisagez-vous pour améliorer cette situation ?

 

M. B.K. : Nous regrettons, bien entendu, cet état de fait indépendant de notre volonté. Nous, nous ne souhaitons pas qu’un de nos clients manquent d’eau pendant une seule minute à plus forte raison pendant des heures ou des journées. Parlant des causes de manque d’eau, il faut retenir trois raisons fondamentales : le premier est que nous souffrons d’un déficit de production. Avec la démographie galopante de la ville de Bamako, aujourd’hui, la demande dépasse l’offre.

La seconde raison est liée à la position géographique de certains de nos clients qui habitent dans des zones qui sont soit en hauteur ou très éloignées du site de production. Et, enfin, la troisième raison s’explique par le sous dimensionnement et la vétusté de certaines de nos canalisations.

Aux problèmes identifiés, les efforts sont en cours pour trouver des solutions adéquates.Premièrement,il s’agit de renforcer la capacité de production de la ville de Bamako. A ce niveau, il faut savoir que l’Etat est en train de réaliser d’importants projets tels que : la construction des stations compactes de Missabougouet de Kalabancoro, toutes deux attendues en 2013 et qui, à terme, augmenteront la capacité actuelle de production d’environ 20%. En plus des stations compactes ci-avant, le projet structurant d’alimentation en eau potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala est en train d’être instruit par l’Etat à travers la SOMAPEP-SA et un pool de bailleurs de fonds. L’avènement de cette station qui, à terme produira 240 000 mètres cubes par jour, résoudra définitivement le problème de déficit d’alimentation en eau de la ville de Bamako.

Deuxièmement, pour ce qui concerne la réhabilitation des conduites vétustes ou obsolètes, nous sommes à pied d’œuvre avec nos partenaires, le Gouvernement et la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau (SOMAPEP-SA) pour une solution rapide.

 

26 Mars : Et pourtant, il arrive plusieurs fois que l’eau produite par vos services ait une couleur jaunâtre, noirâtre ou autre et, dès lors que c’est le cas, les consommateurs hésitent à l’utiliser comme eau de boisson. Pouvez-vous dire si cette eau quel que soit sa couleur est propre à la consommation ?

 

M. B.K. : Je déclare, sans ambage, que l’eau produite par la SOMAGEP-SA est potable et propre à la Consommation. Vous faites cas de la couleur blanchâtre. Cela intervient quand l’air est dans l’eau. Si vous la laissez quelques secondes, vous vous apercevrez qu’elle redevient limpide, les bulles remontant à la surface. La couleur jaunâtre, peut être rougeâtre, comme vous le dites, peut avoir plusieurs causes : elle peut intervenir  après une coupure d’eau de longue durée, ou après une intervention sur le réseau, ou même après longue durée de non utilisation du robinet. Pour ces cas, des microparticules peuvent s’introduire dans les tuyaux soit par décrochage de leurs parois avec la pression de l’eau, soit par introduction d’impuretés consécutives à la réparation des canalisations. Une autre cause peut tout simplement être le mauvais état des installations internes du client. Pour tous les cas cités, il est recommandé d’ouvrir le robinet et laisser couler l’eau jusqu’à la disparition de la couleur avant toute utilisation à consommation humaine. Mais comme vous pouvez constater, après cet exercice, la couleur disparaît généralement, ce qui veut dire que le phénomène est très localisé et qu’il ne provient pas de la station de pompage, autrement, quel que soit le temps pour purger, la couleur ne disparaîtrait pas.

Par ailleurs, nous demandons à nos clients qui remarqueront autres choses que les cas ci-dessus évoqués, de bien vouloir s’adresser à nos services commerciaux.

 

26 Mars : Il y a très souvent des problèmes dans le cadre de la dotation du pays en électricité. Comme c’est le cas concernant l’eau potable. L’une dépendrait –elle de l’autre ?

 

M. B.K. : Effectivement, l’une dépend de l’autre. Nous avons besoin de l’électricité pour la production et la distribution de l’eau. Quand l’électricité est coupée, nos équipements de production et de pompage d’eau qui sont des machines électriques, s’arrêtent. Conséquence : c’est la coupure d’eau dans la ville pendant des heures souvent même après l’arrivée du courant. Car, le remplissage des réservoirs et la montée de la pression dans les tuyaux prennent un certain temps. Cependant, il faut souligner que nous disposons au niveau de certains de nos sites de production et de pompage, pas tous malheureusement, de générateurs d’énergie secours qui prennent le relais en cas de coupure d’électricité du réseau d’EDM-SA.

 

26 Mars : Y a-t-il suffisamment d’eau potable pour tous les Maliens ? Pour combien de temps ?

 

M. B.K. : Il y a suffisamment d’eau potable pour les tous les maliens. Mais pour les chiffres spécifiques, nous vous renvoyons à la Direction Nationale de l’Hydraulique qui dispose d’un inventaire complet des ressources en eau du pays.

 

Propos recueillis par

Boubacar Sankaré

Dieudonné Tembely

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