L’honorable Koninba SIDIBE n’est plus à présenter à l’opinion publique. L’économiste émérite dont l’intégrité morale est reconnue par ses adversaires est vite passé dans la politique avant d’être élu député sous la bannière du PARENA. Mais cette nouvelle vocation ne lui a pas collé une langue de bois. A travers lui, la voix de l’opinion et de l’opposition se fait entendre au sein de l’hémicycle sur les grandes préoccupations de la nation. Après qu’il ait mis mal à l’aise le ministre délégué au Budget sur la mauvaise gymnastique faite autour de la gestion des milliards de la privatisation de
Liberté Quelle réaction pouvez-vous faire à l’opinion qui croit aujourd’hui que c’est par la personnalité de Koninba que se revivifient les débats à l’assemblée nationale ?
Koninba SIDIBE : Je vous remercie pour cette opportunité que vous me donner de m’expliquer sur cette question. En ce qui concerne mes contributions au sein de l’assemblée nationale, je voudrais tout de même les placer dans le cadre de l’action de l’opposition dans son ensemble. Dans la mesure où je suis quand même soutenu par l’ensemble de mes collègues qui contribuent à la recherche des informations. A leur analyse, il se trouve que je suis économiste de formation donc celui qui maîtrise les questions d’ordre économique. C’est la raison pour laquelle l’opposition me fait cette confiance et cet honneur d’intervenir quasiment à son nom. Notre temps de parole étant souvent limité, il faut faire en sorte qu’il ne soit pas dispersé.
Liberté : Par rapport à la loi des finances, quelle est aujourd’hui la réalité eu égard aux 180 milliards reçus de la privatisation de
Koniba SIDIBE : Effectivement, dès le départ nous avons montré à l’assemblée nationale et à toute l’opinion publique malienne que les 180 milliards de recettes de la privatisation de
Liberté : A présent, disposez-vous d’un quelconque autre moyen pour que vos vœux soient réalisés. C’est-à-dire qu’on puisse amener cet argent dont on ignore la destination ?
Koninba SIDIBE : Naturellement, l’assemblée a des moyens. Les députés, dans leur grande majorité, auraient dû refuser de voter cette loi des finances en disant que si le gouvernement n’amène pas la totalité des 180 milliards, ils ne voteraient pas le budget. L’Assemblée a donc ce pouvoir. Malheureusement il se trouve que la grande majorité des députes (120 sur 147) sont du coté du gouvernement. Que le gouvernement ait raison ou tort dans ce qu’il fait, ces députés pensent que désavouer le gouvernement publiquement, c’est quelque part être indisciplinés par rapport à leur propre majorité. Pourtant nous avons vu que dans tous les pays du monde, lorsque le gouvernement se comporte mal, sa propre majorité lui dit non, nous ne sommes pas d’accord avec ça. C’est donc dire que ce moyen existe et malheureusement les 19 députés de l’opposition ne peuvent pas, à eux seuls, bouleverser la situation. Et la petite remarque que je vais ajouter, c’est que le gouvernement nous dit que «vous allons vous amenez les 180 milliards tranche par tranche et aucun franc n’échappera à votre contrôle» ; il se trouve qu’il nous avait fait la même promesse par rapport à la privatisation de
Mais aujourd’hui il reste encore 9 milliards de recettes de privatisation de
Liberté : Est-ce à dire que vous le regrettez ?
Koninba SIDIBE : Evidemment nous le regrettons parce que le souhait de tout citoyen est que l’argent public soit géré dans la transparence la plus totale de manière à ce que les gens puissent se prononcer sur l’utilisation qu’on a en fait. Mais vouloir se soustraire à cette procédure, jette un gros soupçon sur la manière dont le gouvernement veut procéder. Pourquoi a-t-il peur d’amener la totalité de l’argent pour qu’on en discute ensemble ? On a des raisons de soupçonner quelque chose de pas tout à fait net. Quand on est sûr de soi, et qu’on a la majorité absolue à l’assemblée nationale, on ne doit pas avoir peur d’affronter les députés sur ces genres de questions. Si le gouvernement ne veut pas le faire, c’est qu’il a bien évidemment des raisons inavouées.
Liberté : Revenons sur l’affaire de l’Huicoma, une société d’Etat qui est passée dans les mains d’un opérateur économique aujourd’hui incapable de gérer la situation des travailleurs de l’usine. Dites-nous qu’est-ce qui vous inspire toute la réalité de HUICOMA ?
Koninba SIDIBE : C’est une question fondamentale. Ce qui m’inquiète le plus dans cette question HUICOMA, c’est la transformation progressive du Mali en une République bananière. Nous nous sommes battus en mars 1991 et des années avant pour une démocratie maîtrisée, c’est-à-dire l’utilisation de l’argent public pour les besoins de tous. N’oubliez pas que le «Kokadjé» était l’argument central de la révolution de 1991 mars. Mais aujourd’hui, ce à quoi nous assistons est la collusion permanente entre l’Etat et les Opérateurs économiques comme le groupe Tomota. Cela s’est traduit d’abord par une privatisation bâclée de HUICOMA parce que cette société a été donnée au groupe Tomota sans que celui-ci remplisse les critères de base qui exigent que l’acquéreur devrait avoir une expérience avérée dans l’industrie des oléagineux. Ce qui n’est manifestement le cas de Tomota. Il aurait donc dû être disqualifié dès ce moment. Ensuite HUICOMA lui été attribuée avec en main 84% du capital.
L’Etat reste actionnaire à concurrence de 12%. Autrement dit, chaque citoyen du pays est actionnaire de HUICOMA. A cet effet, l’argent de HUICOMA doit être utilisé dans l’intérêt de tous les actionnaires réunis de la société. Dans le cas contraire, il y a des risques que l’argent public soit détourné, accaparé par un seul individu. Aujourd’hui, M. Tomota à travers son groupe mène des pratiques qui relèvent de ce qu’on appelle des pratiques d’opérateurs économiques voyous. Ces pratiques d’opérateurs voyous consistent à des abus de biens sociaux, à des pratiques d’escroqueries au détriment de l’intérêt général des citoyens.
C’est bien cela que nous avons dénoncé à l’assemblée nationale récemment. J’espère que les autorités réagiront parce qu’aujourd’hui la ville de Koulikoro s’est transformée en une ville morte pour la simple raison que tout le monde sait que HUICOMA était le cœur de Koulikoro. Les travailleurs salariés sont aujourd’hui transformés en ouvriers qui vont chercher du sable à vendre dans le lit du Niger. Cela est d’une gravité extrême. Compte tenu de toutes ces situations, nous ne demandons pas seulement que le gouvernement reprenne HUICOMA mais nous disons qu’il faut que l’Etat fasse payer à monsieur Tomota l’argent qu’il et a volé à cette société, et à tous les citoyens maliens.
Liberté : Que dites-vous de cette réaction du groupe Tomota qui avance que l’Etat n’a pas honoré ses engagements en ce qui concerne les conditions d’accès à la matière première comme convenu entre les parties ?
Koninba SIDIBE : Je voudrais vous préciser que cet argument est absolument fallacieux pour semer la confusion. S’il y a quelqu’un qui n’a pas respecté ses engagements, c’est bien M. Tomota. D’abord, il faut savoir que la graine de coton était vendue par
Si Tomota a aujourd’hui du mal à accéder à la matière première à l’étranger c’est parce qu’il a fait sortir tout l’argent de la société. C’est pour dire que les raisons d’arrêt de l’usine de Koulikoro ne sont pas dues seulement à la question des graines de coton. Certes je reconnais en toute sincérité que les années qui ont suivi la privatisation, la production cotonnière a baissé. Ce qui s’est traduit par une production de coton graine beaucoup plus faible. Mais prendre cela comme prétexte, pour dire que la cause vient de l’Etat, je dis que cela est absolument faux. Dans le cahier de charge, il était prévu que Tomota fasse des investissements d’une centaine de milliards.
Le constat aujourd’hui est qu’il a été prouvé qu’il n’a rien fait du tout ; au contraire il a fait des investissements qui n’étaient pas prévus du tout dans ce programme. HUICOMA est une affaire qu’il utilise pour ses autres activités comme par exemple acheter des camions avec l’argent de HUICOMA pour les mettre à la disposition de sa société de Transport (Tata- Transport) de ciment et autres sur la ligne Bamako-Dakar. C’est ça la réalité ; alors qu’on ne crée pas la confusion en déplaçant le problème. S’il avait respecté ses engagements en faisant les investissements qu’il fallait, et s’il avait été aussi sérieux dans la conduite des opérations en évitant de dévaliser HUICOMA, je pense que la situation ne serait pas ainsi.
Je rappelle que Tomota a créé une société à l’extérieur appelée Infinity. Une société qui fait de l’assistance technique. En une année, celle-ci a reçu près de 2 milliards FCFA. Cette somme est virée à l’étranger. Mais l’assistance technique veut dire quand même que l’usine fonctionne. Ce qui n’est pas le cas et au même moment, il paye 2 milliards d’assistance technique à Infinity. J’ajoute aussi que Tomota fait acheter à travers HUICOMA dont il est le PDG, de l’acide caustique en Chine pour 320 millions de FCFA. Nous avons la facture du fournisseur chinois. Cette même matière première, monsieur Tomota la facture à HUICOMA à 920 millions de FCFA. Franchement qui est en train de divertir la société ? Qu’on ne nous parle donc pas de cette histoire de l’engagement non respecté de l’Etat. Ce qu’il faut dire de l’Etat, c’est que celui-ci a fait preuve d’un immobilisme coupable, donc d’une complicité, d’une collusion avec Tomota. Je le dis parce que l’Etat est informé de tout ceci. Et j’attire votre attention sur le fait que ces informations que je donne et que j’ai données à l’assemblée nationale sont contenues dans le rapport du Commissaire aux comptes de HUICOMA qui est un expert comptable agréé choisi par HUICOMA pour vérifier ses comptes. Ces informations émanent donc d’une commission d’enquête mise en place par le ministère des domaines. Aussi, elles viennent également du rapport de l’expert commis par le ministère de l’industrie qui est le ministère de tutelle de HUICOMA. Tout ceci pour dire que ce sont des informations officielles. Alors ne me dite pas que l’Etat ignore cela. Tomota a utilisé HUICOMA pour ses propres affaires. C’est de cela qu’il s’agit et c’est aussi cela la réalité. C’est ce qui a donc mis à genou la société. C’est cette pratique d’opérateur économique voyou que nous dénonçons.
Réalisée par Amadou N’DJIM et A. L. GUINDO