El Hadj Yacouba Katilé, Inspecteur des Douanes de son état, l’homme n’est plus à présenter, tant il a joué un rôle déterminant dans la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs du Mali, sans exclusive. Dans l’interview qui suit, il nous parle de sa Centrale syndicale pour laquelle il s’est battue depuis belle lurette, de ses avancées sous la houlette de ses devanciers. Mais aussi, pour que l’UNTM (Union Nationale des Travailleurs du Mali) aille plus loin, malgré les efforts fournis, depuis trois ans par le président IBK pour redresser le pays qui traverse une crise politico-sécuritaire la plus dramatique de son histoire. Bonne lecture !
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis tenté de répondre NON ! En effet, ni ma culture familiale ethnique, ni l’humanisme de mon terroir natal, n’autorisent une personne à parler d’elle-même. Cet exercice revient aux autres. Mais, comprenant le sens de la question, je voudrais vous dire que je suis, au plan professionnel, un Douanier. Au plan associatif, je suis un Syndicaliste, et au plan de la vie familiale, un homme marié ayant des enfants. Au plan de la vie sociale, je suis un fidèle aux relations humaines comme la parenté, l’amitié, la solidarité, l’esprit de justice. J’ai la haine du mal, du mensonge. Donc, je suis friand de l’amour de la vérité. Ce sont là des valeurs inscrites en chacun de nous, au sortir de la moule familiale, ethnique et du terroir natal.
Quelles sont les missions de votre Centrale Syndicale ?
Pour plus de concision, soyons bref. L’UNTM, dernière appellation de l’Union Régionale des Syndicats du Soudan (URSS), devenue Union Territoriale des Travailleurs du Soudan (UTTS), puis Union Territoriale des Syndicats du Soudan-Union Nationale des Travailleurs du Soudan (UTSS-UNTS), a fait sa gestation dans l’âpreté de la lutte anticoloniale. C’est pourquoi, en 1960 à l’indépendance, il y avait plus de syndicalistes dans les prisons coloniales que de politiciens. Notre première mission était la liberté, la dignité du Soudanais ; la souveraineté du pays des bâtisseurs d’empires glorieux (Ghana, Mali, Songhaï) et de royaumes puissants (Macina-Ségou-Kénédougou-Bélédougou-Khasso, pays bobo etc.).
A l’indépendance, il fallait consolider la jeune République du Mali ; amorcer son développement en vue de rattraper le grand retard de la nuit coloniale. Sachez que la SOMIEX, la Librairie Populaire, l’évacuation des troupes coloniales de notre territoire, la monnaie nationale ont été d’abord des propositions syndicales au Congrès extraordinaire du 22 septembre 1960. Dès lors, l’UNTM a toujours été un instrument au service du peuple, du pays, refusant de séparer les intérêts des travailleurs de ceux plus globaux des populations : paysans, ouvriers, travailleurs etc.
Ces missions demandaient des prises de position d’ordre politique en vue de l’épanouissement des citoyens. Voilà pourquoi, nous avons lutté pour le retour du pays à une vie constitutionnelle normale, et plus tard à l’avènement du pluralisme politique.
L’éducation civique, politique, académique, la promotion de la santé, des droits de l’homme, la protection et l’assainissement de l’environnement, le renforcement de la croissance et du développement économique sont des principes de la démocratie participative et qui sont autant de missions de l’UNTM méconnues du grand public et dont on parle rarement. Le tout combiné, nous avons été au plan africain, à l’origine du concept de syndicalisme de proximité et de développement.
Quels sont vos rapports avec le Gouvernement ?
Vous auriez dû dire aux Gouvernements, compte tenu de la présence de l’UNTM, toutes les grandes articulations de l’histoire du Mali moderne. Je vous propose donc de faire un long regard sur ces rapports, afin d’échapper à une localisation dans le temps. Du reste, il n’y a que des nuances d’un temps à un autre. Les deux premières Républiques ont plutôt entretenu avec l’UNTM des rapports de participation responsable. Entre elles, il y avait des nuances remarquables de différenciation mais aussi de similitude dans les objectifs. Le caractère unique de la Centrale, en a fait une force qui ne craignait pas la puissance politique et exécutive des pouvoirs en place. L’UNTM était donc la voix des travailleurs d’où «Baarakéla».
Depuis 1991, force est de reconnaître que les différents régimes nourrissaient vis-à-vis de l’UNTM une sourde antipathie. Le dessein de saccager sa force a été ressentie dès 1991 avec l’émergence d’organisations syndicales dopées pour être des rivales des syndicats phares de la Centrale : administration d’Etat, éducation, santé.
Puis, sous l’impulsion de certaines autorités bien connues, la CSTM a été fabriquée, parce que le temps semblait être venu d’assommer l’UNTM. Nous ne citerons aucun nom, mais il existe aussi bien dans l’éducation, la santé, l’administration d’Etat, aussi bien au niveau des responsabilités politiques que gouvernementales, des témoignages sur les ingérences flagrantes contraires aux Conventions n°87 et n°98 de l’OIT qui ont implanté le multi-syndicalisme dans notre pays. C’était contre l’UNTM.
Nous nous trouvons encore dans cette logique politique, administrative, patronale souvent gouvernementale, de fragiliser l’UNTM, de la détruire. Cette logique perceptible à différents niveaux, mise à jour par des témoignages oraux et écrits accablants est de plus en plus mise en application.
Depuis des Brigades de gendarmerie, nous parviennent des informations destinées à permettre l’implantation des structures par exemple de la CDTM dont la fondatrice est de la grande famille de la gendarmerie. La même incitation est faite dans certains ministères, certaines directions à Bamako et dans les capitales régionales. Il s’agit de miner l’UNTM à la base, comme on n’est pas parvenu à la détruire au sommet.
Quelles sont les grandes luttes que vous avez menées depuis votre création afin de garantir la liberté syndicale des travailleurs au Mali ?
Vous savez, c’est la lutte permanente de l’UNTM. On pouvait passer toute une journée sur cette question. Mais d’entrée de jeu, je voudrai attirer votre attention sur la mission historique que nos devanciers ont assignée à notre Centrale depuis mai 1946 à sa naissance : concilier le développement du pays et la défense des intérêts professionnels des travailleurs. Cela apparaît souvent comme un dilemme, tant l’agressivité des pouvoirs publics, jusque dans les Cabinets ministériels, des sociétés minières et autres étrangères, des sociétés privées maliennes, est de plus en plus fréquente, et de plus en plus hors-la-loi.
Les licenciements pour activités syndicales, souvent aggravés par des emprisonnements, des détentions illégales à la gendarmerie, nous ont emmenés à agir pour obtenir l’élargissement des camarades et leur réintégration que l’on refuse de façon entêtée.
Peut-on continuer à souffrir cette pratique ? Rien n’est moins sûr. J’ai personnellement écrit au Président de la République, au Premier ministre, à différents ministres pour le respect de l’Etat de droit pour lequel des travailleurs, et des étudiants sous la conduite d’Oumar MARIKO, ont donné leur sang, que soient appliquées ces règles de façon rigoureuse dans le monde du Travail. J’ai apporté mon soutien aux mouvements de grève des bases, tout en empêchant que des sanctions illégales soient prises.
J’ai fait observer en août 2014 une grève nationale d’avertissement quand les légitimes aspirations des travailleurs étaient bafouées. J’ai fait des mémorandums assortis de preuves pour l’application des Accords conclus entre l’UNTM et le Gouvernement depuis 2011.
La liberté syndicale, c’est le droit à la consultation, le droit de participer à la conception, à l’exécution des grandes politiques économiques, sociales à la construction de la paix, de la sécurité, à la bonne gouvernance. Mes interventions lors des fêtes du 1er mai sont là pour prouver ma bonne foi.
Quand les partis de l’opposition sont favorables à nos suggestions pour sauver le pays nous ne bénéficions pas d’écoutes favorables à d’autres niveaux. La lutte pour la liberté syndicale, n’étant pas seulement la grève mais le poids de l’argumentation aux partenaires, je m’y suis employé de toutes mes forces. Evidemment, tout a une limite.
Quels acquis avez-vous obtenus au profit du travailleur malien ?
Malgré le faux jeu de dialogue, de concertation en trois ans, nous sommes parvenus à des résultats jamais enregistrés par notre Centrale depuis sa création.
Avant d’en citer, je voudrai vous témoigner qu’il y a encore énormément d’anomalies qu’il nous faut éradiquer.
Ainsi donc : l’augmentation du SMIG à plus de 100%,
l’augmentation des allocations familiales dans le même ordre soit de 1500F à 3500F/enfant sans handicap et 4000F/enfant avec handicap ; l’augmentation échelonnée de la valeur du point indiciaire qui atteindra 400F en janvier 2017 ; la fixation et l’application des primes de zones, même si récemment certaines insuffisances nous sont parvenues ; l’amélioration des primes et indemnités aux cadres de l’Etat ainsi qu’aux chauffeurs ; la révision de certaines Conventions Collectives dont certaines comme celles des Banques sont en application ; les mesures de renforcement et de relance de l’activité postale ; l’accord pour qu’enfin le peuple sache le bilan des privatisations ; l’accord sur la révision du Code minier dont l’état actuel est une érosion sans contrôle de nos ressources ; le retour aux anciens tarifs d’eau et d’électricité qui avaient subi des hausses exorbitantes et unilatérales ; la maîtrise des prix des denrées de première nécessité sous la houlette de la Commission Nationale des Prix créée sur notre exigence ; la création de la Fonction Publique des Collectivités et la nécessité de passerelle avec la Fonction Publique d’Etat.
Sont entre autres des acquis, résultats de la seule activité de revendication et de grève de l’UNTM et de ses militants. Les autres, ayant créé leur organisation contre nous, ne peuvent pas dire le contraire. Les membres des cabinets, les directeurs nationaux et régionaux, tous les travailleurs honnêtes le savent.
Malgré ces acquis, nous restons dans un état d’insatisfaction face à la cherté de la vie, face au train de vie qui prive les travailleurs d’une partie substantielle de leurs efforts de production.
Selon vous, quelle est la place du syndicalisme dans l’enracinement de la démocratie au Mali plus de 50 ans après les indépendances ?
J’ai déjà abordé certains aspects de la contribution de l’UNTM dans l’écroulement du régime colonial et dans le démarrage de la République du Mali. En tant que Syndicat, de 1960 à 1970, l’UNTM a privilégié la démocratie professionnelle à travers l’accès de tous les citoyens au travail. C’est la raison pour laquelle, les Sociétés et Entreprises d’Etat ont été défendues plus que des avancements de salaires et autres primes et indemnités.
Je l’ai dit, nous nous sommes opposés au régime exceptionnel du CMLN et avons pu entraîner le retour du pays à une vie constitutionnelle normale. Nous avons donné à l’UDPM toute sa chance pour galvaniser le peuple vers son développement en participant même au Conseil national.
L’absence de vision démocratique du parti UDPM et de ses principaux responsables, nous a basculés dans la lutte pour le pluralisme démocratique.
En effet, le Conseil central de mai 1990 a pris des résolutions courageuses comme la fin du parti unique et l’option pour le pluralisme démocratique entre autres.
Tout le monde nous a abandonnés sauf le Barreau avec Maître Idrissa TRAORE à sa tête, l’AMDH avec Maître Feu Demba DIALLO, l’AEEM avec Oumar MARIKO.
C’est avec ses trois composantes que l’UNTM a œuvré à miner l’UDPM d’où la première grève nationale de l’histoire du Mali indépendante. C’était les 8 et 9 janvier 1991. Le bras de fer a duré jusqu’en mars 1991. Le succès des premières luttes a drainé enfin les foules vers la Bourse du Travail où les associations et organisations politiques dont certaines étaient dans la clandestinité sont sorties au grand jour.
L’UNTM assumait pleinement ses actions syndicales qui devaient par les revendications agglomérer toutes les bonnes volontés acquises au changement politique.
Après le 26 mars 1991, quand les syndicats estimaient que leur tâche était terminée, les associations et organisations exigeaient le maintien de l’UNTM dans le pilotage de la transition. Voilà comment, le Secrétaire Général de la Centrale se trouva Vice-président du CTSP accompagné de deux autres membres.
Pendant le CTSP, afin d’éviter la répétition des confrontations entre syndicats et Etat, nous avons signé un Pacte Social qui balisait le cheminement des augmentations de salaires indexées sur les performances économiques et financières de l’année.
Ainsi, nous avons pu éviter de déstabiliser les gouvernements de la troisième République qui avaient peur de nous. Cependant, nous avons invité la CISL à tenir au Mali une grande rencontre des bailleurs de fonds, du gouvernement des syndicats afin d’inclure dans les Programmes d’Ajustement Structurel, des dimensions sociales indispensables au renforcement de la démocratie sociale, de la paix sociale. Nous avons demandé à nos structures de base d’observer une trêve dans la frénésie des revendications et des grèves afin de ne pas compromettre la stabilité de la 3ème République très fragile. Comme vous pouvez le constater, les syndicalistes comme lors de la lutte pour l’indépendance, avaient une longueur de vision plus grande que les politiciens. En effet, malgré nos efforts pour la consolidation de la démocratie et de la 3ème République, les politiciens n’ont pas hésité à effriter la cohésion de la Centrale par leur immixtion, leurs ingérences dans la création et le fonctionnement des syndicats.
Aujourd’hui, l’union sacrée autour d’une seule Centrale syndicale semble chose impossible. Comment en est-on arrivé à 4 centrales syndicales au Mali ? Comment cohabitez-vous ?
Impossible est un constat lourd de conséquences pour la liberté syndicale et le développement du syndicalisme. A l’époque coloniale, nos hommes politiques qui avaient fait leur formation dans le syndicalisme : Mamadou KONATE, Modibo KEÏTA en l’occurrence, aimaient dire avec les responsables syndicaux que « Le Soudan barrera la route au multi-syndicalisme ». Ils étaient à l’opposé de leurs homologues respectifs de l’AOF. Sékou TOURE les a rejoints avec le projet de loi-cadre (1957), ce fut l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire (UGTA).
Cette vision rejoint la pratique dans la plupart des pays à traditions anglo-saxonnes comme les USA, l’Allemagne, la Belgique, la Suède, la Norvège, le Danemark etc. qui sont pourtant des démocraties très participatives. Leurs dirigeants savent qu’ « un Etat a besoin d’un syndicat fort, et un syndicat a besoin d’un Etat fort pour orienter le respect de l’Etat de Droit ».
N’ayant aucune formation en science politico-syndicale, nos responsables de la 3ème République ont cru se ménager des règnes paisibles en phagocytant l’unité syndicale. Ceux qui ont semé la division ont aujourd’hui bien vu qu’ils n’exercent plus le pouvoir. Ceux d’aujourd’hui devraient en tirer des leçons.
Mais l’ignorance des réalités politico-syndicales, incompréhensible pour des gens qui ont l’ambition de gouverner, les amène à la politique de démantèlement de la force des travailleurs. Pourtant, au coup d’Etat de 2012, les politiciens ont cherché en vain à ce que les syndicats s’organisent pour mettre fin au putsch. L’UNTM était anti-putschiste, mais n’avait pas sa puissance de 1991.
La CSTM était pro-putschiste mais n’avait pas l’envergure pour mettre les travailleurs maliens en cessation de travail. Au bilan, c’était la démocratie malienne qui n’avait plus de remparts, de bras armés. Peut-être en sera-t-on conscient un jour ?
Vous pouvez donc comprendre que lorsque chaque parti, chaque ministre, chaque directeur national, souhaite avoir une organisation syndicale à sa dévotion, il ne manquera pas de renégats aux principes de base du syndicalisme, pour arriver à ses fins. Donc, le non-respect des principes de la liberté syndicale, de la non-ingérence dans les affaires et la création des syndicats, les interférences multiples par les brimades décochées contre les syndicalistes en phase à l’indépendance syndicale, sont le facteur essentiel de l’émergence de certains syndicats libres, autonomes, indépendants et des Centrales dressées contre l’UNTM. A ce facteur, il faut ajouter le non-respect de la démocratie interne dans les syndicats.
En effet, la CSTM est apparue en 1998 quand son initiateur a refusé de suivre le Forum des Syndicats Nationaux (10 sur 12) qui a organisé un congrès unitaire pour dépasser une crise interne entre lui et son Secrétaire Général, le camarade Issé DOUCOURE. Sa position a été une aubaine pour les anges de la division.
La CMT a été d’abord une réaction de son initiateur à sa déposition lors d’un congrès de la CSTM mais surtout lorsque le SNEC n’a plus voulu le réintégrer dans ses rangs après des escapades dans une autre Centrale.
La CDTM est l’exemple type des deux facteurs réunis : l’échec de se faire élire à la tête du SYNTADE et l’appui matériel et financier des autorités très proches, à divers titres de ses sources.
Un ministre du Travail s’entêtait à exhiber le certificat de conformité de ces Centrales pour dire que la justice avait autorisé leur création. Il ne savait pas que les syndicats n’ont pas besoin de reconnaissance administrative car le certificat de conformité confirme seulement le caractère républicain, le caractère laïc, le caractère démocratique des textes, pas la création.
Comment nous cohabitons, demandez-vous ?
Pendant longtemps, l’UNTM consciente de l’émergence non libre et indépendante de la CSTM, donc étant un instrument créé par des autorités qu’elle connaissait très bien, l’UNTM donc avait refusé toute collaboration avec des gens qui ont accepté de trahir la ligne syndicale caractéristique de notre pays, depuis 1946 jusqu’en 1997. Il est sûr qu’avant eux, des administrateurs, des enseignants, des médecins, des magistrats, et même pendant un temps des journalistes avaient foulé au pied les valeurs d’unité et de solidarité.
Dès notre accession à la tête de l’UNTM, je me suis engagé à permettre des rapprochements pouvant aller jusqu’à la refondation d’un nouveau syndicalisme pour le Mali. C’est pourquoi, à Berlin en mai 2014 j’ai initié une prise de position pour faire connaître la situation du Mali au monde syndical de tous les continents. Après la lecture du projet, le Secrétaire Général de la CSTM m’a demandé d’en faire une déclaration conjointe. Sans demander l’avis du Bureau Exécutif à Bamako, j’ai accepté afin que l’image d’une capacité de retrouvailles des syndicalistes maliens se fixe dans les mémoires, contrairement au passé. Je lui ai même laissé le privilège de la lire au congrès de la CSI. Très exactement, la même chose s’est passée à Genève lorsqu’il s’est agi de réagir face à l’événement de Kidal quand la délégation du Premier ministre, des travailleurs, des responsables ont essuyé les tirs du MNLA et qu’il y avait eu des victimes. Il fallait la faire savoir à la Conférence Internationale du Travail. La CSTM a demandé d’être associée à la déclaration. Ce qui fit.
J’ai cru sincèrement qu’avec le Secrétaire Général de la CSTM, on aurait pu évoluer vers plus de collaboration, d’actions communes, d’autant plus qu’il s’est montré favorable à nos revendications et est même venu avec un staff soutenir notre grève d’août 2014 à la Bourse du Travail. Mais en contre-courant à cela, dans beaucoup de services, des responsables de la CSTM œuvraient à faire échouer notre grève. Même chose dans certaines localités. C’est à partir de cette duplicité qu’au lieu d’un partage de la représentativité entre les deux organisations à différents niveaux, compte tenu du droit que l’UNTM a en matière de représentativité, nous avons décidé de ne plus rien lui céder.
Le ministre de l’époque a beaucoup fait pour envenimer nos rapports avec la CSTM.
La CMT se veut d’abord mobilisatrice des actifs de l’informel. Sa faible présence dans le formel réduit nos rapports.
La CDTM est déjà la Centrale la plus chouchoutée selon toutes les informations provenant des régions et cercles et même du District de Bamako. Cette subordination, entorse à la Constitution et aux Conventions internationales, n’autorise aucune collaboration possible à l’heure actuelle.
Ses membres pourront toujours bénéficier, comme les autres, de tous les fruits de notre lutte.
Le syndicalisme n’a plus le même enthousiasme que dans les années 1960 et est devenu un raccourci pour certains d’atteindre des postes politiques. Comment envisagez-vous l’avenir de votre Centrale syndicale ?
Mettons les choses au net. Depuis l’avènement de la 3ème République, être syndicaliste est plutôt un handicap qu’un raccourci dans l’occupation de postes politiques. A ma connaissance, un seul syndicaliste est entré dans le Gouvernement de Cheick Modibo DIARRA au titre de son organisation.
Il faut plutôt abandonner le syndicat pour faire de la politique et par ce biais être député, maire, conseiller etc.
Nous sommes, nous de l’UNTM dans une position de victime, d’inimitié. Il y a un anti-syndicalisme qui cible l’UNTM et ses responsables tant dans certaines entreprises, dans certaines directions que dans certains ministères. Nous sommes victimes de complots incessants. L’avenir pour nous est simple.
Puisque malgré nos efforts pour asseoir et consolider la démocratie nationale, l’économie nationale, l’ordre social, tout est fait pour nous nuire ; alors, nous allons devoir nous défendre sans concession. Nous renoncerons à toutes les fonctions de représentation auprès des pouvoirs publics, des Institutions pour mener comme nos statuts le recommandent un véritable syndicalisme révolutionnaire qui rime avec un partage ou une redistribution équitable des ressources. Un syndicalisme opposé à toutes les manœuvres qui spolient le peuple de ses ressources avec l’orchestration de cadres très souvent étrangers à nos difficultés du passé, et qui ne sont avec nous que parce que de grosses opportunités leur tombent entre les mains par le clientélisme, le népotisme, le favoritisme. C’est ce syndicalisme que nous opposerons à toutes tractations ourdies pour nous fragiliser. Des doléances pertinentes sont du reste en chantier pour amorcer ce virage, cette réorientation.
Quelle appréciation faites-vous de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ? Et un mot sur le bilan à mi-parcours du Président de la République
Pour être bref, nous n’avons pas apprécié positivement le document d’Accord. En plus des analyses erronées, il y avait comme une camisole de force qui entourait le peuple tout entier pour le mettre au service d’une rébellion fomentée de très loin.
Mais, nous disons avant la ratification et la signature, qu’il est indispensable de tenir de larges concertations pour redéfinir le cadre institutionnel, pour avancer vers une paix plus juste, plus consensuelle. Nous n’avons pas été entendus quoique nous prédisions hélas, que le processus sera très chaotique.
Au lieu de réconciliation, chaque jour, les jeunes maliens du Sud perdent la vie. Chaque jour la figure multiforme de la rébellion indépendantiste, mue en djihadisme terroriste, et dans les moments de faiblesse, en communautarisme, se métamorphose et assène des coups à l’unité nationale, à la République, à la paix.
Quant à IBK, nous avons apprécié son approche pleine de prudence pour juguler les hypothèques qui pèsent sur le Mali, dont les auteurs ne sont plus au pouvoir depuis belle lurette. Croire qu’en un tour de magie, il réussirait, serait une véritable cécité politique. Nous lui avons témoigné à plusieurs reprises notre approbation par rapport à la pondération dont il fait montre. Cela ne veut pas dire que tout est rose. Il y a encore beaucoup d’initiatives, d’imaginations à faire, beaucoup de présence de l’Etat au cœur de la vie quotidienne du Mali et de ses populations, qu’il faut réussir à imprimer à la vie nationale.
Le mot de la fin
Le mot de la fin sera de dire aux militantes et militants de l’UNTM que nos toutes prochaines instances seront déterminantes dans le retour aux repères fondateurs de la Centrale. Je les invite, lors de l’exécution du projet d’élections professionnelles de faire triompher magistralement l’UNTM, même s’il doit être décidé souverainement de stopper la fonction de représentation qui nuit à l’activité syndicale proprement dite.
Nous n’oublions pas le Mali, mais nous nous voulons être aux places qui nous conviennent dans la production des biens et services et dans leur juste redistribution. Quand les mauvais choix politiques persistent, en syndicat révolutionnaire, nous saurons réagir.
Entretien réalisé par A.B.D et Roland