L’inspecteur général Mamadou Gakou, directeur national des eaux et forêts du Mali : « De 32millions d’ha en 2002 à 17 millions de nos jours, l’état de dégradation de nos forêts permettre difficilement d’inverser la tendance au réchauffement climatique qui nous assaille… »

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Depuis 2014, la Direction Nationale des Eaux et Forêts a décidé d’entreprendre désormais les reboisements sécurisés.  Dans un entretien que le Directeur national du service des eaux et forêts ,l’inspecteur Général Mamadou Gakou, nous a accordé , il nous analyse les grands enjeux  de la campagne du reboisement 2019 ,la nécessité de planter,  pour faire face aux effets des changements climatiques ,la valorisation des produits forestiers ,la formation des agents des eaux et forêts et leur sécurisation voilà entre autres sujets abordés dans cette interview que nous vous proposons.

  Baba Diarra : Pourriez- vous nous rappeler les objectifs assignés à la dernière campagne nationale de reboisement ?

L’inspecteur général Mamadou Gakou : Pour la campagne de reboisement 2019, il est prévu :

  • la production de 3 919 913 plants (toutes espèces) ;
  • la collecte de 442 000 noix de rônier ;
  • la récolte et le traitement de 50 000 boutures ;
  • le reboisement de 34 672,7 ha ;
  • la fixation biologique de 425 ha de dunes de sables,
  • la restauration de 300 ha de sites d’orpaillage ;
  • l’enrichissement de 6 682 ha de forêts ;
  • la mise en place de 183 330 m de cordon pierreux ;
  • la confection de 11 500 m de digues et diguettes ;
  • la restauration de terres dégradées de 865,5ha ;
  • l’installation de 10 500 m de fascines et de 6390m de barrières ;
  • la mise en défens de 51 30 ha de formations naturelles ;
  • la conduite de régénérations naturelles assistées : 21 269 ha ;
  • l’ouverture de 20 027,4m de pare-feu.

BD : Quelles sont les espèces plantées au cours de la campagne 2019 ?

MG : Je ne saurais donner une liste exhaustive des espèces produites au cours de la campagne 2019 , tant elle pourrait être longue . Les principales espèces recensées au niveau des pépinières sont entre autres :

  • Azadirachtaindica( saïyirini)
  • Eucalyptus camaldulensis( mentolatonyirini)
  • Ficus sp
  • Gmelinaarborea( alumètiyirini)
  • Psidiumguayava (Buyagui)
  • Khayasenegalensis (diala)
  • Lawsoniainermis(diabi)
  • Afzeliaafricana (Lingué)
  • Acacia albida (Balanzan)
  • Acacia senegal (Dibé)
  • Terminaliamacroptera (wolo-ba)
  • Tamarindusindica( N’tomi)
  • Adansoniadigitata( sira , zira)
  • Pterocarpuserinaceus(Guenou)
  • Isoberliniadoka(sô)
  • Danielliaoliveri( Sana)
  • Ceibapentandra (bana)
  • Anacardium occidentale ( somo)
  • Annonasquamosa( Toubabousounsoun)
  • Manguiferaindica( mangoro)
  • Moringaoleifera(yiriniblu)
  • Citrus sp( lemurusoukouyaw)
  • Citrus grandis
  • Parkiabiglobosa( nèrè)
  • Elaeis guinensis Palmier à huile (n’té)
  • Prosopis juliflora
  • Jathrophacurcas (bagani)
  • Vitellariaparadoxa (chi)
  • Ziziphussp (N’Tomono)
  • Cocos nucifera

 BD : Quel pourrait  être l’impact d’une bonne campagne de reboisement sur la régénération de nos forêts ?

MG : Les forêts sont d’une importance capitale dans la vie des communautés et constituent  une richesse inestimable pour les générations montantes et futures. Elles demeurent un réservoir de produits indispensables  à  la vie des communautés au triple, plan écologique, économique et social. Elles constituent, non seulement un facteur de régulation thermique, mais aussi un puits de carbone. Elles procurent à l’homme l’essentiel des produits de sa subsistance. Elles nous fournissent  du bois, des fruits, des résines, de la gomme, des fibres, de l’ombre. En outre, elles  nous protègent contre les intempéries, améliorent notre cadre de vie et participent au maintien de la biodiversité.

Selon les résultats de l’inventaire forestier national, réalisé en 2006 et 2014, le Mali  perd près de 100 000 ha de forêt chaque année. Ceci corrobore les résultats de l’étude  du Groupe International  d’Evaluation du Climat (GIEC) de 2016 qui estimait, que le désert  au plan mondial avait progressé d’un (01) km  par an entre 2000 et 2015 malgré les efforts consentis par les différents pays. La même étude estime que des efforts supplémentaires restent  encore à fournir,  en matière de gestion des forêts.

Le Ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du développement Durable a, dans sa présentation à la 6ème session du Conseil Supérieur de l’Agriculture, tenue en Mai 2015,  tiré la sonnette d’alarme.  Ce document, sur la base  d’hypothèses irréfutables avait estimé, qu’avec une consommation d’un m3/Pers/an, le Mali pourrait connaitre un déficit en bois énergie,  à partir de 2030, si des dispositions ne sont pas prises.

Aujourd’hui, sur les 32 Millions d’hectares de forêts recensés en 2002, il ne reste actuellement qu’environ 17 Millions, très insuffisants pour  inverser la tendance au réchauffement climatique qui nous assaille.

 Les conséquences des  actions anthropiques sur la diminution drastique  de la flore et de la faune, l’encroutement des sols, la formation de dunes, le comblement des bas fonds,  des lits des cours d’eau et la migration des populations et de la faune sauvage vers les zones plus boisées.

Les réponses à cette dégradation des forêts pour notre pays, sont entre autres : les classements de nouvelles forêts, la rationalisation des prélèvements de bois, le contrôle des défrichements, la lutte contre les feux de brousse et l’érosion des sols, l’aménagement des aires protégées et le contrôle des pâturages etc.

Le reboisement tient une place importante dans la reconstitution de l’environnement. Il aide à restaurer les espaces dénudés et les zones dégradées du territoire.

En effet, le Mali reboise  annuellement environ, entre 30 000 et 40 000 ha. Ceci constitue environ le tiers (1/3) des superficies perdues chaque, année suite aux facteurs cités plus haut. En ajoutant à ces reboisements la part de l’accroissement naturel, qui atteint annuellement 2.5 à  9% suivant les zones (sahélienne à Soudano-Guinéenne) et les années, le taux d’accroissement de la biomasse approche les 40 à 45 000 ha/ an. Ceci semble insignifiant mais très important car permet de compenser les pertes de superficies boisées à hauteur de 50%. Cela veut tout simplement dire que malgré ces efforts, le Mali accumule bon an mal an une perte sèche de  55 000 ha de forêts.

BD : En dehors du reboisement, quelles autres dispositions votre structure entreprend, afin que les forêts  maliennes deviennent de puits de carbone ?

MG : Comme stipulé en introduction, le service des Eaux et Forêts entreprend beaucoup d’autres activités concourant à la lutte contre les effets du changement climatique. Il s’agit entre autres activités de :

  • l’information, la sensibilisation et la formation des acteurs chargés de la gestion des ressources forestières et fauniques ;
  • l’élaboration et l’application de textes législatifs et réglementaires dans le cadre de la gestion des ressources forestières et fauniques;
  • l’aménagement des forêts classées, des massifs forestiers villageois et des aires de protections de la faune ;
  • la gestion participative des ressources forestières ;
  • la restauration des terres dégradées (lutte anti érosive) ;
  • la lutte contre les feux de brousse ;
  • la lutte contre le braconnage ;
  • la récupération des sites d’orpaillage ;
  • la fixation des dunes de sable ;
  • le suivi et l’évaluation des activités sur le terrain.

BD : Avez –vous aujourd’hui une statistique fiable du nombre d’espèces végétales vivantes, de celles qui ne sont plus et de celles qui sont en voie de disparition et des dispositions pour leur réhabilitation ?

Toutes les espèces végétales sont menacées au Mali et plusieurs espèces sont en voie de disparition. La liste est longue, mais les espèces pionnières sont entre autres :

  • Acacia senegal (gommier) ;
  • Adansonia digitata (Sira) ;
  • Afzélia africana (lingué) ;
  • Borassus aethiopum;
  • Elasis guineensis (N’Té) ;
  • Khaya senegalensis
  • Nauclea latifolia (Baro) ;
  • Parkia biglobosa (Néré) ;
  • Pterocarpus sp  (Guénou);
  • Raphia sudanica (N’Ban) ;
  • Tamarindus indica (N’Tomi) ;
  • Teclea grandifolia (Kékéliba) ;
  • Vitélaria paradoxa (Chi) ;

Ziménia américana ( Zéguènè).

BD : Qu’en est-il du renforcement de capacité de nos agents forestiers, leurs gestions sécuritaires face aux menaces terroristes ?

MG : Nous pensons qu’il faudrait nécessairement renforcer les capacités du service à faire face aux défis nouveaux. Ce renforcement de capacité concernera les effectifs et les recyclages des agents. L’effectif du personnel d’encadrement est insuffisant. Actuellement la DNEF ne compte qu’environ 800 agents. Ceci est très insuffisant si on se rappelle que le ratio d’encadrement international est d’un (01) agent pour 5 000 ha. Présentement  le ratio est d’un agent pour 75 000 ha.

Aussi, les agents ont besoin de recyclage dans la mesure où la technologie évolue et qu’il faudrait qu’on s’y adapte.

Par rapport à l’insécurité dans le pays, les agents doivent promouvoir le faire- faire, former les populations et l’ensemble des acteurs de terrain et procéder à des suivis sporadiques en vue d’assurer le transfert des compétences.

BD : Un mot sur les grands chantiers ?

MG : Sensibiliser les populations sur leurs rôles et responsabilité dans la gestion des forêts et de la faune ;

Aménager les forêts classées, et les aires de conservation de la faune ;

Planter plus d’arbres et les entretenir ;

Fixer les dunes de sable ;

Récupérer les terres dégradées

Lutter contre les feux de forêts

Transférer les compétences  de GRN aux collectivités

BD : Merci, Monsieur le Directeur.

MG : C’est moi qui  vous remercie

  Propos recueillis par Baba Diarra

Source : Vert Infos

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