"Mouammar Kadhafi est mort en martyr, tombé sous les balles de l’impérialisme. C’est une victime d’une politique occidentale qui n’a d’autre visée que la mainmise sur les ressources de la Libye. Je lui rend un vibrant hommage pour tout ce qu’il a fait pour le Mali et pour l’Afrique". Telle est la quintessence d’une interview que le prêcheur Chérif Ousmane Madani Haïdara nous a accordée. Il nous parle de la grande prière de vendredi en hommage au Guide libyen. Par contre la marche qui devrait suivre cette prière ne se tiendra plus. Cela par crainte des débordements, a fait savoir notre interlocuteur.
L’Indépendant : La communauté musulmane du Mali a fait montre d’un soutien sans faille à Mouammar Kadhafi à travers la coalition malienne de soutien à la Grande Jamahiriya Libyenne. Le Guide a été finalement exécuté et le peuple libyen s’en est réjouit. Quels sentiments vous animent après sa mort ?
Chérif Ousmane Madani Haïdara : Je rend grâce à Allah le très Miséricordieux. Celui sans qui rien n’est possible. C’est un sentiment de tristesse qui m’anime. Alors que nous aurions souhaité qu’il vive encore longtemps. Lorsque j’ai appris la nouvelle de la disparition de Mouammar Kadhafi, j’ai aussitôt prié Dieu pour le repos de son âme. Toute créature est périssable. L’homme Kadhafi est mort les armes à la main et la tête haute. Il n’a jamais abdiqué face aux coups de boutoir de l’impérialisme. Il n’a jamais voulu fuir. Il a préféré mourir sur la terre de ses aïeux et c’est en martyr qu’il est mort.
L’Indép. : Pourquoi tant de soutien de la communauté musulmane à l’égard de Kadhafi ?
C.O.H : L’intérêt que la communauté musulmane manifeste à l’égard de Mouammar Kadhafi n’est pas dicté par des considérations purement religieuses. Pour ce qui me concerne, je tiens à rendre un vibrant hommage à l’homme pour tout ce qu’il a fait en terme d’investissement pour mon pays et pour beaucoup de pays africains.
Tout bon Malien doit être consterné par ce qui lui est arrivé. J’en veux pour preuve ses investissements à travers le Centre islamique d’Hamdallaye, la Grande Mosquée de Ségou, la Cité administrative, l’aménagement des centaines d’hectares à l’Office du Niger pour nous aider à combattre la famine.
S’y ajoutent la prise en charge de 500 professeurs d’établissements coraniques et l’octroi à notre pays d’une chaine de télévision. Cependant, je suis triste de constater qu’en dépit de son engagement pour la cause de son pays et celle de l’Afrique, on le traine dans la boue en le faisant passer pour un vulgaire dictateur. Je tiens à préciser que nul n’est parfait excepté le prophète (PSL) et qu’aucun régime n’est non plus parfait.
Dans chaque régime, il y a certes des mauvais côtés mais il faut reconnaitre les bons côtés. Nous, nous retenons de lui l’image d’un panafricaniste qui s’est de tout temps battu pour l’éveil des consciences des peuples africains et pour la défense des opprimés. Qu’il s’agisse de son combat auprès des Noirs d’Afrique du Sud au plus fort de l’apartheid ou de son action auprès des Palestiniens.
L’Indép. : Qu’est-ce que vous ne semblez pas accepter dans la crise survenue en Libye?
C.O.H : Je ne réfute pas le soulèvement du peuple libyen puisqu’avant tout, c’est son droit le plus légitime. Et c’était à lui de régler son compte avec Kadhafi sans aucune intervention extérieure. Mais que des puissances occidentales, sous le label d’un mandat maquillé depuis les Nations Unies le renversent, je dis que c’est une agression pure et simple. L’OTAN a dit vouloir instaurer la démocratie et préserver le peuple libyen de la folie meurtrière de Kadhafi. Pourquoi l’OTAN n’est pas intervenue en Syrie et au Yemen ? A titre de rappel, depuis plus de cinquante ans, Israël tue en Palestine. A-t-on pensé un seul instant à intervenir en Israël pour protéger les Palestiniens? C’est pourquoi, je conclus qu’on a affaire à une politique des deux poids deux mesures. Mouammar Kadhafi toute sa vie s’était battu pour que nous demeurons unis. Nous ne l’avons pas compris. Tant que nous ne resterons pas unis, nous resterons toujours à la merci des autres. Ce qui vient de se passer en Libye n’est qu’un début et non une fin. C’est le début d’un cycle de violence qui va déstabiliser le monde.
L’Indép. : Quelle action comptez-vous entreprendre pour saluer sa mémoire ?
C.O.H : Il est prévu une grande prière le vendredi prochain à la Grande Mosquée suivie d’un meeting. La coalition malienne de soutien à Mouammar Kadhafi avait prévu aussi de marcher sur les ambassades des pays occidentaux. Je l’ai convaincue de renoncer à cette marche par crainte des débordements. Il est vrai que Kadhafi n’est plus mais il faut savoir préserver notre pays de certaines mauvaises publicités.
Abdoulaye DIARRA