A moins de quatre mois des élections présidentielles, les leaders religieux sont les plus sollicités par les candidats. Ceux-ci sont démarchés par ceux-là, pas pour leurs beaux yeux, mais pour bénéficier des suffrages. Ainsi, les visites officielles et officieuses se multiplient à des heures tardives et à des endroits loin de tout soupçon. Pour nous faire une idée de la situation, nous avons mis le week-end à profit pour rencontrer Chérif Mouhamadou Chouala Bayaya Haïdara.
Le Potentiel : Pouvez-vous vous présentez à nos fidèles lecteurs ?
Chérif Mouhamadou Chouala Haïdara : Avant de commencer mes propos, je rends d’abord grâce à Dieu et à son prophète Mohamed (Paix et salut sur lui). Je suis Chouala Mouhamadou Bayaya Haïdara de Dravela Bolibana, je suis un précheur et un adepte de la Tidjaniya. Je suis aussi le guide spirituel d’une grande association de musulmans dénommée « Isbourahamane ». Elle regroupe plus de 100 000 fidèles dispersés au Mali et dans le monde entier.
Le potentiel : Que dit l’Islam sur la politique ?
Chouala : Contrairement à ce que certains pensent, l’islam ne condamne pas la politique, si elle se pratique dans les règles. Car l’islam n’interdit que les mauvaises choses. En réalité, l’islam n’est pas contre ce que disent les politiciens, mais plutôt, il est contre certaines pratiques. L’objectif de la politique n’est autre que le développement du pays, la lutte contre la pauvreté et le confort des citoyens. L’islam est contre les mensonges, les promesses non tenues et la trahison du peuple une fois élu.
Dans un autre sens pour vous dire combien on ne peut pas dissocier l’islam de la politique, la plupart des politiciens sont des musulmans, tout comme la plupart des électeurs. Si l’islam était contre la politique, il allait interdire aux fidèles qui se disent musulmans à ne pas être des électeurs encore moins des candidats. Quand on regarde les pays islamiques comme l’Iran, on constate que les Ayatollahs ont plus de pouvoir que les politiques, cela pour le bien être de leur peuple et de l’Islam. Tout simplement, l’Islam demande à ce que la politique se fasse dans le respect des principes religieux, c’est-à-dire dans la dignité et la foi en Dieu. Si la religion se met à l’écart de la politique, cela peut avoir des répercutions grave sur l’épanouissement de l’Islam. Car, le destin de la religion et du pays sera entre les mains de n’importe qui. Pour éviter cette situation comme on a vu lors de l’adoption de la première version du code, il est important que les musulmans s’approprient la politique. C’est pourquoi, moi je demande à tous les musulmans du pays, d’aller retirer leurs cartes d’électeurs en vue de participer au choix de nos dirigeants.
Le Potentiel : l’Election présidentielle s’approche à grand pas, quel constat faites-vous de l’atmosphère politique au sein des responsables religieux ?
Chouala : A quelques mois de la présidentielle, moi je fais un constat qui saute aux yeux. Les maliens ont commencé à oublier. Dans un passé encore ressent, les musulmans, à l’unisson, avaient rempli le stade du 26 mars. Cette mobilisation à fait peur à toutes les responsables politiques, y compris le chef de l’Etat qui a vu que son pouvoir était menacé. Ce jour, les députés et les partis politiques ont eu peur, les musulmans ont eu le pouvoir. Les responsables politiques ont cédé, pas à cause de Dieu, mais de la mobilisation des fidèles.
Aujourd’hui, je constate qu’à la veille des élections, les gens sont entrain d’oublier. Il est temps qu’on les réveille. Les mêmes hommes politiques qui ont voté le code, saboté la religion et qui ont détourné l’argent du contribuable sont entrain aujourd’hui d’endormir les musulmans pour essayer de reconquérir le pouvoir. Il est temps que le peuple se réveille et prenne conscience de l’enjeu des élections pour éviter que l’histoire du code, de l’abolition des peines et de l’excision ne se répètent plus. De nos jours on constate avec amertume que chacun de son côté est entrain de mettre des associations de soutien dans chaque quartier. Cette situation passagère n’est que du boucan qui n’arrange en rien la population. Ils vont donner 100 000 FCFA à l’imam, 200 000 CFCA au chef de village et une coupe de football pour les jeunes. Pour eux, c’est ça la récompense du peuple. Une fois au pouvoir, c’est un autre son de cloche. Cela dure combien de mois que l’université de Bamako n’est pas opérationnelle. Quel est ce haut responsable dont le fils est à l’université de Bamako ? Aucun des politiciens qui cherchent le pouvoir aujourd’hui n’ont leurs enfants au Mali. Même leurs femmes n’accouchent plus au Mali, pour la simple raison qu’ils n’ont plus confiance à la nationalité malienne. En cas de problème au Mali, ils sont tous prêts à regagner ces pays de naissance de leurs enfants (Europe et Etats Unis). Déjà, ils sont entrain d’endormir le peuple pour préparer leur avenir qui passe par leur élection.
Conformément à l’obligation de tous responsables religieux, moi je veux alerter le peuple malien sur les pièges que certains politiciens sont entrain de tramer dans son dos. Ceux-ci n’ont pour objectif que d’endormir le peuple en vue de préparer l’avenir de leurs enfants qui étudient dans les grandes universités européenne ou américaine. Combien de millions du contribuable sont envoyés chaque année à leur progéniture à l’extérieur. Pendant ce temps, les enfants des pauvres croupissent et hypothèquent leur avenir à l’université de Bamako. Il est difficile de comprendre que des gens qui n’ont pas plus de 300 000 FCFA de salaire puissent construire et envoyer une telle somme honnêtement. Dans cette situation, pourtant, les journalistes font de leur mieux en critiquant même le président de la République. Pendant ce temps, les dignitaires religieux sont incapables de s’assumer et de jouer pleinement leur rôle de protecteur des populations contres les dérives des politiciens.
Le Potentiel : Nous constatons aussi que les leaders religieux sont divisés sur le choix d’un candidat, quelle appréciation faites- vous de cette situation ?
Chouala : Jusqu’à présent, je pense que ce sont les leaders des personnes qui sont divisés et non ceux de l’islam. Ce sont les chercheurs de gagne pain qui sont divisés et non les responsables de l’islam. C’est ceux qui veulent bouffer de l’argent qui sont divisés et non les leaders musulmans. Pour moi, les leaders religieux ne peuvent pas être divisés, car ils sont tous d’accord sur l’existence de Dieu et de son prophète. Aujourd’hui c’est le truchement de l’argent que les politiciens parviennent à leur fin ; chacun cherche ses intérêts. C’est pourquoi, je veux être l’un des sauveurs du Mali. Surtout pour défendre l’avenir des jeunes. Vous-même, vous voyez que les jeunes ont des diplômes, mais pas d’emploi, les trois repas quotidiens sont devenus un luxe pour les populations. C’est ainsi que la plupart des jeunes filles deviennent des prostituées.
Aujourd’hui, les responsables religieux doivent avoir pitié de ce pays. L’Etat actuel de la nation doit les inciter à éviter la division, surtout pour des considérations politiques. S’ils se laissent diviser, nous, nous n’allons pas les suivre sur cette piste. Nous allons suivre la vérité. S’ils ne parviennent pas à ce mettre d’accord sur l’essentiel, nous, nous allons prendre nos responsabilités. Car, nous sommes aussi des leaders parce que nous représentons une grande association qui compte plus de 100 000 fidèles. Ceux- ci ont juré de nous suivre sur la voie de Dieu en toutes circonstances. Nous n’avons pas le droit de les trahir, comme ils ont confiance en nous. L’un dit ceci, çà et là, l’autre dit cela par- ci , par -là. Certains commencent déjà à chanter des louanges des hommes politiques. Pourquoi tout cela ? Qu’on leur dise tout simplement de suivre la voie de Dieu. Si les musulmans du Mali ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un candidat pour cette élection, cela veut dire qu’il n’y a pas de musulmans au Mali. Pourquoi ? Parce qu’ils ont laissé le chemin de Dieu. Si tu trahis le peuple à cause de l’argent ou du pouvoir, tu trouveras Dieu sur ton chemin. Aujourd’hui, au Mali le futur président doit être le choix des musulmans, puisqu’ils sont des musulmans tout comme les électeurs.
Le Potentiel : Puisque pour le moment, il n’y a pas de consensus autour d’un candidat, il ya –t-il quelqu’un qui puisse parler au nom de tous les jeunes musulmans ?
Chouala : Pour le moment, personne n’a été mandaté pour parler au nom de tous les jeunes musulmans, cela parce qu’il ya beaucoup d’associations qui ne regroupent pas l’ensemble des jeunes musulmans. Moi je suis membre d’une association de jeunes musulmans, mais je n’ai pas d’ordre, personnellement, à recevoir de qui que ce soit, car je reste fidèle à la volonté de Dieu. Je resterai toujours derrière tous ceux qui peuvent sauver le peuple malien. Il n’est un secret pour personne que lors du Maouloud qui a coïncidé avec le code, qu’on a juré sur le coran de ne pas soutenir tous ceux qui ont trahi le peuple. Que ce soit un débuté ou tout autres responsables administratifs et politiques du pays. Car pour nous, tous ceux qui prônent l’équité entre hommes et femmes dans le foyer et l’abolition de l’excision, ont trahi le peuple malien et l’islam, d’autant plus que nous naissons avec çà. Jusqu’à présent, nous restons sur cette logique, car ils peuvent changer pour des besoins électoralistes, mais s’ils parviennent à avoir le pouvoir, ils peuvent faire pire que le code. Alors nous serons interpelés pour notre complicité. Aujourd’hui, nous avons besoin d’un bon président pour notre avenir et celui de l’Islam. Il est temps que nous nous impliquions dans la gestion de notre pays, tout comme certains précurseurs de l’islam l’on fait avant nous.
Le Potentiel : Aujourd’hui, il ya beaucoup de candidats, est ce qu’on peut savoir si votre association, qui est implantée sur toute l’étendue du territoire national, a déjà choisi son candidat ?
Chouala : Après notre analyse sur la capacité de tous les candidats potentiels à aider le peuple malien et l’islam, nous avons porté notre choix sur l’un d’entre eux. In challah, comme nous l’avons annoncé, les Maliens connaitront le candidat d’Isbourahamane lors du mouloud prévu dans la nuit du 13 au 14 Janvier prochain sur le terrain Shaba Sangaré de Lafiabougou.
Le Potentiel : Pouvez-vous nous présenter votre association ?
Chouala : Mon Association s’appelle Isbourahamane, c’est-à-dire « le peuple de Dieu » parce que Dieu lui-même a dit que c’est son peuple qui triomphera. Notre association aide les pauvres. C’est pourquoi nous tenons toujours des thèmes qui ont trait à cela lors de nos différents prêches du Mouloud. Car de nos jours, beaucoup de gens viennent nous voir avec des larmes aux yeux pour avoir été spolier de leurs terrains au profit de quelqu’un d’autre au nom des lois de la république. Nous n’allons plus nous laisser faire, aussi nous allons les aider à trouver une solution à leur problème. L’islam dit de combattre tous ceux qui font du mal à leur prochain. Ainsi, je profite de l’occasion pour demander à tous ceux qui se sont vus retirer leurs terrains de venir s’inscrire au près de nous. Bientôt, nous allons nous lever pour défendre les fidèles, à travers des plaintes devant les juridictions et les bénédictions. Nous allons aussi combattre certaines pratiques qui sont légion dans nos services. La corruption et beaucoup d’autres choses, car tous ces faits ont des répercussions graves sur la vie des musulmans. Nous devons faire en sorte que ces dérives cessent. Aucun pays, encore une religion ne se développera avec de telles pratiques.
Isbourahamane est composée d’hommes, de femmes, de jeunes et de vieux qui ont eu confiance à notre travail, l’association Isbourahamane est aujourd’hui implantée dans le monde entier. Nous avons des fidèles dans tous les pays où les Maliens résident. Notre objectif est de lutter pour l’épanouissement de l’islam et le respect du droit et la dignité des peuples. C’est pourquoi, nous avons tenu à nous impliquer pour une pleine participation aux élections. Je dis aux musulmans, que voter c’est se donner une dignité et une identité. Ce point ne doit pas être oublié par vous les journalistes. Car nous allons confier à celui pour qui nous voterons, notre vie, celle de nos parents, de nos enfants, aussi notre religion et notre dignité d’homme. C’est pourquoi, il est important de savoir choisir le bon candidat. Celui qui est intègre, digne et croyant. Ont doit d’abord s’assurer que celui qu’on a choisi puisse répondre aux critères personnels et religieux. Il est important pour les leaders religieux de tenir compte de tous ces aspects avant de choisir un candidat pour ses fidèles, sinon au bout du compte, on trouvera Dieu sur notre chemin. Il est crucial de ne pas confier sa dignité et sa religion à celui qui n’est pas digne encore moins croyant. Pour nous, il est temps que les Maliens se réveillent et ouvrent les yeux, car déjà il y a eu beaucoup d’élections au Mali. Il est temps qu’on songe à éviter à notre pays ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire ou encore la Guinée. Après avoir vu le printemps arabe, nous devons être à même d’éviter tous les pièges des occidentaux. Si on ne se montre pas à la hauteur d’esprit, ils vont venir nous imposer le candidat de leur choix, même si on ne vote pas pour lui. Aujourd’hui, nous devons comprendre que le vote est culturel, social et religieux, car il y va de notre vie de citoyen, de croyant et notre dignité.
Le Potentiel : Y a-t-il une autre structure différente de votre association qui puisse vous donner des consignes de vote ?
Chouala : D’abord, je tiens à souligner que je suis membre de plusieurs regroupements religieux différents d’Isbourahamane. Pour répondre à ta question, nous n’allons jamais suivre des gens qui trahissent le peuple et la religion. Si toute fois, le choix de cette structure se fait sur la base des critères de Dieu, nous ne voyons pas d’inconvénient à aller dans le même sens. Mais, je tiens à souligner que nous n’accepterons pas que certains leaders religieux organisent des concertations familiales avec des responsables politiques pour ensuite venir nous demander de soutenir telle personne. Pour nous le choix doit se faire sur la base d’un débat consensuel avec des critères bien lisibles. Chacun est responsable dans ce pays. Si le cafouillage persiste, nous, nous allons prendre nos responsabilités et demander aux musulmans de ne plus suivre les consignes de tel ou tel leader religieux parce qu’il est musulman. Ainsi, nous allons demander à chacun de voter pour le candidat de son choix, tout en ayant à l’esprit sa dignité et sa croyance, car il sera le seul comptable de son choix devant Dieu et sa postérité. Chacun aura sa liberté. Car c’est le fait de rassembler les gens au nom de l’islam pour d’autres fins, qui a divisé l’islam. Aujourd’hui c’est cette situation que nous refusons. Le choix devra être public et sans mystère. Dès que nous sentirons qu’il y a des dessous qui sont entrain de motiver le choix, nous allons prendre là encore nos responsabilités et choisir un candidat qui peut défendre la religion. En ce moment, nous allons donner des consignes aux femmes, aux jeunes qui sont majoritairement avec nous. Si les jeunes sont avec nous, on est sûr d’avoir les mamans, si les mamans sont avec nous on est également sûr d’avoir les papas. Ainsi, nous allons faire gagner le candidat des musulmans dans quelques mois.
Le Potentiel : Quelle est votre mot de la fin ?
Choula : je demande simplement à tout le monde d‘aller retirer sa carte. Pour ce qui concerne le choix du candidat au nom des musulmans, nous allons le faire avec d’autres dans la nuit du Mouloud, ce choix sera connu de tous.
Interview réalisée par Lamine Diallo