Les accidents cardio-vasculaires (avc) au Mali : L’hyper tension artérielle et le diabète, ses deux principales causes selon le cardiologue Dr Nouhoum Ouane, président de la SOMACAR

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Aujourd’hui au Mali les maladies cardio-vasculaires constituent un véritable problème de santé publique. De plus en plus de jeunes talents sont fauchés dans la fleur de l’âge toujours à des moments où personne ne s’y attendait. Le pire avec cette maladie est que si elle n’emporte pas son patient elle le laisse souvent totalement ou partiellement paralysé pour le reste de sa vie. Et de l’avis de bien des spécialistes, le Mali fait figure de parent pauvre dans  la sous-région en ce qui concerne la prise en charge complète de ce fléau tant il n’existerait aucun plateau technique adéquat dans tout le pays. C’est donc pour en savoir plus sur les causes,  les précautions à prendre et les comportements à tenir quand on en est atteint que votre Journal InfoSept a rencontré l’un des meilleurs cardiologues de la place, le Dr Nouhoum Ouane, qui est depuis 2011 le président de la Société Malienne de Cardiologie (SOMACAR). Il apporte un éclairage inédit sur cette maladie.

 

InfoSept : Bonjour Dr Ouane, pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs?

 

Dr Nouhoum Ouane : Je suis Dr Nouhoum Ouane cardiologue de formation. Je fais la cardiologie libérale. Mon cabinet médical sis à Yirimadio auprès du stade du 26 mars est dénommé Centre de Diagnostic et de Traitement. Depuis 2011, je suis le président de la Société Malienne de Cardiologie (SOMACAR) qui regroupe l’ensemble des cardiologues du Mali. Je suis à mon deuxième mandat. Nous avons un bureau de cinq membres. La SOMACAR est une société savante qui est censée réfléchir à l’amélioration des connaissances des cardiologues sur la prise en charge des maladies cardio-vasculaires. C’est une discipline en perpétuelle mutation avec des développements nouveaux. Les connaissances évoluent trop vite dans le domaine, de sorte que nous tenons régulièrement des réunions entre nous pour échanger sur les différentes thématiques en rapport avec le métier. Cela permet d’améliorer nos connaissances sur les maladies cardio-vasculaires. A côté de ces activités, nous faisons aussi des sorties sur toute l’étendue du territoire pour aller dispenser des séances de formation à nos autres confrères qui ne sont pas des cardiologues.

 

InfoSept : Dr Ouane, depuis un certain temps nous constatons que de très nombreux jeunes sont fauchés dans la fleur de l’âge par dit-on l’AVC. Alors dites-nous c’est quoi un AVC ?

 

Dr Nouhoum Ouane : l’AVC est une maladie qui survient toujours à la suite d’une atteinte au cerveau du système nerveux central. Elle est due à une anomalie de la circulation sanguine dans le cerveau. Ça peut être une anomalie par occlusion ou par rupture d’altères qui irriguent le cerveau. Dans les deux cas l’anomalie entraine une mauvaise circulation sanguine au niveau du tissu cérébral. Et dès que le tissu cérébral souffre ça peut entrainer des complications qui vont se manifester soit par des lésions, des atteintes ou des handicaps au niveau d’une autre partie du corps. Ainsi, le mal peut atteindre la parole, le mouvement des différentes parties du corps, le trouble cognitif et malheureusement souvent la vie. En résumé, on peut dire que l’AVC est une souffrance neurologique brutale qui est secondaire à une anomalie de la circulation sanguine.

 

Infosept : A quoi vous liez ses causes au Mali principalement ?

 

Dr Nouhoum Ouane : Au Mali principalement, nous avons deux causes majeures de l’AVC. Il s’agit de l’hyper tension artérielle et le diabète. A cela s’ajoute d’autres causes secondaires comme le  tabagisme et le taux élevé de cholestérol ou de graisse dans le sang. Tous ceux-ci peuvent contribuer à favoriser l’AVC.  L’autre cause et non des moindres que certains mettent même en première est l’âge. Plus qu’on vieillit plus on a la chance de faire un AVC. Mais à côté de cela, il y a des facteurs de risque qu’est l’obésité et  la consommation excessive d’alcool ou de produits illicites tels que  la drogue et le cannabis.Tous ces facteurs peuvent aussi entrainer l’accident vasculaire cérébral.

 

InfoSept: Avez-vous des statistiques sur le nombre de personnes décédées au Mali par AVC et quelle est l’année du plus fort taux ?

 

Dr Nouhoum Ouane : Hélas, dans notre contexte comme dans la plupart des pays africains, nous avons des problèmes avec les statistiques de sorte que nous ne pouvons pas donner une fréquence exacte de la mortalité secondaire par AVC. Ce que nous pouvons dire est que dans notre pratique nous constatons que beaucoup de patients sont touchés par l’AVC. Même avec les  statistiques hospitalières, il faut dire que même là les registres ne sont pas très bien tenus. Pour les statistiques de la population nous n’avons pas de chiffres bien précis. Il faudrait  donc dans ce cas précis mener des enquêtes pour en savoir davantage sur  le nombre de personne atteinte par la maladie cardio-vasculaire afin d’adopter une stratégie de prévention pour les AVC.

 

Infosept : Selon vous quels sont les moyens efficaces de prévention contre l’AVC que vous recommandez ?

 

Dr Nouhoum Ouane : Le moyen le plus efficace est la prévention. Elle passe par la sensibilisation, l’information et l’éducation de la population sur l’impact de ces facteurs de risque. Il faut lancer des campagnes de dépistage de la population, former et outiller les médecins à pouvoir  prendre en charge les facteurs de risque qui concourent à provoquer l’AVC. Il faut donc commencer par une bonne prise en charge de l’hyper tension artérielle et le diabète. Il doit être dépisté à temps parce que ce sont  des affections très souvent silencieuses qui n’entrainent aucun symptôme, le faire quand on a souvent des tensions très élevées. Pour le diabète, il faut le dépister aussi à temps pour pouvoir le traiter correctement. Il est surtout conseillé de diminuer la consommation des aliments  gras, encadrer et mieux conseiller  les jeunes afin qu’ils ne fument ou arrêtent de fumer les cigarettes ou de prendre les drogues. Mais une bien meilleure recommandation de taille est de faire du sport, toujours bouger, avoir des activités physiques régulières et quotidiennes. Il faut lutter contre la sédentarité parce que l’inactivité et l’obésité favorisent aussi l’émergence de ces accidents vasculaires cérébraux. Manger moins de sel, avoir une alimentation équilibrée avec beaucoup de fruits et de légumes, moins de graisses dans l’alimentation, ne pas fumer et éviter de boire l’alcool de façon exagéré. Mais si après tout des cas arrivent il faut pouvoir assurer une prise en charge des affections au niveau des hôpitaux et des structures médicales pour diminuer l’impact. L’idéal est d’empêcher les maladies cardio-vasculaires d’apparaître. Mais quand elles apparaissent c’est un autre défi  auquel on se confronte. Il faut à coup sûr empêcher les récidives parce que les conséquences  peuvent être difficiles à gérer après.

 

InfoSept: Mais en dépit de tout, si on en est atteint quels sont les traitements appropriés à ce jour ? Le Mali dispose-t-il de tout ce qu’il faut pour une prise en charge totale sur place ?

 

Dr Nouhoum Ouane : La prisse en charge d’un AVC est une course contre la montre. Les accidents vasculaires cérébraux peuvent être soignés et on peut bien limiter les dégâts si la prise en charge se fait à temps. Mais malheureusement dans notre pays, on est à la traine dans ce domaine. Nous n’avons pas le plateau technique nécessaire pour une bonne prise en charge des affections liées aux accidents vasculaires cérébraux.  Si nous faisons référence à ce qui se passe en Europe, on remarque que dans ces pays ils ont des systèmes de prise en charge basés sur les appels de services d’urgence spécialisés. La prise en charge passe d’abord par la réalisation d’un examen clinique adéquat. Parce que si on traite sans savoir quel est le mécanisme à utiliser, on peut aggraver l’AVC. Il faut forcement faire l’imagerie, l’IRM dans l’idéal mais à défaut le scanner. C’est l’IRM ou le scanner qui permet de dire quel est le mécanisme exact de l’AVC, soit c’est des vaisseaux qui sont bouchés, soit il y a saignement dans le cerveau qu’on qualifie d’accident hémorragique. Ces deux cas n’ont pas les mêmes traitements. Dans d’autres cas, le malade a une paralysie et dans ce cas précis, il faut commencer rapidement la rééducation et le plus tôt serait le mieux. Le conseil à donner aux familles est que lorsqu’un malade est atteint d’AVC, il doit être le plutôt que possible amené à l’hôpital. Il faut surtout éviter de tenter autre chose parce que la prise en charge dont il a besoin en ce moment relève de la compétence du seul médecin spécialisé. Même la manière de transporter le malade à l’hôpital peut avoir un impact sur son évolution. Il faut donc un transport médicalisé en confiant le patient aux médecins urgentistes, neurologues ou cardiologues puisque dans notre pays on n’a pas encore  une unité spécialisée dans ce domaine.

 

Infosept : vos conseils et votre mot de fin ?

 

Dr Nouhoum Ouane : Les pathologies cardio-vasculaires sont en émergence. Elles sont très fréquentes de plus en plus dans notre population à cause de l’espérance de vie qui augmente. Plus on vieillit, plus les affections apparaissent. Il faut donc ne pas essayer de changer son mode de vie. Le fait d’adopter des modes de vie à l’occidental peut favoriser l’émergence de ces affections cardio-vasculaires. La prise en charge passe par le dépistage, toujours voir un médecin quand on est hyper tendu ou diabétique, toujours faire du sport, une activité physique modérée mais régulière, ne pas prendre d’alcool, ne pas manger des aliments trop gras ni trop salés et éviter toute habitude qui peut favoriser l’apparition éventuelle de ces affections cardio-vasculaires.

Il faut beaucoup de campagnes de sensibilisation de la  population sur les risques  liés à  l’AVC. S’il y a plusieurs décennies que notre problème majeur était les maladies infectieuses et parasitaires, il faut dire qu’aujourd’hui et malheureusement, de plus en plus, nous assistons à une recrudescence des ces maladies cardio-vasculaires qui ont un réel impact sur l’économie. Quand on est atteint le plus souvent le patient ne peut plus travailler. Et aussi, sans oublier le coût social pour ceux qui sont amenés à les prendre en charge qui est très souvent élevé. Il  faut que les autorités donnent les moyens aux médecins de façon à ce qu’ils soient en mesure de prendre en charge ces affections liées aux accidents cardio-vasculaires de façon adéquate.

Propos recueillis par Mamadou DOLO

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