Dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder, le président du Parti pour la restauration des valeurs du Mali (Prvm-Fasoko), Mamadou Oumar Sidibé, s’est penché sur plusieurs questions relatives à la vie politique de notre pays, notamment la tenue des dernières élections législatives, la position du parti par rapport à l’Arrêt de la Cour constitutionnelle, la situation sécuritaire dans le nord et le centre du pays, l’organisation des législatives pour les régions de l’Azawad, les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid19…
Aujourd’hui-Mali : Après la tenue du second tour des législatives, quelle lecture faites-vous des résultats définitifs ?
Mamadou Oumar Sidibé : C’est la déception généralisée que je constate. Au fondement de la désignation des représentants du peuple devraient se trouver uniquement les votes des citoyens, mais quand ce principe est violé, c’est la démocratie elle-même qui est atteinte dans son fonctionnement.
Dans un de vos communiqués, vous avez appelé la classe politique à rejeter ces résultats, l’appel a-t-il été entendu ?
La démocratie et l’Etat de droit au Mali ont été institués sur de lourds sacrifices des citoyens. Lorsque cette démocratie est violemment atteinte, je crois que tout le monde doit se sentir concerné, c’est ce qui a justifié mon appel aux acteurs politiques. Mais, malheureusement, ceci n’a pas été entendu du fait des intérêts politiques divergents.
Quelle est la position de votre parti par rapport à l’organisation des législatives pour les régions de l’Azawad ?
D’abord, je ne reconnais le terme Azawad pour qualifier des régions. La Constitution du Mali du 25 février 1992 a prévu une Assemblée nationale. Dans le cadre du renouvellement des mandats des députés, nous venons d’assister à l’élection des nouveaux députés de la République. Conformément à cette Constitution, l’organisation d’élections partielles ne se justifie pas. Une loi a fixé le nombre de députés à 147 et la Cour constitutionnelle a proclamé la liste des 147 députés, le jeudi 30 avril 2020. On ne peut dès lors parler d’élections partielles dans un Mali Un et Indivisible. Les régions concernées dans cette perspective gouvernementale ont déjà leurs députés parmi les 147. Dans ces conditions, l’organisation partielle n’a plus de sens pour cette législature.
Pourriez-vous nous parler de la situation sécuritaire de notre pays, en particulier dans les localités du centre et du nord ?
La sécurité se dégrade de jour au jour au Nord et au Centre. L’enlèvement de l’Honorable Soumaïla Cissé en est l’illustration patente. Force est de constater également l’absence de l’Etat au Nord et dans plusieurs localités du Centre. Les conflits intra et intercommunautaires prennent également de l’ampleur. Cette situation doit être maitrisée si nous voulons aller aux réformes constitutionnelles qui ne peuvent être réalisées tant que l’intégrité du territoire est atteinte. Aucune réforme constitutionnelle ne peut être entamée ou poursuivie.
Que vous inspirent les différentes arrestations pour des faits de détournements ?
La lutte contre la délinquance financière est une nécessité impérieuse. Ne pas la combattre, c’est exposer l’Etat à l’éclatement. Toutefois, elle doit se dérouler dans les règles constitutionnelles, législatives et règlementaires prévues. Ces exigences découlent des principes de l’Etat de droit.
Quel commentaire faites-vous de la crise scolaire qui secoue notre pays depuis plus de 2 ans ?
C’est une triste réalité qui est regrettable. L’éducation est la base de tout développement. Il est urgent que ce secteur connaisse des mesures solides pour sortir de cette crise qui constitue en réalité la pire cause de notre sous-développement.
Que dire des mesures sociales annoncées par le président IBK dans la lutte contre le Covid19 ?
Les mesures sont salutaires. Elles peuvent être améliorées en fonction de l’état d’avancement de la pandémie.
Toutefois, c’est la mise en œuvre des mesures qui va déterminer leur efficacité. Dans tous les cas, l’intervention de l’Etat aux côtés des populations en cette période de Covid-19 est impérative.
La riposte du Gouvernement est-elle à la hauteur ?
Le Gouvernement a effectivement initié des mesures conséquentes qui pourraient être améliorées par d’autres. La qualité de ces mesures va être évaluée en fonction de leur impact social et économique. La perfection n’existe pas. A l’image d’autres pays, on constate que le Gouvernement déploie d’énormes efforts dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.
Votre mot de la fin ?
Face à tous ces défis redoutables auxquels est confronté notre pays, il est impératif que l’on s’unisse entre Maliens. Le respect de l’Etat de droit est une garantie de la paix et de la cohésion sociale.
La Cour constitutionnelle a méconnu l’état de droit et elle s’est constituée en force politique de la majorité. Par cette option, la Cour a violenté la démocratie et elle a rendu illégitime la nouvelle Assemblée nationale du fait de sa composition non pas d’élus du peuple, mais d’individus cooptés par la Cour. Comme l’a dit Barack Obama, le Mali a besoin d’institutions fortes et non d’hommes forts. Il s’agit dans ce cadre du renforcement normatif du fonctionnement des institutions afin que les titulaires n’aient pas la liberté d’agir à leur convenance.
Réalisée par Boubacar PAÏTAO