Au cours de la cérémonie de lancement du documentaire écrit sur Laurent Gbagbo par la réalisatrice ivoirienne Anni Tchellé, le Président du RPM, Ibrahim Boubacar Keita, a déclaré que le Président ivoirien, son ami, "n’avait aucun sang malien sur les mains". Cette déclaration a indigné l’Association des Maliens victimes de la guerre en Côte d’Ivoire. Son président, Balla Magassa, s’est confié à Procès-Verbal.
Pouvez présenter votre association ?
Notre association se nomme Association des Victimes Maliennes des Evénements de la Côte d’Ivoire. Créée au lendemain de la guerre déclenché en 2002 dans ce pays, elle a pour objectifs la défense des intérêts des victimes, leur indemnisation et leur réinsertion socio-professionnelle.
Quels résultats avez-vous obtenus ?
La lutte a véritablement commencé lorsque l’ONG internationale "Open Society Justice" s’est rendue au Mali pour chercher les victimes du conflit en vue de porter plainte devant la Cour de justice de la CEDEAO. Les responsables de l’ONG sont alors entrés en contact avec l’association qui a mis à leur disposition les victimes et les preuves. Cependant, l’ONG, à un moment donné, a décidé de suspendre le processus jusqu’à ce que la Côte d’Ivoire tienne ses élections, ce qui fournirait aux juges un interlocuteur crédible. C’est ainsi que l’association a gardé le silence jusqu’à cette sortie ratée d’IBK.
Justement, quel commentaire faites-vous des déclarations du Président du RPM, IBK
Cette déclaration d’Ibrahim Boubacar Kéita a réveillé les vieux démons au sein de l’association. En effet, nous avons été choqués d’entendre, de la bouche d’un homme qui se dit grand religieux et épris de paix, que Laurent Gbagbo n’avait aucun sang malien sur la main. Nous pensons qu’IBK est libre de chanter les louanges de son ami, mais aller jusqu’ à insulter la mémoire des victimes, cela nous indigne! Nous avons à notre disposition toutes les preuves pour que Laurent Gbagbo soit poursuivi par les juridictions pénales le moment venu.
Pouvez-vous nous citer quelques preuves?
Evidemment. A Daloa, après la reprise de la ville par les soldats loyalistes, Gbagbo a envoyé des gendarmes pour nettoyer la ville. Le jeudi 17 octobre 2002, les gendarmes de Gbagbo ont enlevé le président de l’Amicale des Maliens, Bakary Touré, son frère Amadi et son ami Mamadou Traoré au domicile des Touré. Leurs corps ont été retrouvés criblés de balles et en état de putréfaction le 20 octobre, à l’abattoir de la ville. Le même 17, les gendarmes ont enlevé l’imam Gaoussou Sylla à son domicile, accompagné de 8 disciples dont 2 de ses enfants. Ils ont été conduits au commissariat de police avant d’être exécutés. Le lundi 20 octobre 2002, les gendarmes se sont rendus au quartier Orly 2 et ont tiré sur les Maliens. Nous avons, ce jour-là, décompté 19 maliens tués sur un total de 45 morts. Dans toutes les grandes villes, Issia, San Pedro, Gagnoa et même Abidjan, des Maliens ont été enlevés et exécutés.Faut-il parler du charnier de Monokozoi, avec plus de 200 personnes qui sont en majorité des Maliens et des Burkinabés?
Vous projetez une marche de protestation ?
IBK a fait sa déclaration au nom de la liberté d’expression qui est chère au Mali. Donc, au nom de cette même liberté, nous avions décidé d’organiser une marche pour montrer notre mécontentement au monde entier. Mais après avoir réfléchi, nous avons décidé d’y surseoir car nous n’avons rien contre le peuple frère ivoirien. Nous en voulons aux responsables des tueries. Nous ne voulons pas, avec cette marche, permettre aux personnes de mauvaise foi de faire de la récuperation politique pour destabiliser le prosessus de paix qui est cours en Côte d’Ivoire. Nous souhaitons que les élections se déroulent dans la paix et que les Ivoiriens choisissent leur nouveau Président. C’est à la suite de cela que nous allons relancer la plainte.
Nous demandons cependant à IBK d’avoir du respect pour la mémoire des Maliens que son ami Laurant Gbagbo a fait exécuter. Nous rappelons que lorsque IBK était Premier Ministre et qu’il s’est rendu à Abidjan, Bakary Touré, tué par les sbires de Gbagbo, est parti de Daloa pour l’accueillir. Quand l’épouse d’IBK s’est rendue à Daloa, c’est le même Bakary qui a mobilisé les Maliens pour son accueil. Pour terminer, je remercie le journal Procès-Verbal d’être venu à la source de l’information afin d’informer ses lecteurs.
Réalisé par Abdoulaye Guindo