Le Pr. Younouss Hameye Dicko à coeur ouvert : « Nous demandons à la CEDEAO d’être un élément de la solution, et non une gêne pour trouver une solution convenable »

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Le Pr. Younouss Hamèye Dicko, Président du RDS et membre de la COPAM, ci-dessous, parle du parle du pardon de Dioncounda Traoré à ses agresseurs et l’implication de la gestion dans la gestion de la crise que traverse notre pays. Pour lui, « si on laisse les mains libre au Médiateur de la CEDEAO, nous pourrions nous entendre avec lui. Mais ce qui se passe ailleurs tel que nous l’avons vu, c’est contre le peuple malien, donc nous n’en voulons pas. Que les forces vives se retrouvent dans les rassemblements qui sont les leurs, pour définir la transition à venir et sauvegarder nos institutions, avec le gouvernement que nous avons, avec un Président de la transition en accord avec le changement. Notre pays va faire des bonds en trois semaines ».

 

Younouss Hameye Dicko

ZB : Le Président Dioncounda Traoré vient d’adresser son pardon à l’endroit de ses agresseurs, qu’est-ce que vous en pensez ?

YHD : Je pense que celui qui pardonne est toujours grandi. Je crois que le Président Dioncounda a bien fait de pardonner à ses agresseurs. En tout cas c’est ce que Dieu veut. Dieu préfère le pardon que la vengeance. Et moi je le félicite de pardonner à ses agresseurs parce que le pardon grandit toujours celui qui le fait. Maintenant, évidemment on sait ce qui s’est passé dans la presse où on s’est mis à insulter la COPAM et ses responsables. On nous a traînés dans la boue. On nous a indexés comme des criminels, des régicides. On peut penser que quand nous nous réjouissons, quand nous félicitons le Président d’avoir pardonné, on peut penser que nous en tirons quelque chose pour nous-mêmes. Nous, nous n’y sommes pour rien dans l’agression du Président Dioncounda. Nous ne sommes pas des hommes à aller agresser, mais nous sommes des hommes à dire nos vérités. Nous pensons même que la campagne violente, criminelle qui a été menée contre nous, c’est pour tenter de nous empêcher de parler. Au contraire, nous allons nous exprimer, nous allons exiger le changement. Donc la COPAM qui a fait sa conférence au CICB n’a jamais fait une marche, n’a jamais appelé à une marche. On s’est retrouvé dans une salle, où tout le Mali était là dehors. Donc c’est des choses qu’il est dangereux de vouloir faire coïncider. Il n’y a aucune coïncidence, aucun rapport entre ce qui s’est passé à Koulouba et notre travail. Et nous allons continuer de le faire. Nous allons nous battre pour qu’il y ait le changement. Et tout ce qui a été dit ne sera d’aucune pression, d’aucune coercition sur la ligne que avons tracée. Nous allons  Dioncounda, c’est très bien. Mais moi j’ai confiance en la justice, il faut que la justice fasse son travail et qu’elle trouve les agresseurs physiques et moraux. Nous, nous poursuivons nos idées, nous poursuivons notre combat, on n’a rien à voir avec le pugilat. Nous n’attrapons pas les gens, nous n’injurions pas les gens, nous ne leur voulons aucun mal, mais nous voulons que le peuple malien soit défendu. Nous nous sommes donné le devoir de défendre notre pays, de défendre nos valeurs. Et c’est pour cela qu’on nous en veut. On veut mélanger les choses qui ne sont pas miscibles. Donc je me réjouis que le Président pardonne à ses agresseurs, mais en même temps je me réjouis que nous qui avons convoqué cette conférence n’avons rien à voir avec ce qui s’est passé quelque soit la façon dont les gens vont réfléchir, la façon dont ils vont nous attaquer, mais ceux qui nous attaquent ne savent pas ce qui les attend. Ceux qui ont fait ça ils se connaissent. On sait qui sait. Nous on ne peut même pas aller à pieds à Koulouba. Ceux qui ont fait ça se connaissent. Je crois que la justice doit faire son travail. Nous sommes sereins, nous sommes confiants, que la justice si elle fait son travail, elle trouvera la vérité. La vérité est ailleurs, ce n’est pas à la COPAM.

 

ZB : Qu’est-ce que vous pensez de la CEDEAO depuis le départ jusqu’à maintenant ?

YHD : La CEDEAO pour moi a été décevante. Le premier jour du coup d’Etat, la CEDEAO s’est précipitée pour verrouiller le Mali. Embargo total sur le Mali ! Je me dis que la CEDEAO c’est ma famille, la famille du Mali, la famille du peuple malien. Chaque peuple de chaque Etat de la CEDEAO est le peuple frère du peuple malien. Nous qui avons pris acte du coup d’Etat du 22 mars, et qui avons décidé de soutenir le changement, le retour – à travers l’accord cadre – à la Constitution nous libère quelque part. Ceux qui ont refusé de prendre acte du coup d’Etat, ça les libère aussi. Donc ça a permis de pouvoir se parler éventuellement. Mais naturellement, il y a ceux qui ont continué à nuire au pays, à travers ce coup d’Etat, à faire prendre à la CEDEAO des décisions impopulaires par rapport au peuple malien. Donc ils ont continué leur action. La CEDEAO s’est mise à ne plus respecter l’accord cadre qu’elle a signé. Et c’est dans cet esprit d’ailleurs, que le Président du Faso, Médiateur de la CEDEAO, a compris que ça ne peut pas continuer comme ça. Il a réuni les forces vives, justement pour parler de la suite à donner à la mise en œuvre de l’accord cadre, par la nomination du Premier ministre. Mais immédiatement après, ils se réunissent à Abidjan, et les Chefs d’Etat prennent une décision inouïe. Ils désignent un Président de la République pour la transition, ils fixent la durée de la transition, sans tenir compte ni de l’accord cadre, ni de la déclaration solennelle de Ouaga. Nous avons compris que la CEDEAO veut nous gérer de force, veut se substituer au peuple malien. Mais nous savons que quelque part la CEDEAO répond à des exigences de certains clans intérieurs au Mali et de certains clans extérieurs qui veulent imposer leur point de vue au Mali et interférer du même coup sur la résolution des problèmes du Nord. Donc cette désignation du Président de la transition a tellement mécontenté le peuple malien que la CEDEAO elle-même s’est réunie à Dakar pour revenir sur cette décision. Ensuite, elle se réunit quelque part, parce que c’est toujours en dehors de ce pays là, pour dire que le Président du CNRDRE est ancien Chef d’Etat avec les prérogatives d’ancien Chef d’Etat. Et que le CNRDRE n’existe plus. Ensuite elle se réunit encore au Sommet des Chefs d’Etat, pour dire non, on ne lui reconnaît plus les droits d’ancien Chef d’Etat et que d’ailleurs le CNRDRE ” a bana pew ” (c’est totalement fini).

Quand on gère un pays, une nation souveraine, par des Chefs d’Etat étrangers, qui ne respectent pas leurs décisions, qui montrent trop d’incohérences dans ces décisions, nous on ne comprend plus ça ! Donc c’est une déception totale des Maliens par rapport aux décisions de la CEDEAO. Ils vont même jusqu’à douter du gouvernement qu’eux-mêmes ont mis en place. Ça se voit !Autant ils s’entêtent sur le Président de la transition, autant ils sont plus ou moins dubitatifs par rapport au gouvernement. Simplement parce que les amis n’y sont pas ! Mais le problème qui se pose, c’est que ceux qu’ils considèrent comme les amis du CNRDRE, eux aussi n’y sont pas. C’est donc ça le bon gouvernement, s’ils réfléchissent bien. S’ils veulent enlever les pleins pouvoirs au Premier ministre, ça c’est une autre chose ! C’est simplement parce qu’ils ont imposé le Président de la transition. Et ils font croire aux gens que c’est la Constitution, mais c’est faux. La Constitution est terminée les 40 jours d’intérim. La nouvelle situation doit être définie par des concertations avec le peuple. Et ce sera ça le travail de la convention. Ça va légitimer tout ce qui va se faire à la fin des 40 jours. Sinon les cuisines rafistolées, avec des ingrédients, des épices de tous genres, on veut utiliser ou prolonger l’Assemblée nationale qui vote elle-même sa prolongation sans personne, et cette Assemblée nationale est constituée de l’ancienne Assemblée nationale qui va faire la transition, mais qu’est-ce qu’on veut trouver dans cette transition ? Vous savez, les élections vont venir et il va falloir se mettre d’accord sur le fichier. Et l’ancien fichier, l’ancien régime l’a complètement manipulé. C’est les mêmes qui vont faire les élections. C’est le Président de la transition qui va faire les élections.

Selon la CEDEAO ça va être le Président de l’Assemblée nationale. Quel changement on veut obtenir, quel résultat on veut obtenir ? Pour punir le peuple malien ? “

Les militaires ont fait le coup d’Etat chez vous, eh bien on ne changera rien chez vous. On va ramener le Président de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale va gérer la transition “. Mais on ne gère quand même pas quelque chose à son propre détriment ! Ou même contre sa propre objectivité. Ce n’est pas possible ! A part le Premier ministre, tous les autres ont des partis pris. Et si ce Président est désigné selon la Constitution, le Premier ministre malgré les pleins pouvoirs, si ça ne lui convient pas il va le relever, c’est ce qui a été fait en Côte d’Ivoire. Le Président Gbagbo a mis fin aux fonctions de chaque Premier ministre aux pleins pouvoirs. Il dit : « la Constitution c’est moi ». Parce qu’il ne faut pas confondre le Président par intérim et le Président de la transition. Celui-là sera le Chef de l’Etat, si le Premier ministre ne lui convient pas il va le relever. Et d’ailleurs on n’a même pas besoin de le relever, ils ont toute la puissance de l’Etat entre leurs mains. Si le Président de l’Assemblée nationale et le Président sont du même bord, il suffit que l’Assemblée nationale vote une motion de censure, ou il suffit que l’on ameute la presse, ils ont l’argent pour ameuter la presse, les gens vont dire que le gouvernement doit démissionner, le gouvernement n’est pas ceci, le gouvernement n’est pas cela. Il y a un gouvernement qui peut travailler dans cette atmosphère là, même si tu as les pleins pouvoirs ? Sauf si tu envoies l’armée pour fermer la bouche à chacun, empêcher les gens d’écrire dans les journaux, empêcher les gens de parler dans les radios et la télévision, etc. Ou bien verrouiller la télévision et la radio d’Etat. Mais si tu les verrouilles, c’est à ton détriment déjà. Donc voilà ce qui va se passer. Dans un proche avenir le Président de la transition, s’il n’est pas en accord avec le Premier ministre, même avec ses pleins pouvoirs, nous allons vers une instabilité. Par contre si on a un Président qui va dans le sens du changement, il ne peut pas être en guerre avec le Premier ministre qui n’a aucun privilège à avoir. Puisque le Président de la transition, même s’il ne se présente pas, si c’est l’Assemblée nationale ils vont mettre les députés en place, rien ne va changer. Sauf qu’on ne récupérera pas le Nord. C’est sûr que là ça va changer, puisqu’ils vont négocier. Ils sont en train de négocier déjà. Nous, nous ne cherchons pas la négociation, nous cherchons à libérer nos villages, nos champs, nos abreuvoirs, nos pâturages. Donc il faut bien réfléchir sur ça. Et la CEDEAO réfléchit à notre place, mais comme elle n’a pas toutes les données que nous avons, elle va se tromper ! Donc on lui demande d’être un élément de la solution, et non une gêne pour trouver une solution convenable. La CEDEAO veut faire venir ses troupes pour sécuriser la transition, mais les Maliens là, ils n’existent plus ? Parce que demain la CEDEAO va nous bombarder comme ils ont bombardé en Côte d’Ivoire. Parce que le peuple ne sera pas d’accord avec les troupes CEDEAO à Bamako, ou avec les troupes CEDEAO dans aucune ville du Mali. Si les gens veulent venir ils vont aller sur le champ de bataille à la rigueur. Mais ces champs de bataille là, c’est les Maliens qui doivent y être. On ne peut pas accepter que la CEDEAO se mette en première ligne pour nous. On a les hommes, on a besoin d’armes, on a besoin d’aide. La CEDEAO peut nous conseiller, peut nous soutenir, pas de venir se mêler de nos institutions. En tout cas personnellement je crois que la CEDEAO a beaucoup d’excuses à faire au peuple malien. Et moi j’ai été à Ouaga, je sais très bien que le Médiateur a à cœur la solution du problème, et que ce n’est pas son idée que je vois dans ce désordre par rapport au peuple malien. Donc la CEDEAO doit présenter ses excuses au peuple malien. Les Maliens vont se souvenir de la façon dont la CEDEAO a traité le peuple malien dans cette affaire.

 

ZB : Avez-vous un message ?

YHD : Nous devons nous retrouver entre nous Maliens pour trouver une solution à nos problèmes. Et que la CEDEAO suive la solution trouvée par les Maliens. Les Maliens ne suivront pas la solution trouvée par la CEDEAO sans eux. Ou tout au plus que la CEDEAO s’assoit avec les Maliens pour trouver la solution. Nous nous sommes assis avec le Président du Faso, on a trouvé la solution. Mais toutes les décisions qui se prennent incognito, dans le noir, à Abidjan, à Dakar, à Cotonou, à Addis-Abeba, à l’ONU sans le peuple malien ne pourraient pas être appliquées sur le sol malien. Et notre étonnement est que les pays africains fuient le peuple malien. Ils cherchent quoi ? Tu fuis le peuple malien, tu veux trouver une solution au peuple malien, ce n’est pas possible.

Donc personnellement, je reste convaincu que si on laisse les mains libre au Médiateur de la CEDEAO, nous pourrions nous entendre avec lui. Mais ce qui se passe ailleurs tel que nous l’avons vu, c’est contre le peuple malien, donc nous n’en voulons pas. C’est aussi simple que ça. Donc mon appel, c’est que les forces vives se retrouvent dans les rassemblements qui sont les leurs, pour définir la transition à venir et sauvegarder nos institutions, avec le gouvernement que nous avons, avec un Président de la transition en accord avec le changement. Notre pays va faire des bonds en trois semaines. Donc la balle est dans le camp des Maliens, qui doivent reprendre leur sérieux, leurs ressources séculaires qu’ils ont, et trouver la solution de sortie de crise. Il ne faut pas l’attendre de la CEDEAO, il ne faut pas l’attendre des étrangers.

Propos recueillis par Mamadou DABO

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1 commentaire

  1. Ce Bellah est l’homme de tous les regimes. Il a surffé avec GMT. A son arrestation, il dit qu’il soutient le changement et s’est aligné avec ATT. Il a été ministre avec AOK. Maintenant avec le CNRDRE, il dit qu’il soutient le changement. Prochainement, il dira que c’est lui le changement. C’est ignoble.

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