Le PDG de la BNDA à propos de l’envolée du dollar : «Le Mali peut tirer profit de cette situation à travers la revalorisation mécanique en FCFA des exportations d’or et de coton»

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Moussa Alassane Diallo
Moussa Alassane Diallo, DG de la Bnda

Depuis un certain temps, le dollar connaît une tendance haussière oscillant aujourd’hui autour de 300 FCFA pour un dollar. Comment expliquez-vous ce phénomène, ou plutôt quels sont les facteurs qui sont à la base de cette hausse?

Je voudrais tout d’abord rappeler que la valeur d’une monnaie est à la fois un élément de politique monétaire, mais aussi et surtout, le reflet de la situation économique du pays. En ce qui concerne la fluctuation du dollar américain, plusieurs facteurs influencent la variation de cette monnaie sur le marché des devises mondiales. Les plus connus sont les indicateurs macroéconomiques, tels que l’inflation, l’activité manufacturière, le taux de chômage, le produit intérieur brut (PIB), la dette extérieure, le déficit commercial et/ou budgétaire. Les bons résultats enregistrés par les deux premiers indicateurs au cours des derniers mois ont donc naturellement contribué à la hausse du billet vert. Quant au PIB, après un ralentissement en début d’année, une forte augmentation est attendue pour le second semestre. Avec un déficit chronique du compte courant de 440 milliards de dollars et une dette publique à près de 17 800 milliards (la plus élevée du monde), l’économie américaine regorge de facteurs qui n’entretiennent pas une tendance haussière du dollar. C’est surtout l’anticipation d’une hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis (3 augmentations de 0,25% en 2015) qui justifie l’attrait du dollar (donc une hausse par rapport aux autres devises).

Par ailleurs, la hausse du dollar demeurera tant que l’économie américaine restera forte, d’autant plus que l’économie européenne est stagnante (croissance faible, taux de chômage élevé, crise grecque…) et que la chinoise s’essouffle, avec quelques signes de faiblesse (dévaluations répétitives du Yuan). Enfin, le sentiment d’instabilité du moment sur les marchés financiers ainsi que les tensions géopolitiques actuelles au Moyen-Orient et en Ukraine poussent les investisseurs à s’orienter dans des valeurs refuges. Lors des crises économiques ou géopolitiques, les investisseurs ont plutôt tendance à délaisser les actifs risqués pour investir dans des actifs américains, plus sûrs. Le dollar a donc tendance à augmenter pendant ces périodes d’instabilité.

Quels sont, selon vous, les impacts de cette hausse du dollar ?

Les impacts directs sont sensibles sur le volume des dettes extérieures, libellées en dollar, qui se réévalue mécaniquement. En dehors de clauses particulières, ces dettes et les services rattachés connaissent une hausse. De même, les échanges internationaux, généralement libellés en dollars, enregistrent un renchérissement qui peut se traduire par une baisse des volumes échangés. La hausse du dollar peut s’accompagner, à terme, d’une baisse du prix des matières premières, qui pénalise les pays producteurs, notamment de pétrole, de métaux ou encore de matières premières agricoles.

Quels sont les secteurs pour lesquels l’impact a été positif et ceux qui ont été négativement impactés?

L’impact favorable d’une hausse du dollar est directement perceptible sur les économies des pays exportateurs de matières premières, de minerais, de pétrole et de produits agricoles, dont les contrats et les cours sont fixés en dollars. Pour la même quantité exportée, les revenus monétaires dans les devises locales se trouvent augmentés. L’impact négatif d’une hausse du dollar est surtout sensible sur les importations, qui deviennent plus chères et pénalisent l’accélération de la croissance. Par ailleurs, la hausse du dollar influence à terme le cours du pétrole à la baisse, annihilant l’impact de la hausse des cours du brut.

Cette envolée du billet vert est-elle conjoncturelle ou est-ce une tendance lourde?

Les divergences des politiques monétaires des plus grandes banques centrales nous permettent d’envisager un prolongement de la hausse du dollar sur le moyen terme. Les tensions déflationnistes persistantes en Europe ne devraient pas permettre à la Banque Centrale Européenne (BCE) d’envisager une hausse prochaine de ses taux directeurs. La baisse des prévisions de croissance 2014-2015 au Japon conforte les récentes décisions prises par la Bank of Japan, qui visent à conserver une politique monétaire accommodante pour soutenir la croissance. À l’inverse, la FED a, quant à elle, commencé depuis décembre 2013 son programme de réduction d’achats d’actifs, visant à sortir progressivement de sa politique d’assouplissement, mise en place après la crise financière de 2008. Cette sortie progressive, ainsi que la forte probabilité de voir les taux directeurs augmenter en 2015, conjuguées à l’instabilité des marchés et aux tensions géopolitiques, laissent penser que le niveau du dollar peut se maintenir pendant longtemps.

Comment, à votre avis, le Mali peut-il profiter au maximum des opportunités créées par cette hausse du dollar ?

Le Mali pourra tirer profit de cette situation à travers la revalorisation mécanique en FCFA des exportations d’or et de coton, dont les contrats et les bourses sont libellés en dollar. De même, les accords de financement bilatéraux et multilatéraux libellés en dollar connaîtront une hausse en FCFA. Par ailleurs, nous subissons une dévaluation déguisée du FCFA, suite au changement de parité dollar/euro, à cause de l’arrimage du FCFA à l’Euro (1 Euro=655,957 FCFA), une parité fixe. Ainsi, nos exportations libellées en dollar seront plus profitables. Toutefois, nos importations, surtout de denrées de première nécessité, et le service de notre dette, libellés en dollars, vont subir des conséquences néfastes, avec une hausse des prix pour les premiers et un relèvement en FCFA pour les seconds.

Source : Communication BNDA

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