Retour de l’administration, réorganisation du territoriale national, l’état civil, amélioration des conditions de vie des populations à travers les collectivités, sécurisation des frontières… ce sont là, entre autres, sujets abordés par le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, porte-parole du gouvernement lors de son passage à l’émission radio-télévisée Malikura Taasira.
ORTM : Le retour de l’administration sur toute l’étendue du territoire notamment dans les zones affectées par la crise est un véritable challenge pour le Gouvernement de Transition, quelles sont les mesures prises par votre département pour un retour effectif de l’administration dans le contexte actuel ?
Col. Abdoulaye Maïga : En évoquant le retour de l’Administration, on s’intéresse inévitablement au contexte et aux raisons qui ont entraîné son départ.
Le 1 élément, c’est le traumatisme collectif vécu par le Mali. Sans prétention aucune de défier les historiens, je pense que la plus grande surprise stratégique du Mali contemporain, a été le contrôle de 70% de notre territoire national par des groupes terroristes appuyés par des groupes séparatistes, en 2012. Une surprise stratégique qui a engendré un énorme choc et un quasi-ébranlement des piliers de l’Etat. En plus du contrôle, ces groupes ont également administré avec des règles en totale contradiction avec les principes et valeurs républicaines que le MATD promeut.
Le seconde élément digne d’intérêt, il faudrait le dire en toute franchise, c’est la désaffection d’une partie de notre population pour l’Etat à facilité le départ de l’Administration, de façon générale. À tort où à raison, certains estiment que l’Etat ne satisfait pas leurs besoins de développement, et ont été tenté par d’autres modèles antirépublicains, liberticides et criminels.
Forcément, nous ne voulons pas d’un retour dans les mêmes formes et nature que ce qu’il y avait. Conformément à la vision du Chef de l’Etat, la satisfaction des préoccupations des maliens doit être au cœur de l’action de l’Etat. Conformément à cette vision, j’ai instruit à l’ensemble des représentants de l’Etat de reconquérir “les cœurs et les esprits des maliens”. (Première mesure).
2ème mesure : grâce à nos plus hautes autorités, en collaboration avec le MDAC, nous avons redéployé les membres du corps préfectoral civils dans des zones relativement plus sécurisés pour les remplacer par du personnel militaire qui ont ainsi l’obligation d’assurer la présence de l’Etat, y compris en étant dans des camps FAMA, lorsque les infrastructures ont été détruites par les terroristes ou lorsque, la situation sécuritaire ne leur permet pas d’occuper leurs bureaux.
Avant de les déployer, ils suivront un programme de formation rapide sur le travail des préfets et sous-préfets.
Grâce à ces mesures et surtout une volonté politique :
Aujourd’hui :
- tous les postes de gouverneurs sont pourvus ;
- seul un poste de préfet est vacant (soit 99% d’occupation) ;
- soixante-six (66) postes de sous-préfets, sur un nombre total de trois cent trente postes (330), demeurent vacants (soit 80% d’occupation).
L’effectivité sera assurée par une adoption de nos propositions de mesures individuelles qui sont dans le circuit d’approbation.
Ensuite, nous avons arrêté une clé de répartition d’éléments des forces de sécurité qui devront assurer la sécurité des représentants de l’Etat, en collaboration avec le Ministère de la Sécurité et de la Protection civile.
Des actions sont également en cours auprès des autres départements ministériels pour que le retour de l’Administration s’accompagne d’un mouvement similaire des services sociaux.
Dans le cadre de ce retour, l’amélioration des conditions de travail et de vie des représentants de L’Etat sera une priorité. Dans nos perspectives nous voudrions proposer une loi de programmation pour les représentants de l’Etat, en outre, grâce à l’AGEFAU, il est prévu de moderniser le réseau de communication de la représentation de l’Etat en y déployant un système de communication sécurisé et qui permet la connexion internet et la géolocalisation.
Monsieur Ministre, le processus de la réorganisation territoriale est un chantier important parmi les réformes politiques et institutionnelles conduites par votre département, qu’en est-il aujourd’hui ?
Je voudrais rappeler qu’avec l’adoption de la loi n°2012-017 du 02 Mars 2012 portant création de circonscriptions administratives en République du Mali, nous sommes passés de 8 à 19 régions administratives. Dans cette loi, il a été prévu une opérationnalisation des nouvelles régions sur 5 ans, c’est à dire déterminer les circonscriptions administratives, et les collectivités territoriales. En principe, l’activité aurait du se terminer en 2017, ce qui n’est toujours pas le cas.
Aujourd’hui, après un processus très inclusif et une série de concertation et de restitution, nous avons finalisé le processus de réorganisation administrative, les avant-projets de loi concernant les circonscriptions administratives et les collectivités territoriales sont dans le circuit d’approbation.
Cette activité revêt une importante capitale pour nous en termes de symbole. La 1ère conséquence visible est la caducité de notre carte administrative qui affiche toujours les 8 régions administratives.
En plus de la réorganisation administrative, nous avons procédé à la relecture de plusieurs lois à savoir :
- Le code des collectivités territoriales
- La loi déterminant les conditions de la libre administration des CT
- La loi portant statut particulier de Bamako
- Les textes relatifs aux conditions de nomination des représentants de l’État dans le district de Bamako.
En tout et pour tout, nous avons 6 avant-projets de loi qui sont dans le circuit d’approbation Gouvernementale.
Grâce à cette intense activité :
Nous avons proposé que :
- Bamako soit une collectivité unique (avantage financier) les délégations du District (amélioration de la Gouvernance et la qualité des services rendus aux populations)
- La transformation des communes en arrondissement.
- Le rééquilibrage des rapports entre le représentant de l’Etat et les élus des CT. Renforcement des attributions du représentant de l’Etat qui sera garant de l’ordre public et disposera du pouvoir d’annuler les actes des élus ou de surseoir à leur exécution. Ceci a l’avantage de remettre le représentant de l’État au cœur de l’État et d’avoir une Décentralisation plus performante et saine.
- Le rétablissement du dispositif de délégations spéciales pour mettre fin au dispositif existant des Autorités Intérimaires.
- La suppression de la collectivité cercle pour maîtriser les dépenses liées à l’augmentation de régions.
La question de l’état civil constitue une préoccupation majeure pour les citoyens maliens, sous votre impulsion quelles sont les actions menées pour faciliter l’obtention des fiches descriptives individuelles ?
Je voudrais souligner que le NINA a plusieurs avantages, il permet de réduire la fraude documentaire. Il y a quelques années, l’obtention du passeport malien était presque qu’un jeu d’enfant. Aujourd’hui, grâce au NINA l’obtention du passeport est mieux sécurisée.
Grâce à de nouvelles dynamiques et pour mutualiser les ressources financières de l’Etat, nous avons suspendu la production de carte NINA au profit de la carte d’identité biométrique, qui servira également de carte d’électeurs.
Aujourd’hui, la fiche individuelle descriptive est suffisante pour effectuer les formalités administratives.
Nous avons également remarqué que des individus malfaisants ont pris l’habitude de proposer l’enrôlement au RAVEC et l’octroi de la fiche individuelle aux usagers contre paiement d’une somme d’argent. Je souligne ici la gratuité de toutes les opérations liées au RAVEC. Pour lutter contre ces pratiques malsaines, en collaboration avec le Ministère de la sécurité, nous avons délocalisé les cellules techniques d’accueil citoyen (CTAC) dans les commissariats de police pour éviter les tracasseries et les cas de corruption pour un document qui est totalement gratuit. J’invite tous les usagers à dénoncer auprès du personnel du commissariat toute personne qui tenterait de monnayer l’obtention de la fiche individuelle descriptive.
En vue d’enrôler le maximum de maliens, les valises lourdes d’enrôlement ont été remplacées par des tablettes plus légères et qui augmentent la mobilité des agents d’enrôlement.
Pour nos compatriotes, majoritairement les maliens établis à l’étranger ayant des problèmes de correction sur leur date de naissance, une commission a été mise en place pour trouver une solution sociale et pour des raisons humanistes à ce problème. D’ores et déjà, les dossiers ont été déposés dans plusieurs MDC et le Ministère de la Justice mettra en œuvre une solution juridique pour rectifier les dates de naissance de nos compatriotes concernés. Une fois la rectification effectuée par la justice, le CTDEC intégrera les nouvelles données.
Aussi, d’autres CTAC ont été créées dans les cercles et arrondissements. A ce jour, quarante-trois (43) Cellules techniques d’accueil citoyen ont été installées et vingt-trois (23) sont encours d’installation.
Dans le domaine de la Décentralisation et l’amélioration de la gouvernance locale, Que pouvons-nous retenir des actions visant l’amélioration des conditions de vie des populations à travers les collectivités ?
La Décentralisation constitue le second pilier du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, à côté de la représentation de l’Etat. Les collectivités territoriales ont également été affectées par l’insécurité.
Malgré les défis, l’Etat a maintenu sa contribution financière dans le Fonds national d’appui aux Collectivités territoriales géré par l’Agence nationale d’investissement des Collectivités territoriales (ANICT).
Les acquis engrangés par le Gouvernement de Transition sont notamment :
-la réalisation de 223 infrastructures de santé (CSCOM, dispensaire, maternité, mobiliers sanitaires, logement personnel de santé) pour un financement de 3 277 050 872FCFA ;
-la réalisation de 856 infrastructures scolaires (salle de classe, bloc de direction, mobiliers scolaires et logement d’enseignant) pour un financement de 10 303 273 909 FCFA ;
-la réalisation de 277 projets dans le secteur de l’eau (adduction d’eau, forage, puits moderne puits pastoral) pour un financement de 3 635 070 421 FCFA ;
-la réalisation de 316 infrastructures et équipements (bâtiment administratif, matériel et mobilier de bureau, aménagement marchés et boutiques, piste rurale, ponceaux et radiers) pour un financement de 4 480 782 696 FCFA.
Ces efforts de l’État au profit des populations, sont complétés par les projets et programmes suivants :
-le Projet Sécurité et Développement au nord et au Centre du Mali (SDNM)
-le Projet de Déploiement des Ressources de l’État pour l’Amélioration des Services(PDREAS),
-le Projet de Renforcement des Capacités des Conseils Régionaux en Matière de Développement Économique et Régional, pour un coût total de deux milliards huit cent trente-sept millions neuf cent quarante-six mille sept cent quatre-vingt-douze francs CFA (2 837 946 792), pour la réalisation d’aires de stationnement de véhicules à Diéma et Kayes), pour l’aménagement du parc à bétail à Drall (Kati) et à Koulikoro, ainsi que pour l’aménagement d’aires d’abattage et la construction de boucheries à Mopti.
Il faut également signaler que dans le cadre de la gestion des ressources propres des collectivités donc de la bonne gouvernance, 250 communes dotées de logiciel de gestion budgétaire et comptable (ReCoDe) par l’ANICT, ont bénéficié d’une installation réseau au niveau du conseil communal et 86 nouvelles communes ont bénéficié dudit logiciel pour l’amélioration de la gestion de leurs ressources financières.
Votre département a créé récemment trois centres de perfectionnement préfectoraux dans les régions, de quoi s’agit-il ?
Les Centres de Perfectionnement des Collectivités sont des établissements publics à caractère scientifique, technologique et culturel. Ils ont été créés dans les Régions de Gao, San et Nioro. Ils ont pour missions d’assurer une formation continue aux Représentants de l’Etat et aux cadres du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation et de réaliser des programmes d’études. A ce titre, ils sont chargés de :
- Organiser des stages d’imprégnation aux Représentants de l’Etat nouvellement nommés ;
- Renforcer les capacités des Représentants de l’Etat dans les domaines de l’exercice de la tutelle et de la Gouvernance ;
- Assurer l’immersion et la formation continue des Représentants de l’Etat, des fonctionnaires et agents contractuels appelés à servir dans les Régions ;
- Contribuer à l’inventaire et à la diffusion des us et coutumes des différents territoires des circonscriptions administratives ;
- Contribuer à valoriser les diversités culturelles du Mali ;
- Participer aux renforcements des réflexions sur la réorganisation administrative ;
- Participer aux études et recherches sur les réformes et modernisation de l’administration ;
- Participer aux études et recherches en matière de développement local.
La création de ces Centres vise à renforcer de façon continue la capacité des Représentants de l’État en tenant compte des spécificités de chaque milieu pour mieux répondre aux attentes des populations.
La sécurisation des frontières est également une préoccupation du Gouvernement, quels sont les défis et les perspectives dans ce domaine ?
Je voudrais ici rappeler qu’à l’exception de la RDC, le Mali est le pays africain qui a le plus de frontières : 7 avec de grandes distances soit 7561km environ.
La problématique posée ici est celle de la stabilisation des espaces frontaliers de notre payset le maintien d’un climat de paix et de bon voisinage à nos frontières.
La grande fragilité des zones frontalières, voire des frontières, au plan sécuritaire constitue une préoccupation du Gouvernement de Transition. Au regard de l’ampleur de la question, le Gouvernement de Transition fait de la mise en œuvre de la Politique nationale des frontières une priorité nationale.
En plus des actions classiques de bornage des frontières, de la promotion de la coopération transfrontalière, de réalisation d’équipements sociaux de base,
Nous avons posé le diagnostic que la surveillance et la garde des frontières manquaient à notre dispositif de sécurité. La porosité structurelle de nos frontières constitue une cause d’insécurité qui permet aux groupes terroristes, criminels d’entrer sur notre territoire aisément. Pour ce faire, le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation a proposé de mettre en place d’un dispositif de surveillance et de garde des frontières, dont les travaux sont en cours en rapport avec le Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile et le Ministère de la Défense et des Anciens Combattants ainsi que d’autres structures. Une fois ces travaux techniques terminés nous allons soumettre à nos plus hautes autorités la proposition de création d’une direction des gardes frontières, qui sera, notre mur de clôture et réduira la porosité.
Ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Porte-parole du Gouvernement c’est également un défi important surtout en ce moment crucial où le Mali subit les sanctions de l’UEMOA et de la CEDEAO ?
Donner la bonne information en particulier dans le contexte des sanctions illégales prises contre notre pays devient un impératif pour le Gouvernement, au nom de la recevabilité pour notre peuple et face à la désinformation et l’intoxication.
Je voudrais ici rappeler que la mission originelle de ces Organisations est de promouvoir l’intégration : faire de notre région un espace commun de développement au profit des populations.
En prenant ces sanctions contre le Mali, je pense que ces organisations se sont trompées de combat, après une absence de réponses opérationnelles sur le plan militaire contre les groupes terroristes, malgré l’existence de la Force en attente de la CEDEAO. Aussi, en ignorant les liens séculaires de solidarité qui unissent nos peuples.
Aussi, il est impératif que ces différentes organisations changent de mode opératoire : les changements anti-constitutionnels qu’elles sanctionnent sont des conséquences. On ne peut pas fournir toute cette énergie en occultant les causes qui conduisent à ces changements anti-constitutionnels, notamment la mauvaise gouvernance endémique etc…
Le sort qui a été réservé au Mali est réellement déplorable : dès le début de la crise sécuritaire on aurait bien voulu bénéficier de la solidarité pour lutter contre les groupes terroristes, après une décennie de crise avec ses conséquences désastreuses sur le plan humanitaire et du développement, C’est troublant de ne proposer que des sanctions contre un peuple qui cherche sa voie. Aujourd’hui, la montée en puissance des FAMA illustre justement cette volonté. Ce sont les terroristes qui méritent des sanctions, pas nous.
Monsieur le Ministre, nous sommes à la fin de notre entretien, votre dernier mot ?
Avant de terminer, je profite de cette occasion pour féliciter l’ensemble de mes collaborateurs, engranger autant de résultats nécessitent un travail d’équipe et un profond engagement.
Prier pour le repos de l’âme des victimes de l’insécurité, souhaiter un prompt rétablissement aux blessés. Réitérer notre pensée profonde pour 2 représentants de l’Etat otages des groupes terroristes, en leur donnant les assurances qu’aucun effort n’est ménagé par nos plus hautes autorités pour les libérer.
Souhaiter l’union sacrée de tous les maliens, la cohésion nationale est fondamentale pour la Refondation du Mali. Le traumatisme de la perte de 70% de notre territoire national doit rester graver dans nos mémoires. Nous devrons tout faire pour que ni nous ni les générations futures ne revivent cela, en nous attaquant aux causes multiples qui nous ont conduit à ce désastre. Telle est l’objectif de la Transition.
Le dernier mot, que Dieu préserve le Mali.