… le ministre de la culture, Bruno Maïga : – « J’exhorte tous les artistes à persévérer dans l’observation des exigences de l’état d’urgence…» – « Nous sommes très optimistes et confiants que nos films seront bien représentés au Fespaco »

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Le ministre de la Culture, Bruno Maïga
Le ministre de la Culture, Bruno Maïga

“Un homme à la place qu’il faut”, disaient certains observateurs lors de sa nomination à la tête du ministère en charge de la culture. Lui c’est l’homme d’action, Bruno Maiga, né en 1952 à Ségou. Il est diplômé de l’Ecole normale supérieure de Bamako section philo-psycho-pédagogie. Après son passage à l’Institut pédagogique national comme chargé de recherche, Bruno Maïga  a fait un parcours remarquable au département de la culture. On peut retenir à ce niveau son passage à la direction de la compagnie du Théâtre national du Mali dont il fut l’un des instigateurs. Dans son brillant parcours administratif, on n’oublie pas que M. Bruno Maïga a été successivement nommé dans ce gouvernement de transition comme ministre délégué chargé de la Jeunesse et de la Formation professionnelle et ministre de la Communication porte-parole du gouvernement. C’est un homme pétri de talent, mais  humble qui nous a accordé une interview dans laquelle  il nous parle de l’exécution des conclusions issues de la journée de solidarité en faveur du Mali par l’Unesco, des problèmes de la culture, des perspectives, de la participation des cinéastes maliens au Fespaco. Le ministre a profité de nos colonnes  pour  donner une mention ” bien ”  aux organisateurs du festival sur le Niger, pour la réussite totale du colloque de Ségou et promet que les recommandations issues de ce colloque seront suivies. Il a enfin lancé un appel aux artistes maliens à plus de persévérance dans l’observation des exigences de l’état d’urgence.

L’Indépendant Weekend : Vous êtes en charge d’un département qui touche la culture. Quels sentiments vous animent  et quelles sont vos perspectives?

C’est un sentiment de fierté que je trouve légitime. La culture est un vaste domaine touchant quasiment tous les aspects de la vie humaine. ” Aider à la promotion de la culture, c’est aider à la promotion de l’Homme “. Je suis venu sans appréhension aucune, car c’est un milieu qui ne m’est pas étranger. J’ai commencé ma vie active après mes études supérieures dans le domaine de la culture en tant qu’agent à l’époque de  la direction nationale des arts et de la culture, où j’ai servi tantôt comme comédien, tantôt comme responsable de groupe dramatique, ensuite comme directeur du théâtre national donc je suis l’un des instigateurs. C’est le sentiment de revenir à mes vielles années.

Les tâches sont énormes et je contribuerai à aider  à consolider la promotion de la culture et surtout à donner plus de dynamisme à la gestion du département. Et même au delà de la conduite de la politique du gouvernement à la promotion artistique, culturelle, la protection et l’organisation de notre patrimoine culturel.  C’est avec beaucoup de fierté que j’adopte cette mission et surtout avec plein d’espoir. Avec pour seul objectif commun : faire bouger les lignes.

Le patrimoine culturel a été l’une des victimes collatérales de l’occupation du nord par les jihadistes. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), onze des seize mausolées de Tombouctou ont été détruits, 95 % des manuscrits sont en lieu sûr mais entre 2 000 et 3 000 ont été brûlés. L’Unesco s’engage à préserver le patrimoine culturel malien. Quel sera votre part de responsabilité dans la sauvegarde du patrimoine national ?

Notre part c’est la part commune ! Toutes ces destructions des sites et monuments touchent le patrimoine mondial, car la plupart ont été placés dans le domaine du patrimoine mondial. Nous à notre niveau nous ferons ce sur quoi on se sera entendu avec la communauté internationale avec comme maitre d’œuvre l’Unesco, pour réaliser ensemble la reconstruction de ce qui a été détruit et,  renforcer la préservation de ce qui n’a pas été atteint. Mais ceci dit, l’Unesco va agir avec nous et c’est nous qui agirons avec l’assistance de l’Unesco, et ce n’est pas le contraire.

Vous sortez d’une rencontre dénommée ” journée de solidarité “, pour la sauvegarde du patrimoine culturel du Mali. Les experts internationaux et les décideurs étaient réunis à l’UNESCO pour adopter un plan d’action pour la protection du patrimoine culturel et des manuscrits du Mali. Que peut-on retenir de cette rencontre ?

Dans les conclusions faites, nous devons  élaborer un plan d’action avec le gouvernement  français et même  tous les autres partenaires techniques et  financiers qui voudraient s’associer à l’œuvre de reconstruction. Ce plan d’action qui sera affiné, servira de guide pour mener à atteindre  cette mission de reconstruction, sécurisation et préservation du patrimoine culturel. Notamment à travers la reconstruction des mausolées, des mosquées et des édifices etc.

Egalement faire revenir sur les sites habituels, les manuscrits qui ont été placés en  lieu sûr jusqu’à nos jours. Ce sera sous la conduite du maitre d’œuvre Haidara, directeur de la bibliothèque des manuscrits Mama Haidara de Tombouctou, grâce à qui  la sécurité de ces manuscrits a été assuré. Nous devrions également continuer avec le processus de numérisation qui avait commencé, pour assurer la sauvegarde des manuscrits. Procéder à la réouverture  des  bibliothèques familiales etc.

Qui sera le maitre d’oeuvre de ce plan d’action ?

Bien évidemment l’Etat malien avec le soutien de l’Unesco

Une de vos phrases m’a particulièrement marquée lors de cette rencontre: ” La plus grande richesse, ce n’est pas d’avoir de l’or plein les poches, c’est de pouvoir compter sur le soutien des autres “. Quel sens donnez-vous à cette phrase ?

Cette phrase qui n’est pas de nous, mais des maitres de la parole, a été choisie selon le contexte de cette journée qui n’a pas été initiée par nous, mais par le gouvernement français et l’Unesco. Du coup nous étions allés plutôt recevoir, que de donner, et la simple initiative de mise en place de la journée de reconstruction du patrimoine, était une assurance que  le Mali a des personnes sur qui compter. Et cette phrase a été répétée depuis  les siècles et du temps de Soundiata Kéïta. Les maitres de la parole ont toujours eu à utiliser cette phrase pour montrer qu’ils n’ont jamais été seuls et qu’ils ont  toujours su compter sur d’autres.

Le Mali sera présent avec trois films en compétition, à la 23ème édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) qui s’ouvre  ce 23 février. Etes-vous optimiste que le Mali remportera l’Etalon de Yennenga ?

Optimiste je dirai pourquoi pas. On ne va pas à la bataille pour la perdre. Nous sommes très optimistes et confiants. Mais nous n’allons pas au Fespaco que pour ça. Si nous gagnons c’est notre plus grand souhait et si nous ne gagnons pas notre mérite aura été de montrer aux amateurs, spécialistes et professionnels du cinéma, le niveau de notre pays dans la promotion cinématographique à travers ces quatre films maliens au Fespaco, dont le titre phare reste ” Toile d’Araignée ” de Ibrahim Touré, inspiré du roman de Ibrahim Ly. Donc nous allons comme tout autre participant, mais avec plein d’espoir et c’est dans cet espoir, que nous trouvons les ressources nécessaires pour toujours participer à ce grand rendez-vous.

Vous avez clôturé le colloque international de la 9ème édition du festival sur le Niger. Une série de recommandations ont été soumises aux autorités maliennes. Avez-vous un message à l’endroit des organisateurs  et promettez-vous un suivi de votre département de ces recommandations ?

Ce qui nous a particulièrement réconforté sur la tenue du colloque international de Ségou, sur le thème ” Culture et gouvernance “, c’est d’abord le fait que les organisateurs ont jugé que la culture ne peut pas s’arrêter au festif qui est très souvent assez superficiel et que la culture allait dans les fondements même de nos sociétés et que la culture se découvre mieux dans l’analyse des valeurs sociétales au service des valeurs d’aujourd’hui. Cela m’a paru particulièrement intéressant surtout en cette période difficile où beaucoup d’interrogations ont surgi et beaucoup d’interrogations demeurent touchant même la survie de l’Etat en cette période de crise et que ce colloque puisse réunir les professionnels de l’Afrique du Sud, de l’Ouganda, du Sénégal, du Burkina Faso, du Congo (Kinshasa), de la Côte d’ivoire etc, pour ensemble réfléchir sur ce que peut nous apporter nos valeurs sociétales dans la résolution de la crise que nous vivons aujourd’hui sous le prisme culturel,  était réconfortant. Le festival sur le Niger a donné naissance à une fondation et c’est l’existence de cette fondation qui aura permis de nos jours de surseoir cette année à tout ce qui est festif, pour se concentrer sur la réflexion.

Les recommandations de ce colloque  seront les bienvenues et selon les priorités et les  moyens du moment, nous obtiendrons ce qu’on peut en faire. Au regard de la qualité des participants et des débats que j’ai personnellement suivis, je reste convaincu que ce seront de bonnes recommandations et que nous nous battrons tous pour la promotion de la culture, pour ne pas dire, la promotion de l’Homme.

Presque toutes les activités culturelles ont été arrêtées et de nos jours les artistes  ne cherchent plus que la survie d’où le malaise dans le milieu. Vous en tant que ministre de la culture quel message avez-vous à l’endroit de nos artistes qui puisse les apaiser?

Le département a fait aussitôt après l’annonce de l’état d’urgence un communiqué qui rappelait aux artistes la prise en compte dans toutes les initiatives et projets de l’existence de l’état d’urgence et a mon sens le respect de l’état d’urgence est un acte fondamentalement patriotique. Ce n’est pas par plaisir de mettre des privations dans les libertés des populations que le gouvernement a décrété l’état d’urgence, mais c’est dans le but de participer à la sécurité et à la sécurisation des personnes et des biens. S’y plier malgré toutes les contraintes et préjudices que peuvent subir nos intérêts particuliers, est un acte patriotique. J’exhorte tous les artistes à persévérer dans  l’observation des exigences de l’état d’urgence, dans l’espoir que très bientôt tout ceci ne sera que de piètres souvenirs et qu’ils retrouveront les bonheurs d’antan.

Un mot de la fin ?

Je remercie votre organe       ” L’Indépendant “ qui a pris l’initiative de donner à notre département l’occasion de s’exprimer une fois de plus sur ses missions, sur les problèmes de la culture, les perspectives, en bref de rendre compte. Nous vous exhortons à persévérer dans cette tâche commune, car la promotion de la culture est une tâche commune dans laquelle la presse sous toute forme (écrite ou audiovisuelle) a une grande part qu’elle a jusque là assumée avec beaucoup de responsabilité et beaucoup d’efficacité.

      Clarisse NJIKAM     

        cnjikam2007@yahoo.fr

 

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